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Le programme pâturage ovin en système céréalier en Ile-de-France
Des éleveurs et céréaliers franciliens qui remettent des moutons dehors

Les moutons sont les bienvenus en Ile-de-France, que ce soit pour pâturer chez les céréaliers ou valoriser les espaces improductifs. Témoignages d’éleveurs plus ou moins avancés.

La polyculture-élevage présente d’indéniables atouts pour mener les systèmes agricoles vers plus de durabilité. Cependant, les systèmes mixtes couplant cultures et élevage continuent de régresser, particulièrement en Ile-de-France. Pour réfléchir à la question de la place de l’élevage en Ile-de-France et remettre des moutons dehors, Agrof’île invitait à en débattre le 31 janvier dernier à AgroParisTech. L’occasion notamment de partager les premières observations du programme Poscif, pâturage ovin en système céréalier en Ile-de-France. À travers un réseau d’agriculteurs-expérimentateurs, ce programme étudie jusqu’à l’automne 2021 les synergies possibles entre les élevages ovins pâturant et les systèmes céréaliers franciliens via le pâturage de couverts végétaux, de repousses, de chaumes ou de cultures telles que blé d’hiver ou colza d’hiver.

« J’ai besoin des brebis pour les céréales bio »

« On a perdu ce savoir-faire ancien du pâturage des céréales, regrette Laurence Sagot, de l’Institut de l’élevage et du Ciirpo. Il nous faut acquérir des références pour prouver que le partenariat est bien gagnant pour l’éleveur comme le céréalier ». Pour cela, une série d’essais sur le pâturage des céréales, du colza, voire des betteraves sucrières avant l’arrachage est en cours. « Les couverts végétaux aussi sont une aubaine pour les brebis mais il faut qu’il y en ait. Or, selon la pluviométrie, une année sur deux, il n’y en a pas ou pas beaucoup… »

Un partenariat entre céréaliers et bergers sans terre

En Seine-et-Marne, pour convertir à l’agriculture biologique ses 570 hectares dont 520 de cultures de ventes, la Ferme de Chalmont s’est appuyée sur l’élevage ovin et le non-labour. « J’ai vraiment besoin des brebis, affirme Bruno Saillet, le chef de culture. Elles nettoient les adventices comme les matricaires, régulent les trèfles qui restent à demeure et nous font économiser du carburant en limitant le broyage et le désherbage mécanique. D’ailleurs, on a revendu le herse étrille… » Le pâturage des ovins commence vers le 15 août sur des intercultures derrière de l’orge et se termine fin mars sur des céréales d’hiver ou de printemps. Le passage des moutons permet un bon tallage et donc une réduction des doses de semis. Autre avantage, « on a des oiseaux qui reviennent et l’emploi de bergers redonne du lien social avec le voisinage qui s’arrête discuter avec lui. Par contre, j’ai des périodes avec trop de brebis - après le tallage ou quand les conditions climatiques sont compliquées - et d’autres avec pas assez – avant les semis - ». Berger sans terre, Alexandre Faucher y fait pâturer ses Limousines à l’automne sur les chaumes, les repousses de cultures avec adventices et sur les couverts permanents de trèfle blanc. En fin d’hiver, les moutons reviennent pour pâturer les céréales d’hiver sous couverts de trèfle blanc nain ou infestées de ray-grass. « Avec la fumure ovine et le sans-labour, notre objectif est de passer nos terres sableuses de 1,5 % de matière organique à 2 % », promet Bruno Saillet.

En plus des prestations d’écopâturage avec l’ONF ou de pâturage dans les sous-bois privés, les carrières ou les prés communaux, Alexandre Faucher pâture chez deux céréaliers. Pour se rendre de l’un à l’autre, il transhume à pied une dizaine de kilomètres à travers chemins et forets et se fait aider occasionnellement par la gendarmerie pour faire traverser les routes départementales à ses bientôt 370 brebis. Le partenariat avec les céréaliers se fait sans contrat ni rémunération. « Nous nous concertons avec le céréalier pour choisir l’ordre des parcelles à pâturer. J’y place mes filets et mes brebis pâturent les couverts. J’essaie de les faire changer tous les deux jours car j’ai l’impression qu’elles se plaisent mieux si elles ont des aliments neufs. Je leur laisse un bloc de minéraux et de l’eau, sauf en hiver où l’alimentation est assez humide ». Par contre, l’éleveur met en garde contre l’absence de haies or « les brebis ont besoin de se gratter ». Le temps de travail est aussi très variable et le pâturage est parfois incertain comme cette année la fin d’hiver.

