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Reproduction
Grosses brebis et béliers vigoureux pour avoir des agneaux

La journée régionale ovine de Bretagne était consacrée à la reproduction. La réussite passe notamment par l’attention portée aux béliers, à l’élevage des agnelles et à l’état corporel des brebis.

Tout est relatif quand on parle fertilité ou prolificité, souligne Laurence Sagot de l’Institut de l’élevage, à l’occasion de la journée régionale ovine de Bretagne du 22 janvier organisée par les chambres d’agriculture de Bretagne, Ter’Elevage, GDS Bretagne et le GIE élevages Bretagne. En lutte naturelle de saison, la fertilité est correcte au-dessus de 90 % et problématique en dessous de 70 %. En lutte synchronisée, elle est bonne au-dessus de 70 % et mauvaise en dessous de 50 %. En contre-saison, elle est très bonne au-dessus de 80 % et mauvaise en dessous de 60 %. » Les résultats diffèrent aussi entre brebis et agnelles. La lutte de contre-saison ne marche pas de façon régulière pour les agnelles. Et on considère que la fertilité est bonne au-dessus de 80 % en saison et 70 % en lutte synchronisée. La pleine saison pour toutes les races va de septembre à janvier. Avec la baisse de la durée du jour, la sécrétion de mélatonine, qui se fait la nuit, augmente, déclenchant l’ovulation. En moyenne, une ovulation a lieu tous les 17 jours. Certaines races ne se reproduisent naturellement qu’en saison (Rouge de l’Ouest, Texel, Vendéen, Charollais…), même s’il est parfois possible de les avancer progressivement. D’autres peuvent se désaisonner, notamment les races rustiques (Blanche du Massif central, Bizet…), les races prolifiques (Romane, Romanov…) et certaines races bouchères (Ile-de-France, Berrichon du Cher, Charmoise).

L’introduction des mâles a alors un effet déclenchant. On parle d’effet bélier. « Mais il faut qu’il y ait auparavant une vraie séparation des mâles et des femelles, car ce sont les phéromones qui passent entre autres par l’odorat qui interviennent », insiste Laurence Sagot. Et si en saison, une lutte sur deux cycles suffit, en contre-saison, il est nécessaire de mettre les béliers sur trois cycles, la première ovulation étant dite « silencieuse » car non fécondante et la fertilité étant alors moins bonne. « On peut aussi mettre les brebis pendant 14 jours avec des béliers vasectomisés, qui déclenchent les chaleurs mais sont stériles, puis enlever ces béliers et introduire les béliers fertiles pendant deux cycles. » Dans tous les cas, il y a intérêt à faire des luttes courtes, qui impliquent moins de concentré, des périodes d’agnelage plus courtes, des agneaux plus homogènes. Le constat de gestation est recommandé, surtout en contre-saison, pour repérer les brebis vides et identifier les doubles ou triples, qu’il faudra plus alimenter. « Une brebis vide coûte cher, occupe de la place à l’auge et baisse la fertilité du troupeau. Avec une gestion stricte, la fertilité du troupeau reste supérieure à 95 %. Sans gestion, elle peut diminuer de 5 % par an. »

Importance de l’état corporel des brebis

Une mise à la reproduction réussie implique « des habitudes » en termes de dates et durées de lutte et de constitution des lots. Les bousculades doivent être évitées pendant la lutte et trois semaines après (pas d’intervention, pas de changement d’alimentation, attention aux chiens…). « Le fœtus met trois semaines à se fixer », rappelle Laurence Sagot. Les agnelles ne doivent pas être mises à la reproduction avant sept mois. « Leur fertilité dépend du poids à la mise à la reproduction, qui doit être d’au moins deux tiers du poids adulte. Il est important aussi de ne pas les suralimenter pendant la phase de différenciation mammaire, de deux à six mois, faute de quoi leur production laitière est compromise pour toujours. Le GMQ sur cette période ne doit pas dépasser 170 g/j. »

Enfin, l’état corporel des femelles à la mise à la reproduction et pendant la lutte est un élément majeur. « La note d’état corporel en début de lutte doit être au moins de 2, faute de quoi la fertilité reste inférieure à 90 %. L’idéal est une NEC de 3. Entre 2 et 3, il faut faire reprendre de l’état à la brebis pendant la lutte. Et dans tous les cas, il faut éviter la perte d’état pendant cette période. » L’idéal aussi est que les brebis soient taries depuis plus d’un mois. Un flushing des brebis maigres 3 à 4 semaines avant la mise en lutte peut également être utile. Et les brebis ont alors besoin d’énergie. En bergerie avec du foin, on peut apporter 600 g de céréales, 100 g de tourteau de soja, 20 g de CMV 7/21. À l’herbe, l’apport peut être de 500 à 700 g de céréales. Le pâturage d’un couvert de colza peut aussi servir de flushing. Différentes techniques de maîtrise des cycles sont par ailleurs possibles : synchronisation (10 à 15 €/brebis avec IA), implants de mélatonine, qui permettent d’avancer la saison d’un mois et demi maximum (5 €/brebis), ou traitements lumineux à mettre en place 140 jours avant la mise en lutte.

