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Des brebis dans les vergers

Après la récolte des fruits, les brebis peuvent consommer l’herbe des interrangs jusqu’au pied des arbres et glaner les pommes tombées au sol. À condition de protéger les jeunes arbres, elles se plaisent bien également sous les châtaigniers en limitant ainsi l’enherbement. Le programme Brebis_Link qui se termine fait le point sur l’utilisation de ces surfaces additionnelles.

Dans un verger, l’herbe des interrangs, les pommes et les feuilles tombées au sol forment une alimentation variée et suffisante pour couvrir les besoins des brebis. « En faisant pâturer à deux ou trois reprises les deux hectares et demi de pommeraie chaque année, on économise autant de passages de broyeur et on gagne environ 20 jours de pâturage sur les prairies pour 200 brebis », apprécie François et Françoise Vannier, éleveurs de 500 brebis et producteurs de pomme en Haute-Vienne. La valeur de l’herbe est par ailleurs excellente. Les analyses de la chambre d’agriculture de Dordogne sur les essais du lycée de Saint-Yrieix-la-Perche montrent que l’herbe entre les rangs apporte 0,92 UFL, 135 g de PDIN et 109 g de PDIE par kg de matière sèche, soit des valeurs équivalentes à celles de jeunes repousses de printemps ou d’automne.

De l’herbe et des pommes au menu

La consommation de pommes ne pose pas de problème sanitaire car le fruit n’est pas acidogène. Le transit intestinal est certes un peu accéléré mais le projet Brebis_Link n’a observé aucune diarrhée ni désagrément majeur. Les règles de pâturage sont sensiblement les mêmes que sur les prairies. Avec un chargement instantané d’environ 80 brebis par hectare, les brebis restent entre cinq et huit jours sur les parcelles. Par contre, dès que les premiers dégâts sont observés sur les arbres ou dès que la ressource est limitante, il faut les faire changer de parcelles.

Toutes les races ne semblent pas se comporter de la même façon et il est nécessaire de vérifier que les brebis ne mangent pas l’écorce des arbres. Si la Shropshire est une race réputée pour ne pas s’attaquer aux arbres, des expériences positives sont également réalisées avec d’autres types génétiques.

« On vend des agneaux au lieu d’acheter du carburant »

Entre la fin de la récolte et le début de débourrement des bourgeons, les brebis peuvent effectuer deux ou trois passages sous les pommiers en fonction de la ressource en herbe. Entre la cueillette et la reprise de végétation, un ou deux broyages peuvent ainsi être économisés. « C’est après la récolte des pommes que les brebis restent le plus longtemps dans la pommeraie, témoigne les époux Vannier. Elles mangent les pommes, elles piétinent les feuilles et elles rasent l’herbe, juste avant la taille. » Sachant qu’il faut environ une heure de broyage par hectare, l’économie est de l’ordre de 50 euros par hectare pour l’arboriculteur en comptant la main-d’œuvre, l’amortissement du tracteur et le gasoil. Les postes d’entretien et de réparation du matériel ainsi que les autres fournitures ne sont pas comptabilisés dans ce calcul.

Laurent Dousset et Martin Van Lith, arboriculteurs en Corrèze, ont adopté une troupe d’une quarantaine de Shropshires il y a huit ans. « On n’a pas vraiment gagné de temps par rapport au broyage mais les bénéfices sont écologiques. Cela améliore l’équilibre du verger et nous vendons des agneaux au lieu d’acheter du carburant et d’user du matériel. »

Un potentiel bénéfice pour limiter insectes et maladies

Gourmandes, les brebis ont vite fait de manger les fruits tombés au sol. Les fruits situés dans la zone basse des arbres et ceux chutés sont ainsi consommés avant leur dégradation. Potentiellement, cela réduit le développement de champignons de conservation et de vers du fruit. Les larves de la dernière génération du carpocapse qui sont toujours présentes dans les fruits sont détruites avant d’entrer en diapause. Un atout pour les arboriculteurs puisque ces fruits consommés par les ovins ne donneront pas les futurs papillons de la première génération de l’année suivante.

Pour la tavelure, le bénéfice est moins évident. Pour que le pâturage des brebis ait un effet positif sur la tavelure, il faudrait qu’elles consomment une grande partie des feuilles chutées. Or, ce n’est pas le cas si elles ont le choix. Elles préfèrent l’herbe des interrangs, les pommes et les feuilles juste tombées. Toutefois, les feuilles sont étalées, piétinées et cela doit accélérer leur décomposition. Les effets du pâturage sur la réduction de l’inoculum de la tavelure restent donc à démontrer.

