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Bergère, contre vents et marées

Entre terre et mer, Stéphanie Maubé, éleveuse d’agneaux des prés salés, prend à cœur de communiquer largement sur son activité et sur le monde agricole.

Elle travaillait dans l’audiovisuel et le graphisme. Elle était parisienne pure souche. Il y a sept ans, Stéphanie Maubé, 37 ans aujourd’hui, décide de quitter la capitale et vient s’installer dans le Cotentin, pour élever des brebis dans le havre de Saint-Germain-sur-Ay. Si la création de son exploitation n’a pas été facile, la bergère, malmenée par l’administration littorale contraignante et souvent incohérente et par certains voisins éleveurs peu accueillants, n’a pas pour autant baissé les bras. Aujourd’hui, très impliquée dans la vie locale, avec une diversification de sa production et un militantisme dynamique en faveur de la race Avranchine, Stéphanie n’a aucun regret et apprécie chaque jour sa liberté, son contact privilégié avec la nature et le paysage particulier des prés salés. Sa combativité et son enthousiasme se retrouvent dans la communication enjouée qu’elle mène sur plusieurs fronts.

Rompre l’isolement de l’éleveur

Les réseaux sociaux n’ont plus de secrets pour elle. La radio locale Sea FM l’a invitée en studio et France 3 Normandie a diffusé un reportage sur les arnaques rencontrées lors de l’installation de nouveaux éleveurs dans lequel Stéphanie apparaît. « Je suis encore à cheval entre le monde agricole et le monde citadin, cela me permet d’avoir toujours du recul sur l’agriculture », explique-t-elle. Elle porte un regard toujours plein d’optimisme et de fraîcheur sur les tracas des éleveurs, sur son quotidien et sur des sujets plus précis mais toujours en lien avec la ruralité et l’élevage à travers une chronique (1) qu’elle rédige régulièrement et publie sur le web. Commencé en février 2017, son récit comporte déjà plus de quarante épisodes, relatant en premier lieu ses joies et ses peines lors de son installation, puis les sujets qui la révoltent ou lui posent question. Pour Stéphanie, l’objectif de cette chronique est multiple : « Ce blog me permet de rompre l’isolement du métier d’éleveur, il me permet aussi d’archiver les événements agricoles marquants. De plus, dans le monde agricole, on ne montre pas ses sentiments. Pour moi, ça a du sens de garder la trace de mon état d’esprit et de mon ressenti ». Elle raconte par exemple le lien qui se crée entre la bergère et ses brebis, dans un épisode entièrement consacré aux noms donnés à ses bêtes selon leurs caractéristiques. « La Callas est une jolie petite brebis qui s’égosille quand ses agneaux s’éloignent de plus d’un mètre. Son bêlement est récurrent et reconnaissable entre tous : il commence grave avec un vibrato qui se brise avec désespoir », écrit-elle ainsi. Son discours humanise davantage le métier d’éleveur et le rend plus accessible pour le grand public, dont elle prend avec humour les remarques sur son travail : « De nombreux particuliers conservent un attrait intuitif pour la terre, doublé d’une impression de compréhension agricole parce qu’ils sont nés à la campagne. [..] Parce que leur grand-mère les emmenait acheter du lait dans une ferme. […] Ou qu’ils ont vu un documentaire à la télévision ». Néanmoins, sous l’humour, omniprésent dans ses écrits, Stéphanie a toujours un message plus sérieux à faire passer. Elle alerte sur l’utilisation parfois hasardeuse de la notion de terroir dans l’appellation des produits alimentaires; elle dénonce les lourdeurs administratives qui pèsent sur son quotidien; elle dépeint les difficultés pour un néorural qui veut s’installer comme agriculteur…

L’Avranchine a dû se réadapter

Stéphanie s’est installée en ayant à cœur de s’immerger dans le paysage local. Pour cela, en plus des cent brebis roussines et vendéennes qui composent son troupeau, elle possède vingt brebis de pure race Avranchine pour participer à la sauvegarde de la race. Elle préside l’Association du mouton avranchin, créée en 1976 afin de faire la promotion de la race et sa diffusion via éleveurs et particuliers. Cette race herbagère, considérée comme la deuxième meilleure race à laine française juste derrière la brebis mérinos, a été délaissée pour des races plus productives. Lorsque Stéphanie a découvert les brebis avranchines au Salon de l’agriculture, elle a eu le coup de foudre pour leur bouille ronde et laineuse. Cependant, on comptait alors moins de 1 300 individus d’ascendance pure, pour la plupart choyés chez des particuliers. La rusticité de la race a périclité à force de trop grand confort de vie pour ces animaux historiquement adaptés au climat océanique et aux herbages humides du littoral normand. Les premières années ont été dures pour la bergère de Saint-Germain-sur-Ay. Les brebis devaient se réhabituer aux conditions de vie rudes, il leur fallait absolument retrouver leur bonne qualité herbagère. Stéphanie enregistrait alors plus de pertes que de naissances, mais elle est restée persuadée que, l’Avranchine étant la race historique des prés salés, il y avait du sens à travailler avec, surtout dans son optique de valoriser les qualités intrinsèques du terroir.

Laine, infusions et balades

Elle a également mis en place, avec d’autres éleveurs et des artisans locaux, une marque collective de laine. Les produits de la laine, ainsi que la gamme des infusions artisanales qu’elle concocte à partir des herbes récoltées dans le havre, sont vendus principalement aux estivants que Stéphanie accueille tout l’été sur sa ferme pour des balades dans les prés salés. Sa présence sur les réseaux sociaux, Facebook en particulier, lui permet de créer des liens et de les entretenir avec ses visiteurs et ses clients en donnant des nouvelles de la ferme comme des animaux. C’est aussi grâce à cette communication que la race avranchine connaît de nouveau un certain succès. Finalement, la bergère des prés salés, très connectée, invite les plus ou moins jeunes à déguster ses produits sur sa ferme et attire leur attention sur le mode de production.

Pour plus d’informations sur La Cotentine moderne, la ferme de Stéphanie Maubé, rendez-vous sur www.lacotentinemoderne.fr

" La Callas est une jolie petite brebis "

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