Un atelier ovin qui fait que les grandes cultures fonctionnent bien

Pour aider à simuler les avantages de la polyculture élevage, l’Acta a intégré les logiciels des grandes cultures avec ceux de l’élevage. Première application en Seine-et-Marne avec Jean-Luc Douine qui voulait agrandir le troupeau ovin sans augmenter la surface du bâtiment ni acheter d’aliments supplémentaires. Avec l’aide de l’Acta, il a étudié le passage de 250 à 350 brebis et la mise au pâturage des animaux. En diminuant le nombre de périodes d’agnelage, il espère un gain de marge nette mais aussi de travail. En plus, la surface de sa bergerie le permet. « Quand il y a des brebis dans une exploitation céréalière, il ne faut pas zoomer uniquement sur les résultats de l’atelier, recommande Romain Dieulot, animateur au Réseau Civam à Rennes. C’est peut-être parce qu’il y a l’atelier ovin dans la ferme que la partie des grandes cultures fonctionne bien. »

Cet automne, Jean-Luc Douine s’est essayé aux pâturages des Cipan avec 80 brebis et apprécie qu’elles ne lui aient « rien coûté pendant trois mois ». En février-mars, il va placer une partie du troupeau sur un méteil de seigle et légumineuse. Pour l’été, il les mettra sur une pâture à base de millet et trèfle d’Alexandrie.

Une association et une marque pour les agneaux d’Ile-de-France

Dans sa ferme céréalière de 240 hectares dans l’Eure-et-Loir, Patrice Guyot aussi a remis des brebis depuis 2016. Si les 130 Romanes mangent surtout l’orge et les pois produits sur place, l’éleveur de 37 ans les fait sortir de plus en plus. « Je me suis acheté un chien dressé à l’automne pour conduire le troupeau dans les champs », explique le polyculteur. Le manque d’abattoir francilien est souvent cité comme un frein. Avec la fermeture de celui de Nogent-le-Rotrou l’an dernier, il ne reste que ceux de Meaux et de Jossigny dans la Seine-et-Marne en plus de ceux plus éloignés de Cosne-sur-Loire, Migennes ou Vendôme. Patrice Guyot, lui, amène ses agneaux à Vendôme et il profite du nouvel atelier de découpe coopératif SCIC ValorViande de Rambouillet. La plupart de ses agneaux sont vendus en caissette en direct à des amis, voisins puis à des connaissances relancées régulièrement avec la page Facebook La ferme de Léontine.

La commercialisation est rarement un problème en Ile-de-France qui profite d’un potentiel de 12 millions de consommateurs dont beaucoup de populations issues de l’Afrique du Nord qui consomment de l’agneau. Certains consommateurs franciliens sont aussi sensibles à la proximité de l’approvisionnement et à la production biologique. Pour Sylvain Péchoux, entrepreneur salarié à la coopérative Les Champs des Possibles, « une ferme biologique sans élevage manque de cohérence pour des raisons agronomiques mais aussi parce que les Franciliens ne mangent pas que des légumes et du pain. » Depuis trois ans, les éleveurs ovins d’Ile-de-France sont structurés dans l’association des bergers d’Île-de-France avec la création d’une marque propre. « Je vends une trentaine d’agneaux par semaine sans forcer à des bouchers situés à moins de 50 kilomètres, explique Jean-Luc Douine, et il y a encore de la demande. »

Une école pour les microfermes urbaines

Les moutons franciliens peuvent aussi valoriser les terres délaissées comme les friches industrielles et se substituer à l’entretien mécanique par du pâturage. C’est ce que propose l’Agence des espaces verts d’Ile-de-France qui loue ou prête des terres 10 à 30 kilomètres autour de Paris. Une quinzaine de sites, représentant plus de 300 hectares, sont ainsi laissés à des éleveurs dont quatre d’ovins. Si l’agence régionale voit bien l’intérêt du pâturage pour les enjeux écologiques ou le maintien des espaces ouverts, elle ne souhaite hélas pas indemniser les éleveurs et compte sur les mesures agro-environnementales (MAE) pour que l’éleveur s’y retrouve financièrement.

Pour accompagner de nouveaux types d’installations, l’école du Breuil, à Paris, a mis en place une formation longue spécialisée en "fermes Agroécologiques urbaines et périurbaines". « Elle a pour objectif de leur fournir les compétences et connaissances principalement maraîchères mais aussi en élevage et en arboriculture, pour s’installer en microferme urbaine, explique Étienne Le Bideau, coordinateur pédagogique du BPREA. Au fil du temps, la plupart des élèves souhaitant s’installer évoluent et optent plutôt pour le périurbain ou le rural, en passant généralement par une phase de salariat agricole. Toutes et tous souhaitent travailler et/ou s’installer en collectif. »

Chiffres clés

L’élevage ovin en Ile-de-France

10 500 ovins en Ile-de-France dont 8 000 brebis en 2018
55 détenteurs professionnels d’ovins
11 élevages bio avec un millier de brebis
12,2 millions d’habitants soit 18 % de la population française

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