Une bonne image auprès du grand public

En mettant des moutons dans les vergers, d’autres valorisations sont possibles. Certains imaginent de garder de la laine pour l’emballage des fruits ou le paillage des arbres. « Nous allons essayer de pailler les jeunes vergers avec de la laine, indique Sébastien Vanlerberghe, éleveur et arboriculteur dans l’Oise. Cela pourrait éloigner les mulots, stocker l’eau et isoler du froid ». Les gains en termes d’image peuvent aussi être positifs, le grand public préférant souvent voir des moutons que des pulvérisateurs… Si les éleveurs ne peuvent pas s’improviser arboriculteur et vice-versa, des partenariats gagnant-gagnant peuvent se trouver et les bénéfices peuvent être réciproques. La pomme et la brebis, une nouvelle histoire…

Damien Hardy d’après Brebis_Link

Un guide pour construire un partenariat entre éleveur et arboriculteur

Même si le partenariat entre éleveur et arboriculteur est souvent informel, le projet Brebis_Link a édité un guide pour Un équilibre gagnant/gagnant autour du pâturage ovin en vergers, vignes, céréales… « Les arboriculteurs peuvent avoir l’idée de faire un cadeau en donnant du fourrage gratuitement, explique Bernadette Boisvert de la chambre d’agriculture de Dordogne. Mais ils oublient que les éleveurs doivent s’équiper et passer du temps à surveiller ». Les propriétaires de surfaces et les éleveurs ont tous les deux des intérêts et des contraintes. Le guide se veut alors une liste des points de vigilance pour un partenariat serein et qui dure longtemps. Le guide préconise par exemple de mettre en place un calendrier prévisionnel de pâturage et d’interventions. « Chacun doit lister les gains et les coûts pour voir qui prend quoi en charge », recommande Bernadette Boisvert. Un modèle de convention de pâturage clôt le guide de 16 pages à télécharger sur dordogne.chambre-agriculture.fr.

 

Brebis_Link lie les brebis à son territoire

Le projet Brebis_Link vise à dynamiser les territoires en créant du lien autour du pâturage ovin sur les surfaces additionnelles que sont les vergers, les vignes, les couverts hivernaux, les céréales ou les parcours boisés. Des enquêtes ont été réalisées pour analyser les pratiques, les freins et les motivations, puis des essais ont permis de valider, ou non, des façons de faire.

Mise en garde

Le cuivre : un faux problème ?

Les ovins sont sensibles à l’excès de cuivre. Dans les pommeraies traitées au cuivre, l’herbe peut ne présenter aucun risque sanitaire ou bien concentrer des niveaux qui peuvent être jusqu’à six fois supérieurs au seuil de toxicité. Et pourtant, même si la prudence reste de mise, aucun éleveur enquêté dans le cadre de Brebis_Link n’a relaté de problème sanitaire de ce type sur son troupeau. Ce constat peut s’expliquer par la présence de certains oligo-éléments comme le soufre, le molybdène et le fer qui réduisent la sensibilité au cuivre.

Surveiller les dégâts sur les arbres

 

 
Marc Bassery, en charge de la pommeraie du lycée agricole de Saint-Yrieix la Perche en Haute-Vienne. « Les brebis désherbent mieux au pied des arbres que les machines. Aucun outil ne peut aussi bien le faire ! » © D. Hardy
Marc Bassery, en charge de la pommeraie du lycée agricole de Saint-Yrieix la Perche en Haute-Vienne. « Les brebis désherbent mieux au pied des arbres que les machines. Aucun outil ne peut aussi bien le faire ! » © D. Hardy

Il est conseillé de ne pas mettre de béliers et de jeunes animaux sous les pommiers, ces derniers attaquant les branches des arbres. « J’ai arrêté de faire des luttes dans les vergers car les béliers mangent les branches », témoigne un éleveur. Les femelles peuvent s’attaquer aux branches lorsque la ressource en herbe n’est pas suffisante, lorsque le temps est pluvieux ou lorsqu’elles stagnent sur une même zone (à proximité des auges par exemple si elles reçoivent du concentré). Une erreur que relate Marc Bassery, en charge de la pommeraie du lycée agricole de Saint-Yrieix-la-Perche en Haute-Vienne. « La première année, l’expérimentation a vite tourné court. Les 40 agnelles et brebis se sont mises à mordre les arbres au bout de cinq jours. En fait, les agnelles n’ont pas un caractère bien stabilisé. Elles dormaient près de l’auge et ont attaqué les arbres à côté ». La deuxième année, seules des brebis adultes et taries sont rentrées dans les vergers. Pas d’auge non plus. Seul un point d’eau vient compléter les repas d’herbe. « Ça s’est très bien passé. Au bout de dix jours, il y avait moins de 1 % d’arbres touchés. » Un apprentissage à la clôture électrique est également fortement recommandé. Pour garder un œil sur le troupeau, l’idéal est que la zone de pâturage ne soit pas trop éloignée du site de l’exploitation de l’éleveur.

 

Côté biblio

Sept fiches Des surfaces à pâturer en plus pour les brebis, construites dans le cadre du projet Brebis_Link, présentent clairement les opportunités avec les couverts végétaux, les vergers, les pensions hivernales, les vignes, les châtaigniers, les noyers ou les surfaces pastorales.

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