« J’améliore mes conditions de travail, de la vie du sol à l’agneau fini »
Pierre Orcière est éleveur en Ardèche. Après de nombreux changements sur sa ferme, il élève aujourd’hui des agneaux de bergerie, soucieux de préserver son environnement et sa santé.
Des changements, il y en a eu pléthore sur la ferme de Pierre Orcière. À l’époque, la ferme du Serre, qui se trouve sur la commune de Boffres en Ardèche, était spécialisée en vache laitière. Lorsque Pierre Orcière s’est installé en 1990, il a mis en place une troupe ovine tout en augmentant le troupeau laitier. À partir des années 2000, Pierre Orcière souffre de problèmes de dos et ne peut plus travailler seul. Il arrête les ovins et fait entrer un associé sur l’exploitation. « J’ai pris conscience petit à petit que je ne me retrouvais plus dans mon activité. Mon système de montagne était très contraignant pour une valorisation du lait de grande consommation qui n’était pas au rendez-vous », se remémore l’éleveur.
La volonté de continuer le métier d’éleveur
2011 sonne le glas du Gaec, avec la dissolution de celui-ci, la vente du cheptel bovin lait, la constitution de la troupe ovine allaitante. Les bâtiments existants sont alors réaménagés d’une part pour accueillir l’atelier ovin et d’autre part en prenant en compte les soucis de santé de Pierre Orcière. « J’ai obtenu la reconnaissance d’invalidité totale en 2017. Cela ne tient pas à grand-chose que je ne puisse pas travailler. Il m’a donc fallu identifier ce “grand-chose”, sachant que j’aurais eu beaucoup de mal à renoncer au métier d’éleveur. »
J’ai identifié les leviers me permettant de poursuivre mon activité
L’éleveur adapte ainsi son environnement de travail. Il commence par s’équiper d’une dérouleuse-pailleuse, d’un valet de ferme, qui devient immédiatement son « couteau suisse indispensable ». Il achète également un godet mélangeur afin de ne pas avoir à brasser son mélange fermier à la main. Enfin il construit lui-même, avec le bois produit sur l’exploitation, les cornadis qui lui permettent de réaliser « les échographies, le drogage, le tri sans avoir à attraper les brebis ». Une partie de la bergerie est dédiée aux agnelages, avec un sens de rotation et passage obligatoire en case. Toutes les brebis suitées restent ensuite quelques jours sur une aire de prélâcher avant de retourner dans l’aire paillée commune. L’éleveur, curieux et motivé par l’amélioration continue de son système, s’informe et se documente via internet et les réseaux sociaux.
Réduire au maximum la mortalité des agneaux
« Quand j’ai repris l’activité ovine, j’étais vraiment surpris par les taux “acceptables” de pertes d’agneaux. J’ai de ce fait entrepris d’avoir les meilleurs chiffres possibles et aujourd’hui la troupe se situe autour de 7-8 % de mortalité, pour produire un maximum d’agneaux, bien valorisés grâce au label Rouge agneau de l’Adret. » Pour cela, Pierre Orcière accentue la surveillance pendant l’agnelage, paille jusqu’à deux fois par jour pendant cette période et effectue des visites nocturnes. Avec trois agnelages dans l’année (mars-avril, août-septembre et décembre-janvier), la méthode est payante mais la cadence est dure à tenir. « Avec une telle surveillance, je ne peux pas gérer plus de 120 brebis pour une mise bas. Au-delà, le physique ne suit pas. »
Un troupeau nourri par son terroir
« Je me suis tourné à nouveau vers les ovins viande car j’ai voulu sortir d’une logique productiviste et industrielle pour relocaliser ma production. Mon troupeau est nourri par son terroir. » En effet, l’éleveur de 55 ans vise l’autonomie maximale. Elle est atteinte au niveau des fourrages ainsi que pour la ration des brebis. L’éleveur a mis en place des méteils de triticale, avoine, vesce et pois fourrager qu’il moissonne ainsi que ses parcelles de luzerne. « La paille du méteil est même plus appétente et constitue un meilleur fourrage qu’un mauvais foin », observe-t-il. Côté pâturage des brebis, il a installé des prairies riches en légumineuses. « En revanche, lâcher les agneaux dans les méteils représente un risque que je ne veux plus prendre, car ils trient trop et sont donc déséquilibrés. » Il leur apporte donc un aliment du commerce qu’il va compléter avec les céréales (orge et triticale) produites sur l’exploitation. Le pilier du système fourrager, ce sont les prairies de dactyle-fétuque. « L’appétence n’est pas terrible pour les brebis, j’en ai bien conscience, mais ce sont des prairies qui durent longtemps et qui font preuve d’une grande résilience en cas de stress hydrique. Il y a une bonne pousse à la moindre précipitation. » Enfin, et pas des moindres, Pierre Orcière le reconnaît : « Comparé aux vaches laitières, l’élevage ovin est beaucoup moins stressant. On est plus résilient face aux coups durs et il existe plus de leviers pour faire face au changement climatique ».
Chiffres clés
300 brebis Blanche du Massif Central avec 1,55 de prolificité, 7-8 % de mortalité
61 ha de SAU :
2 ha de semence (tournesol et colza).
10 ha de céréale et méteil.
25 ha de prairie temporaires et luzerne.
4,5 ha de prairie permanente et de parcours.
Le retour à la vie dans les sols
« Lors de la période “Gaec laitier” de l’exploitation, nous avons eu de gros problèmes de ruissellement et cela m’a fait réaliser à quel point mes sols étaient usés », se rappelle Pierre Orcière. L’éleveur s’est intéressé à l’agriculture de conservation des sols et il en applique les principes depuis près de dix ans. Pas de labour, pas de déchaumage après moisson et les parcelles les plus dégradées sont mises en prairie longue durée ce qui signifie ne pas y toucher pendant au moins sept ans.
Pailler à foison pour produire du fumier et fertiliser les terres
« Le paillage régulier de la bergerie fournit une bonne quantité de fumier ce qui me permet de m’affranchir de plus en plus des fertilisants du commerce. Depuis quelques années, je note une nette amélioration de la qualité des sols, une productivité en hausse et le retour de la vie dans la terre. » Il s’applique à produire de bons fourrages, « c’était important quand j’étais laitier et j’ai gardé cette volonté ». Pour lui, l’agriculture de conservation représente un moyen d’économiser, avec moins de recours à la mécanisation, donc moins de frais de carburant. Il passe également moins de temps sur le tracteur, ce qui lui permet de se préserver physiquement. L’éleveur fait un semis direct de couvert qui sera pâturé par les brebis en fin d’été et début d’automne. « J’ai la chance d’avoir toutes mes parcelles pour le pâturage dans un rayon maximal d’un kilomètre autour de la ferme. »
Fournisseurs
Warzée SA, machiniste agricole belge, propose une pailleuse-dérouleuse en position frontale. « Elle se fixe sur les griffes du valet de ferme, cela m’évite d’avoir à me retourner pendant le paillage pour vérifier que tout se passe bien », témoigne Pierre Orcière. La machine assure la distribution de balle ronde, de paille, de foin et d’enrubanné.