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Au château Montrose : " Nous allons vers une viticulture sans carbone "

Au Château Montrose, le parc d’enjambeurs est en transition vers le tout-électrique, et trois mille mètres carrés de panneaux solaires assurent l’autonomie énergétique. Reportage.

Pour se déplacer sur le domaine du Château Montrose, à Saint-Estèphe en Gironde, les voiturettes électriques sont de rigueur. Cela illustre parfaitement la politique adoptée en 2006 par Martin Bouygues lors du rachat de ce cru bordelais, à savoir un engagement fort dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de l’environnement. « Notre ultime but, c’est que notre activité soit neutre pour la nature », indique Hervé Berland, gérant des vignobles Bouygues. La première action du nouveau propriétaire a été de réduire toutes les dépenses énergétiques inutiles, à travers la rénovation et l’isolation des bâtiments. Très vite, il a également commencé à équiper les toitures de panneaux photovoltaïques. Entre 2009 et 2013, ce ne sont pas moins de 3 000 m2 qui ont été posés. Une installation qui produit environ 400 000 kWh par an, et permet de couvrir presque intégralement les besoins du château.

Une facture d’électricité nulle pour le domaine

L’électricité produite est vendue à Engie, qui l’injecte dans le réseau, et l’exploitation rachète ce dont elle a besoin. Cela permet notamment de répondre aux besoins pendant les pics de consommation comme lors de la canicule de cet été où il a fallu réguler les températures au chai. « Entre l’électricité que l’on achète et celle que l’on vend, les budgets s’équilibrent, assure Hervé Berland. Ce qui veut dire d’un point de vue économique que notre facture énergétique est de 0 euro. » Tout cela sans se rajouter de grosses contraintes organisationnelles. « Le seul entretien est de faire nettoyer les panneaux de temps en temps, poursuit le gérant. Mais il est vrai que si c’était à refaire nous prendrions un système autonettoyant. »

Puis en 2017, le tracteur électrique s’est inséré dans le processus de transformation de l’entreprise. « Cela paraissait logique pour poursuivre dans notre chemin vers le moins d’émissions de carbone possible », relève Hélène Brochet, en charge de la communication. Les premiers retours ayant été très positifs, ce sont aujourd’hui trois enjambeurs qui arpentent les vignes du Château Montrose, et un quatrième est en commande. Il s’agit de modèles T4E de Kremer, dont le prochain aura même un cahier des charges légèrement modifié pour s’adapter aux spécificités du domaine. « L’objectif c’est d’avoir 100 % du parc enjambeur en électrique, soit 14 machines, d’ici 2028 », informe Vincent Decup, responsable de la R & D et du chai.

Pas de problème organisationnel dû aux enjambeurs électriques

Les équipes du château ne voient que des avantages à ces nouveaux matériels viticoles. Silencieux, ils réduisent considérablement l’impact des nuisances sonores et garantissent plus de confort lors du travail. On peut y adapter tous les outils nécessaires et l’autonomie est tout à fait compatible avec l’organisation des journées de 7 heures, puisqu’une recharge rapide à midi pendant la pause du déjeuner permet de tenir ensuite jusqu’au soir. De même, les problématiques de tassement du sol n’ont plus lieu de faire débat, puisque avec les nouvelles générations d’accumulateurs, le poids d’un enjambeur électrique est similaire à un thermique, voire moins lourd. « Les batteries sont en Lithium-fer-phosphate, elles sont donc recyclables, et offrent une durée de vie de dix à quinze ans », se réjouit Vincent Decup. Il a également calculé que dans le temps, l’électrique est plus rentable. Même si le tracteur coûte plus cher à l’achat, il y a beaucoup moins de frais d’entretien. « Entre les économies d’huile, de filtres, de vidanges, on a des courbes d’amortissements entre le thermique et l’électrique qui se croisent vers huit ans, dit-il. Cela veut dire qu’il nous faut garder nos enjambeurs neuf ans, alors que nous changeons habituellement au bout de sept ans, ce n’est pas incohérent. »

Des investissements importants mais une rentabilité réelle

À terme, tous les véhicules basculeront très probablement vers de la motorisation électrique, qu’il s’agisse des voitures de fonction ou encore des quelques tracteurs agricoles utilisés en complément des enjambeurs. Le plus grand challenge sera toutefois pour les voitures des commerciaux, qui font de longues distances. Mais toute l’équipe dirigeante du Château Montrose croit beaucoup aux progrès techniques, qui permettront d’accélérer encore le processus. « Il y a quinze ans c’était d’ailleurs complètement impensable d’imaginer un parc d’enjambeurs 100 % électriques », fait remarquer Hélène Brochet. « Nous allons changer d’univers, c’est certain. Tous les deux ans on a de nouvelles batteries qui sont plus petites et plus performantes que les anciennes, renchérit le responsable R & D. Et si l’on enlève les cabines et les chauffeurs, il y a encore une marge de progrès supplémentaire ! »

Si le Château Montrose a la chance de pouvoir compter sur un investisseur prêt à avancer les fonds pour les projets, il n’en reste pas moins que le modèle économique est malgré tout cohérent. Ça ne lui coûte pas nécessairement plus cher de produire de façon décarbonée par rapport à un modèle basé sur les énergies fossiles.

Un atout également pour la stratégie de communication

« Montrose est un peu notre laboratoire, on prouve ici qu’il y a des leviers possibles et des solutions qui marchent, avoue Hervé Berland. Ce qui se passe ici préfigure de ce que l’on veut faire pour le reste des propriétés, c’est-à-dire travailler plus proprement. Toutes les entités du vignoble Bouygues sont appelées à la conversion. » Le gérant voit d’ailleurs dans cette démarche une avancée importante pour l’environnement mais aussi un aspect social. « Quand on a annoncé au personnel que nous allions changer nos méthodes, les gens ont été très enthousiastes, se souvient-il. Ils sont maintenant plus impliqués, et ont envie de progresser. C’est valorisant de travailler pour la protection de l’environnement. » Sans compter l’aspect marketing d’une telle démarche. « Nous communiquons déjà sur ces initiatives, mais le jour où nous aurons un bilan carbone positif, ce sera un axe de communication majeur », prévoit Hélène Brochet.

Capter le CO2 fermentaire pour le recycler

Pour aller plus loin dans la réduction des émissions de CO2, le Château Montrose a mis en place l’an dernier un système de récupération et de valorisation du gaz carbonique fermentaire. Des tuyaux ont été installés au-dessus des cuves pour capter le CO2 qui se dégage au cours de la fermentation alcoolique, et sont reliés à une unité de traitement qui transforme du carbonate de sodium ou de potassium en bicarbonate. Ainsi le château a produit l’an dernier 4 tonnes de sous-produits, qui sont notamment réutilisés pour l’hygiène du chai, en détergents pour les cuves et barriques. Cette année ce sont 15 tonnes qui sont sorties de l’unité, et le chiffre devrait atteindre 35 tonnes l’an prochain. « Il faudra alors que l’on se tourne vers de nouveaux débouchés externes », indique Vincent Decup. De cette manière, ce sont 432 tonnes de CO2 qui évitent de rejoindre l’atmosphère.

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