Éleveur, un métier pas assez attractif ?
Rendre les métiers de l’élevage plus attractifs est un enjeu pour renouveler les générations d’éleveur, maintenir la vitalité des territoires ruraux et séduire les consommateurs.
Près de 95 % des professionnels des filières d’élevage estiment que l’attractivité des métiers de l’élevage est un enjeu important pour l’avenir de leurs filières. C’est le résultat d’une enquête réalisée au printemps, et qui a été présentée aux responsables et partenaires des filières d’élevage lors d’une journée débat organisée par l’Institut de l’Élevage avec les instituts techniques de l’élevage avicole et porcin et la Confédération nationale de l’élevage (CNE) le 17 mai. « Nous construisons dans le cadre de la CNE un observatoire pour savoir où en est l’installation et quelles sont les actions concrètes en place sur le terrain » a rappelé Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine et de la commission attractivité de la CNE.
« Pourtant, en filière herbivore, il y a tout de même 4 200 installations par an, ce qui est supérieur à la moyenne, tempère Christophe Perrot du département économie de l’Institut de l’élevage. Mais en élevage ovin viande, avec 50 % des brebis aux mains d’éleveurs de plus de 50 ans, les besoins de renouvellement sont importants. De plus la restructuration ne s’opère pas : les éleveurs qui restent ne récupèrent pas la production de ceux qui arrêtent et il y a plus d’élevages à diminuer la production qu’à l’augmenter. Avec pour conséquence, le recul du cheptel et de la production, même dans les zones qui avaient résisté jusqu’à présent, du fait de la concurrence entre production et de la prédation ».
Le programme Inn’ovin, financé par la profession, a été mis en place pour répondre à cette problématique, avec des actions pour valoriser l’élevage ovin auprès des apprenants et porteurs de projets et améliorer le revenu et les conditions de travail des éleveurs.
Montrer les différentes facettes du métier
L’attractivité repose sur trois composantes. Il y a d’abord l’image du métier, pour laquelle il faut saisir toutes les occasions de communiquer positivement et montrer les différentes facettes du métier. « Attention à ne pas montrer que nos difficultés, a mis en garde Jean-Luc Chauvel, éleveur ovin en Haute-Loire et président de Races de France. J’ai installé mon fils derrière moi. Pour cela, il faut savoir montrer que c’est un métier intéressant, un métier comme un autre, avec des solutions pour bien vivre, et gagner sa vie ! » Aux Pays-Bas par exemple, le métier d’agriculteur a une très bonne image, grâce à une communication très positive des agriculteurs et de leurs filières. Les responsables syndicaux sont formés à la communication, ce qui revêt une importance toute particulière du fait qu’une grande part du volume de production est exportée. La profession n’hésite pas à communiquer sur le pâturage par exemple même si les animaux passent peu de temps à l’extérieur.
Il y a ensuite les conditions d’exercice car, aujourd’hui, un jeune qui s’installe, même s’il est passionné, va aussi s’intéresser aux conditions de vie et de travail qu’ils auront. Les solutions pour soulager la contrainte travail sont essentielles. Il faut aller capter la main-d’œuvre là où elle est. Des solutions existent dans certains départements pour permettre à des demandeurs d’emploi de tester un métier agricole en immersion pendant quelques jours. Ce dispositif a été mis en place notamment par l’association emploi formation du Finistère, avec succès. Cela permet ensuite de les orienter vers une formation agricole si l’essai est concluant. « J’élève 120 vaches laitières en bio dans un Gaec à trois, a témoigné Bruno Martel. Nous travaillons de 7 h à 12 h et 13 h 45 à 18 h 30 et nous avons chacun un week-end de garde sur trois et quatre semaines de congé à prendre par an. Nous avons accueilli un troisième associé dans la structure il y a quatre ans. Elle est entrée à 15 % du capital avec une rémunération égale, l’objectif étant qu’elle arrive à prendre 33 % de part sous dix ans. Nous étions persuadés que de la main-d’œuvre supplémentaire, motivée et qualifié serait rapidement rentable. Et ça a été le cas : au bout d’à peine cinq ans, elle génère sa propre part. »
Prêts à entrer avec conviction dans notre métier
Le dernier pilier de l’attractivité repose justement sur les conditions d’accès : formation, financement, foncier… Espaces tests agricole, portage de foncier, financement participatif font partie des solutions qui pourraient aider les futurs éleveurs à s’installer. À l’image du fond Labeliance Agri qui permet d’apporter des fonds propres en complément de ceux de l’exploitant sur une durée de 8 à 10 ans pour financer les projets, d’autres solutions alternatives de financement se développent. Ainsi, le crédit mutuel Maine-Anjou Basse-Normandie a créé un dispositif permettant de porter jusqu’à 30 % de la surface de l’exploitation pour une durée de 25 ans maximum avec un bail consenti aux candidats à l’installation et un fermage établi selon le tarif en vigueur.
« Les gens qui s’intéressent à nos métiers, il ne faut pas grand-chose pour qu’ils soient rebutés mais il en faudrait encore moins pour qu’ils entrent avec une conviction pleine et entière dans notre métier » a conclu Martial Marguet, président de l’Institut de l’Élevage.
Travailler sur les conditions de vie et de travail
Un problème commun au milieu rural
Les éleveurs ne sont pas les seuls à être confronté à un problème d’attractivité du métier. Les vétérinaires ruraux, par exemple, ont connu une baisse régulière du nombre de praticiens depuis 30 ans, avec pour conséquences des difficultés à transmettre et leur clientèle et à se faire remplacer pour prendre des congés, etc. Une étude menée sur 1 500 étudiants a montré que les freins principaux sont liés d’une part aux conditions d’exercice : un travail qui peut être physique, où l’on passe du temps sur la route, confronté à la météo et où il peut être difficile de se faire accepter de la clientèle d’éleveurs. D’autre part, ce sont les conditions de vie en milieu rural qui rebutent certains candidats : éloignement, isolement, manque d’accès à la culture… L’attractivité du métier reposerait donc pour une part sur une revalorisation de l’image des territoires ruraux et la pérennisation des services de proximité, mais aussi par un meilleur partenariat vétérinaire-éleveur et un meilleur encadrement des jeunes tout au long de leur formation. « Aujourd’hui, on ne veut plus des vétérinaires pompiers, a confirmé Frédéric Noizet, mais plutôt qu’ils nous aident à faire de la prévention. Une demi-journée du vétérinaire dans mon élevage avant l’agnelage, c’est un bon investissement. Les vétérinaires doivent faire du conseil mais du conseil pratique de terrain. »