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La traction équine entre passion et optimisation

La traction équine était au cœur de la journée technique organisée par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, le 17 octobre. L’occasion de faire un point sur cette pratique confidentielle mais dynamique.

Un cheval de trait formé à la traction pour le travail des vignes.
La traction équine s'efforce d'établir davantage de repères qu'ils soient technico-économiques ou liés au bien-être animal.
© C. Gerbod

Quel temps de travail prévoir avec un cheval selon les tâches ?

Le temps de travail est extrêmement variable selon la pente, la nature et l’état du sol ou encore les itinéraires techniques et le matériel. Sans oublier l’entraînement du cheval et l’expérience du meneur. L’étude Caract-Équivigne, coordonnée par Clémence Bénézet, ingénieur de recherche en traction équine à l’IFCE (1) et Alexandre Duclouet, ingénieur viticole à l’IFV Amboise, a mesuré la vitesse moyenne pour différentes tâches sur deux millésimes et dans quinze domaines. 

Lire aussi : « Notre but c’est de jouer sur la complémentarité entre tracteur et cheval »

Elle varie de 3,1 km/h à 4,9 km/h pour un buttage (sur 37 relevés) et de 1,7 km/h à 3,1 km/h pour un décavaillonnage (sur 30 mesures). « Ces valeurs sont mesurées sur le rang et ne comprennent pas les demi-tours, le repos du cheval, etc. Elles ne peuvent donc être interprétées comme des débits de chantier », prévient Alexandre Duclouet. Le tableau des temps de travail diffusé par le site energie-cheval.fr expose également de fortes amplitudes horaires par hectare (voir encadré).

Léa Cholley, prestatrice de labours au cheval en Beaujolais et Mâconnais, indique faire travailler son cheval 6 heures par jour, par tranche de 1 h 30 avec des pauses de 30 minutes. En une journée, elle et son équidé cultivent environ 1 hectare, sur des terrains pentus. Elle travaille de concert avec deux autres prestataires, « pour plus de performance par rapport aux surfaces travaillées ».

Sur quoi repose la performance d’un cheval de trait ?

Avoir le bon cheval, c’est évidemment clé ! « Le cheval doit avoir une capacité à être dans l’équilibre et à se rassembler, avoir de la propulsion, un garrot haut… », énumère Jean-Louis Cannelle, fondateur du Cerrta (Centre européen de ressources et de recherches en traction animale), basé dans le Doubs. Il appelle à répertorier les critères reliant la physionomie du cheval et sa performance au travail. Ce sens de l’observation s’est perdu lorsque le tracteur a remplacé la traction animale. « Si on recherche une réelle performance, il faut orienter la sélection avec des critères différents », plaide-t-il, regrettant qu’ils soient encore surtout centrés sur le cheval culturel, à viande ou de concours.

La formation du cheval et de son meneur est également cruciale. L’équidé doit acquérir une capacité à s’arrêter, à marcher lentement, décrit Léa Cholley. Elle constate aussi que la force du lien construit entre le meneur et l’animal est un facteur majeur d’efficacité. À ce titre, la vente d’un cheval de trait formé peut nécessiter une période d’accompagnement pour qu’il s’habitue à son nouveau partenaire.

Comment intégrer la traction équine dans les itinéraires ?

L’étude IFCE et IFV de 2020 montrait que 55 % des domaines recourant à un prestataire utilisaient aussi de la traction motorisée sur leur parcelle travaillée au cheval. C’était le cas de seulement 35 % des exploitations disposant de la ressource en interne.

Pourquoi faire intervenir le cheval dans la parcelle ? Avec quels choix techniques ? Un guide technique issu de l’étude Caract-Équivigne sera publié début 2025. « Il y a des systèmes 100 % chevaux spécifiques mais beaucoup de systèmes mixtes, annonce Alexandre Duclouet. Le guide donnera des clés d’intervention en fonction de la qualité du sol ou encore des adventices mais aussi des 'tips' pour repérer l’effort du cheval. »

Pour certains prestataires, la mixité ou non de la parcelle est un point majeur de la collaboration avec un domaine. C’est le cas de Léa Cholley, qui choisit d’intervenir principalement sur des parcelles non mécanisées, dans les crus du Beaujolais. Elle souhaite éviter de se retrouver à passer dans des parcelles retassées par un engin.

Combien coûte le recours à la traction équine ?

Une étude de l’IFCE sur les prestataires en traction équine, parue en 2019, relevait des coûts de 250 à 950 euros par hectare et de 60 à 96 euros par heure. Léa Cholley facture par exemple 70 euros HT par heure. La physionomie de la parcelle ou encore le travail que l’on souhaite réaliser influencent le coût final, ainsi que le transport des chevaux. La jeune femme, qui dispose d’un BTS viti-œno, met aussi en avant l’importance de la formation en viticulture de l’intervenant. « Nous avons des conseils à apporter au vigneron », considère-t-elle.

Comment juger de la compétence du prestataire sachant qu’il n’existe pour l’instant pas d’obligation de diplôme, ni en traction équine, ni en viticulture, pour se lancer dans cette activité. Le syndicat national des professionnels de la traction animale (SNPTA) souhaite une labellisation mais pour d’autres, le bouche-à-oreille suffit pour faire le tri.

Si l’on étudie l’internalisation de la traction équine, Jean-Louis Cannelle rappelle que cela nécessite de modifier l’organisation de l’exploitation. « Où va-t-on loger le cheval ? Dispose-t-on de terrain ? Qui va s’en occuper ? », interroge-t-il. « Il y a des paramètres agronomiques d’utilisation du cheval mais il faut intégrer la maintenance afférente au cheval et le côté humain : son occupation hors du travail, son entretien, son entraînement… On ne peut pas avoir une même vision que pour un tracteur », conclut Alexandre Duclouet.

(1) Institut français du cheval et de l’équitation

Une pratique dynamique, assurée surtout par de la prestation

- 63 % des exploitations recourant à la traction équine optent pour de la prestation de service selon l’étude Équivigne publiée en 2020 par l’IFCE. Elles sont 30 % à internaliser la pratique. Logiquement, avoir un équidé à disposition induit une utilisation sur une plus grande surface du domaine (49 % par rapport à 17 %).

- Le dernier bilan statistique annuel Ecus de l’IFCE fait état d’une demande dynamique pour les chevaux de trait. Le nombre de transactions a atteint 5 440 en 2022, soit une hausse de près de 27 % par rapport à 2017. En parallèle, les naissances de races de trait augmentent : les immatriculations sont passées de 7 275 à 8 057.

De fortes variations de temps de travail à l’hectare

Exemples de temps de travail en traction animale
TravailTemps de travail/hectare
Chaussage ou déchaussage12 à 22 heures
Décavaillonnage6 à 8 heures
Binage3 à 8 heures
Griffage5 à 10 heures
Source : energie-cheval.fr 

 

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