Entre chien et loup, les éleveurs en plein désarroi
Le nouveau plan loup ne semble pas prendre la mesure du traumatisme des éleveurs et des bergers. D’autant que les loups français seraient plutôt issus de croisement avec des chiens.

La saison en estive a été dure pour les bergers qui ont dû essuyer de nombreuses et meurtrières attaques de loups. Ils espéraient pouvoir souffler enfin en redescendant les animaux dans les vallées, en gardant les brebis prêtent à agneler sous bonne protection, avec filets, chiens et surveillance plusieurs fois par jour. Malheureusement, il n’en est rien. Les attaques du grand prédateur sur les troupeaux continuent, toujours plus sanglantes. À cause du stress, les brebis avortent, les agneaux sont des proies faciles sur lesquelles les louveteaux apprennent à tuer et les éleveurs sont dépassés, désespérés. Les ministères de la Transition écologique et solidaire et de l’Agriculture et de l’alimentation ont présenté le 12 septembre dernier un plan national d’action Loup pour la période 2018-2023 qui a été massivement rejetée par les professionnels agricoles qui se sont sentis oubliés et abandonnés à leur sort par un gouvernement plus apte à sauvegarder une espèce animale que l’élevage dans sa diversité. Une nouvelle copie a été présentée aux élus agricoles début novembre. Celle-ci présente des améliorations et a le mérite d’afficher un soutien au pastoralisme et à l’élevage de plein air. Cependant les représentants des éleveurs ont jusqu’au 12 décembre (après le bouclage de ce numéro) pour faire entendre leurs contre-propositions au gouvernement.
Un nombre d’attaques en augmentation constante ces dernières années
Les éleveurs gardent les points suivants comme ligne directrice : viser le « zéro attaque », permettre en permanence aux éleveurs de défendre leurs troupeaux, sans que cela n’entre dans le plafond de prélèvement, refuser toute conditionnalité pour le versement des indemnisations des troupeaux touchés et enfin, refuser une gestion différenciée du dossier du loup entre les territoires. Rappelons que le ministère de l’Écologie annonce pour objectif que la France compte une population de 500 loups en 2023. Aujourd’hui, la population lupine française est autour de 360 individus qui ont provoqué le décès de près 10 000 victimes rien qu’en en 2017. La profession estime donc qu’une augmentation avoisinant 30 % de la population du prédateur ne fasse exploser le nombre d’attaques et n’augmente considérablement le préjudice causé aux éleveurs. Le questionnement autour de l’hybridation du loup, jusque-là tenu au second plan, prend aujourd’hui de l’ampleur, porté par un collectif d’éleveurs, d’élus municipaux et de scientifiques. Ce collectif, mis sur pied par Bruno Lecomte, éleveur caprin dans les Vosges, a présenté les résultats d’analyse des échantillons prélevés par les éleveurs sur les scènes d’attaque de loup. Le collectif a chargé le laboratoire Forgen, basé à Hambourg en Allemagne, spécialisé dans la médecine légale, de réaliser ces analyses.
Une forte présence de loups hybrides et d’origine russe
En effet, le laboratoire a constitué une importante base de données d’ADN de loups et de chiens, lui permettant de détecter l’hybridation d’un individu de manière fiable. Il ressort de cette étude que la population de loups hybrides serait bien plus importante que la version officielle de l’ONCSF qui annonce 1,5 % d’individus hybrides. De plus, les échantillons ne révèlent pas de parenté avec le loup italien mais plutôt avec du loup russe, ce qui pourrait laisser penser qu’il y a des lâchers illégaux de loups. La Fédération nationale ovine (FNO) questionne à son tour le gouvernement sur ce sujet. Michèle Boudoin, présidente de la FNO, s’interroge dans une lettre adressée au Premier ministre et au ministre de la Transition écologique et solidaire : « Combien sont-ils (les loups, NDLR) ? Sont-ils non protégés, comme l’a affirmé […] Marco Cipriani, représentant de la DG ENV, Commission européenne […] ? ». La présidente rappelle dans sa lettre les contradictions entre les données officielles et celles obtenues par le collectif des éleveurs et demande des éclaircissements sur ces écarts et souhaite voir l’État mener ses propres analyses, afin de lever les suspicions des éleveurs et répondre à leur désarroi.