Ne pas lésiner sur le nombre de béliers

Selon les races, la saison, les individus, les béliers ont des activités très variables. Et ils ont leurs préférences. Une étude de Nathalie Debus de l’Inra montre que les béliers préfèrent les grosses brebis, en lien avec leur valeur reproductive. Ils saillissent aussi en premier les brebis de leur race et préfèrent les brebis aux agnelles, d’où l’intérêt de séparer les agnelles des brebis. « Il ne faut donc pas lésiner sur le nombre de béliers », insiste Laurence Sagot. Les recommandations sont de 40 à 50 brebis par bélier en lutte naturelle d’automne, 20 à 25 en lutte naturelle de contre-saison, 3 à 5 en lutte sur éponges et 20 à 25 agnelles avec au moins un bélier expérimenté. Les béliers doivent être en bon état en début de lutte : pas de boiteux ni de malade deux mois avant la mise en lutte (délai de production des spermatozoïdes), béliers déparasités, flushing deux mois avant la mise en lutte… Et ils doivent être dans la force de l’âge, entre un an et demi et cinq ans. La fertilité étant notamment inférieure de 30 % pour un bélier d’un an.

Les bonnes pratiques pour remplir les brebis

Bien choisir son bélier

« Sur sa carrière, selon la productivité du troupeau et le système d’élevage, un bélier produit 200 à 500 agneaux, indique Alain Gouëdard de la chambre d’agriculture de Bretagne. Les premiers effets sont des bénéfices à court terme sur les agneaux (conformation, état d’engraissement, croissance), puis des effets à long terme sur le cheptel, car le progrès génétique est cumulatif. C’est donc un investissement à ne pas négliger. » Les béliers qualifiés peuvent permettre d’améliorer la prolificité, la valeur laitière des brebis ou les qualités bouchères des agneaux. Plusieurs outils sont disponibles pour les choisir : les index (estimation de la valeur génétique la plus probable que l’animal est susceptible de transmettre à sa descendance), le coefficient de détermination (CD, précision de l’estimation de cette valeur selon l’héritabilité du caractère et les informations disponibles) et les qualifications de la mère et du père du bélier données par les organismes de sélection. L’important d’abord est d’identifier les besoins de l’élevage : choisir un type élevage pour le renouvellement des femelles, un type viande pour les agneaux de boucherie et un type mixte pour les deux. « Il faut aussi amener régulièrement du sang neuf pour éviter la consanguinité et maintenir de la variabilité génétique. Et dans le cas de l’utilisation pour le renouvellement femelle, il faut vérifier les parents pour ne pas acheter un demi-frère et risquer d’augmenter la consanguinité. »

Deux périodes d’agnelage pour produire des agneaux à Noël et à Pâques

Installé en 2014 à Plouray dans le Morbihan, Sébastien Bellec élève 400 brebis romane et romane X suffolk et 12 béliers suffolk et charollais sur 69 ha, dont 11 ha de céréales autoconsommées, pour la production d’agneaux label rouge. Il a réparti ses agnelages sur deux périodes, en juillet-août et novembre-décembre. « Cela me permet de fournir des agneaux à Noël et à Pâques et facilite l’organisation du travail », précise-t-il. Les brebis non fécondées l’été sont remises en lutte pour des mises bas en janvier-février. En 2018, l’éleveur a aussi remis à la reproduction les brebis n’ayant fait qu’un agneau l’été. Sur 60 brebis, 36 étaient gestantes. Le tarissement et la lutte se font le plus souvent au pâturage, sur des paddocks de 70-80 ares, sans flushing avant la lutte. Les agnelles sont mises à la reproduction à 12-14 mois, vers 55-60 kg, avec 10 agnelles par bélier. Le renouvellement se fait essentiellement à partir d’agnelles romane X suffolk. « J’y perds un peu en prolificité, mais ces agnelles croisées sont plus maternelles et plus résistantes », précise Sébastien Bellec. Pour pouvoir continuer à désaisonner, l’éleveur achète toutefois tous les deux ans un lot d’agnelles romane ou romane X île-de-France. « Il pourrait aussi y avoir des béliers île-de-France pour garder à la fois les qualités bouchères et le désaisonnement », estime Alain Gouëdard, de la chambre d’agriculture.

Des cures d’oligo-éléments pour compenser les sols granitiques

Tous les béliers sont inscrits. L’éleveur fait aussi faire de plus en plus d’échographies. Et il utilise le logiciel de troupeau Softmouv. Au final, la prolificité en 2018 a été de 174 % et la productivité de 1,6 (résultats non finalisés). En 2019, Sébastien Bellec prévoit d’apporter des bolus d’oligo-éléments aux brebis pour améliorer la reproduction et la vigueur des agneaux. « Sébastien minéralise peu et ses terres sur sous-sol granitique sont sans doute carencées en certains oligo-éléments importants pour la reproduction, analyse Alain Gouëdard. Une autre amélioration pourrait être une meilleure gestion du parasitisme, qui peut être élevé du fait de l’humidité des terres, notamment en conduisant séparément les agnelles et les brebis. »

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