Anticiper les futurs déficits fourragers du Massif central
Dans le Massif central, le projet AP3C a pour objectif de permettre aux agriculteurs de ne pas subir les changements climatiques de 2050 mais de s’y adapter dès maintenant.
Le projet AP3C (pour adaptation des pratiques culturales au changement climatique) est né en 2015 dans la Creuse dans le but d’accompagner les éleveurs ovins dans la modification de leurs pratiques face au changement climatique. « Le point fort d’AP3C, c’est la participation d’un climatologue qui a développé des projections climatiques et agroclimatiques à l’horizon 2050 à partir de données Météo France, explique Marine Leschiutta, du Sidam et coordinatrice du projet. Ces données proviennent d’une centaine de stations météo réparties sur le Massif central. Les projections ainsi réalisées sont fines, localisées et compatibles avec les données observées. » AP3C propose une méthode avec trois approches : climatique pour comprendre l’évolution du climat du Massif central, agronomique pour mieux appréhender l’impact de cette évolution climatique sur les couverts végétaux et systémique pour mieux anticiper l’impact du changement climatique à l’échelle du système d’exploitation. « À la fin du programme, nous serons en mesure de créer des cartes représentant l’évolution des indicateurs agroclimatiques du territoire avec une précision à 500 mètres », précise Marine Leschiutta.
Des leviers d’adaptations d’ici 2050
AP3C a d’ores et déjà communiqué les premiers résultats d’enquête et d’analyse des adaptations des systèmes ovins viandes à l’horizon 2050. L’étude détaille les leviers d’actions préconisés pour trois types de systèmes : herbager, montagne avec 100 % de prairies permanentes et montagne avec un peu de méteils.
AP3C met en évidence des pistes d’évolution potentielles pour chacun de ces systèmes, au niveau de l’offre alimentaire et de la conduite du troupeau. Et pour chacune de ces pistes, l’étude propose une fiche technique détaillant la situation initiale, le scénario prévu en 2050 pour une année « normale » et pour une année « crise ». Ainsi, les achats compensateurs de la perte fourragère, identifiés comme des leviers d’action à court et moyen termes pour les trois systèmes causeraient une perte de revenu disponible de 14,5 % en système herbager alors que cette perte sera de plus de 20 % en système bergerie de montagne avec un assolement de prairies et de céréales. Cependant, ce scénario est valable sous réserve que le marché du fourrage ne soit pas saturé de demandes et que l’offre soit accessible, le déficit fourrager étant estimé entre 10 et 14 % selon les systèmes en 2050. Suivant l’évolution actuelle du marché du fourrage, AP3C estime pour 2050 un prix avoisinant les 160 euros pour une tonne de matière sèche. Cette solution ne peut être considérée comme viable du fait de l’augmentation des charges opérationnelles (+18 à +21 % selon les systèmes étudiés) et la diminution de l’EBE (- 10,5 à 13,5 %).
Pérenniser les pratiques plutôt que faire du coup par coup
AP3C pointe aussi la possibilité d’augmenter la surface fourragère au détriment des céréales. Cette pratique nécessite une réflexion économique car lorsqu’elle est mise en place, l’autonomie protéique de l’exploitation est empiétée. Les prairies permanentes peuvent aussi être converties en prairies temporaires, avec un choix de variétés plus résistantes à la sécheresse, en pur ou en méteil. Il est surtout conseillé de diversifier son assolement afin de pouvoir jongler entre les différentes périodes de végétation des variétés choisies. Enfin, l’étude explique l’intérêt d’externaliser une partie de son troupeau, c’est-à-dire de mettre en place une conduite en estive. Cela permet de réduire le chargement instantané des parcelles de pâture. En effet, si l’on considère que les brebis sont placées 140 jours en estive, cela représente 420 kg de matière sèche que n’aura pas à trouver l’éleveur. Il s’agit ici d’un levier au long court, qui change durablement la conduite de l’élevage. Néanmoins, les changements de pratiques au long terme restent les plus intéressants pour assurer la pérennité de l’exploitation à moindre coût plutôt que d’ajuster chaque année avec de coûteux achats de fourrages.
Un pas de temps et une zone délimités
En plus du Sidam coordinateur, Idele, l’IADT, l’UMR Territoire et 11 chambres d’agriculture participent au projet sur l’ensemble de la zone qui s’étend de l’Allier à l’Aveyron et de la Haute-Vienne à la Loire. En corrélation avec les projections climatiques, des indicateurs agroclimatiques ont été identifiés et leur évolution est suivie sur la période 1980-2050.