Mathilde Bérard, à Roz-sur-Couesnon en Ille-et-Vilaine
Éleveuse sur les terres du conservatoire du littoral
Grâce au conservatoire du littoral, Mathilde Bérard s’est installée avec 315 brebis dans la baie du Mont-Saint-Michel, .
Après avoir été technicienne à la chambre d’agriculture de la Manche et formatrice en lycée agricole, je cherchais à m’installer. Mais le pré-salé était un objectif difficile à atteindre car s’il reste de la place pour emmener des bêtes pâturer sur l’herbu, il y a peu de bergeries et il est très difficile de construire dans cette zone, donc les places sont chères.
Mais le conservatoire du littoral cherchait à acheter des terrains ici depuis longtemps pour assurer la protection de cette frange du littoral. Quand cette vieille exploitation où il n’y avait plus d’animaux depuis plusieurs années s’est trouvée à vendre, ils ont préempté et ont lancé un appel à candidatures pour installer un projet ovin. En effet, l’AOP prés-salés du Mont-Saint-Michel a beaucoup de demande et est toujours à la recherche de nouveaux éleveurs. Mon installation en 2015 répond donc à un projet collectif. J’ai été très soutenue par le groupement de producteurs Ovi-Ouest, la mairie de Roz-sur-Couesnon, la chambre d‘agriculture et le conservatoire du littoral.
Aujourd’hui, j’élève 315 brebis et agnelles de races Roussin, Suffolk et vendéen. Ce sont des races rustiques, bien adaptées au milieu, et j’ai constitué mon cheptel par achat d’agnelles que je me suis procurées à 70 % dans la zone. Je dispose de 22 hectares de SAU, avec des parcelles de repli, des luzernes-fétuques, des prairies multiespèces et un peu de céréales. Mais j’utilise aussi 350 à 400 ha de domaine public maritime, que je partage avec une éleveuse voisine. Les agnelages ont lieu en deux temps fin décembre-début janvier, pour avoir la place en bergerie, éviter les problèmes sanitaires et étaler les ventes. Les agneaux sont vendus à la coopérative Ovi-Ouest et un peu en vente directe. J’ai produit pour le moment 1,3 agneau par brebis mise en lutte. Je n’utilise aucun produit phytosanitaire et je pense passer en bio d’ici quelques années.
Les brebis passent 110 jours l’hiver en bergerie et sortent en février dès que le temps le permet en restant dans des parcelles attenantes à la bergerie dans un premier temps. En période estivale, nous réunissons nos cheptels avec ma voisine Rebecca Euzen. Cette année, nous avons donc mené ensemble sur l’herbu 800 brebis et leurs suites soit un total de 1 500 têtes. Les agneaux partent sur l’herbu vers deux mois. Le temps qu’ils y passent nécessite beaucoup de surveillance du fait des criches, ces petites vallées serpentant à travers l’herbu et se remplissant d’eau avec la marée, où ils peuvent s’enliser ou se noyer. Nous consacrons parfois six heures dans la journée au gardiennage. Nous les rassemblons au filet tous les 15 jours à trois semaines pour faire un check-up et vérifier qu’il n’y a pas de problèmes. La mise en commun des deux troupes nous permet donc de nous entraider pour faire le travail, nous remplacer si besoin, mutualiser les tâches et faire les corvées à deux. Une fois sorties avec les agneaux, les brebis restent dehors jusqu’à la fin de la saison. Les agneaux quittent l’herbu directement pour partir à la boucherie. Pour les trier et organiser les départs, nous emmenons un parc de tri mobile. Nous faisons ce travail ensemble, chacune attrapant les agneaux de l’une ou l’autre indifféremment."
Des troupeaux mis en commun pour mutualiser les travaux
Une MAE herbagère
Les cinq éleveurs du pré-salé bretons ont souscrit ensemble une mesure agro-environementale surfaces herbagères et pastorales sur l’herbu. Ils sont tenus de réaliser un pâturage dirigé afin de lutter contre l’invasion de la baie par du chiendent maritime au détriment des espèces halophytes. Des paddocks sont réalisés à l’aide de spider pack pour augmenter la pression de pâturage à cet effet.