« Notre table vigneronne a fait progresser les ventes au caveau de 30 % »
À Elne, dans les Pyrénées-Orientales, la table vigneronne lancée par le domaine Sol-Payré pour atténuer l’impact du Covid sur les ventes du caveau devient un pilier de l’activité de l’entreprise.
À Elne, dans les Pyrénées-Orientales, la table vigneronne lancée par le domaine Sol-Payré pour atténuer l’impact du Covid sur les ventes du caveau devient un pilier de l’activité de l’entreprise.
Le domaine Sol-Payré est à l’écart des axes de circulation. Il faut suivre attentivement les panneaux de signalisation pour parvenir jusqu’au sommet de la petite colline où sont installés les bâtiments. Un restaurant y est aménagé, tirant parti de la terrasse surplombant les vignes et faisant face au massif frontalier des Albères. « L’idée du restaurant est venue à cause du Covid », explique Pascale Sol, à la tête de ce domaine familial fondé en 1913, avec son mari Jean-Claude et leurs deux enfants.
Elle y assure la fonction de responsable administrative. « Nous sommes isolés, il n’y avait plus de clientèle étrangère, alors nous avons cherché un moyen pour maintenir la fréquentation au caveau qui assure une grande partie de nos ventes », poursuit-elle. Les Sol ont d’abord imaginé une formule pique-nique au domaine. Pas facile pour autant, quand on n’est pas du métier, de se lancer dans la restauration !
Des paniers pique-nique aux grillades
« Nous avons sous-traité les paniers pique-nique à un restaurateur des environs, mais c’était très contraignant. Il fallait commander la veille, les gens qui venaient au caveau en fin de matinée pouvaient avoir envie de rester mais nous n’avions pas de paniers s’ils n’avaient pas réservé », relate Pascale Sol. La tentative mérite donc d’être repensée.
L’année passe, une autre idée mûrit. En alternative à la formule pique-nique jugée peu pratique, ils embauchent une grilladine (professionnelle de la cuisson des viandes et poissons sur gril, plancha, barbecue) pour la saison d’été 2021. « Nous avons investi 15 000 euros dans une cuisine professionnelle et fait évoluer le concept. Nous avons limité à 35 couverts de façon à ce que tout le monde puisse manger en terrasse face aux vignes », explique la vigneronne. La famille a dans l’idée « de recevoir les convives comme nous le ferions à la maison dans une ambiance un peu cocooning, en ne travaillant qu’avec des produits locaux ». Le restaurant est alors ouvert du jeudi midi au samedi soir. « C’est avec cette formule que ça a pris, nous avons uniquement communiqué à partir de notre fichier client et sur les réseaux sociaux. Le bouche-à-oreille a fait le reste », se félicite Pascale Sol.
Faire découvrir les vins du domaine
L’année 2022 aura été celle du changement d’échelle. Non que le projet ait varié de surface, mais il a gagné en qualité. « Nous avons embauché un chef pour la saison et nous sommes ouverts du mardi au samedi soir, à partir d’un peu avant Pâques et jusqu’au début de l’automne », détaille Pascale Sol. Les vins sont servis au verre ou à la bouteille, mais les entrées de gamme du domaine ne sont pas à la carte. Il existe également une formule accords mets vins déclinée en trois verres de vin.
« Nous proposons aussi deux cocktails à base de muscat de rivesaltes et de rivesaltes grenat, ainsi qu’une bière locale, pour ceux qui n’apprécient pas le vin », indique Pascale Sol. La clientèle est essentiellement locale sur l’ensemble de la saison, sauf pour la période de haute intensité touristique, du 15 juillet au 15 août, où la moitié des clients sont alors composés de touristes ou de gens qui s’arrêtent sur la route de l’Espagne. « Nous avons été complets tous les jours cet été », se réjouit-elle.
La restauration dynamise les ventes au caveau
Pour développer cette activité, il aura aussi fallu mettre un peu d’ordre dans la structure juridique du domaine. L’EARL initiale a été transformée en SARL. L’ensemble a été assujetti à l’impôt sur les sociétés et l’entreprise bénéficie aujourd’hui de deux numéros de Siret, un pour le vin l’autre pour la restauration. Outre le chef, le restaurant a nécessité le recrutement de deux personnes pour le service en salle et d’un plongeur pour la période estivale. Il a aussi requis une réorganisation des tâches. Les horaires de la responsable du caveau ont été décalés pour qu’elle puisse assurer le service du soir. Pascale Sol a de son côté pris en charge le créneau 10h-18h au caveau et donne un coup de main pour le service de midi si besoin. Sur une saison, le restaurant représente 10 % de la masse salariale globale de l’entreprise. Est-ce rentable ? Pascale Sol sourit, en affirmant que c’est très rentable, à tous les points de vue. « Outre la rentabilité du restaurant lui-même, je crois pouvoir dire que 95 % des gens qui viennent pour le restaurant repartent avec du vin, confie-t-elle. Cela a fait progresser les ventes de notre caveau de 30 % facilement. » À table, les vins sont moins chers que dans la restauration classique, le droit de bouchon a été fixé à 4 euros par col. Et si la bouteille n’est pas terminée, elle est bouchée et les clients repartent avec. Une remise de 10 %, non annoncée au début du repas, est accordée aux clients qui repartent avec au moins six bouteilles.
De nouveaux projets culinaires en réflexion
Fort de ce succès, le domaine a décidé d’intégrer le chef à l’équipe permanente. « Son projet et ses envies collaient avec les nôtres », résume Pascale Sol. Ce professionnel employé dans un restaurant de Perpignan souhaitait en effet changer de vie et évoluer professionnellement, suite à l’arrivée d’un enfant dans sa famille. Elle réfléchit avec lui à de nouvelles animations pour l’intersaison. « Nous avons imaginé plusieurs choses mais rien n’est encore calé, cela va de rendez-vous mensuels à des cours de cuisine, en passant par la proposition de plats à emporter pour les périodes de fêtes », dévoile-t-elle. Si elle reste un peu surprise par le succès du projet, elle ne souhaite pas que l'on emploie le mot restaurant. « Ce qui correspond le plus à ce que nous faisons et proposons, c’est une table vigneronne éphémère, puisqu’elle n’est pas ouverte toute l’année ». Et elle en est persuadée, « ce type d’activité est très complémentaire de notre métier ».
« Je crois pouvoir dire que 95 % des gens qui viennent pour le restaurant repartent avec du vin »
À la carte, des plats simples et des produits locaux
Conformément au souhait du domaine, la carte est composée uniquement de produits locaux. On y trouve des tapas et planches, par exemple des patatas bravas à 5 euros, des calamars et parmesan à 8 euros ou du jambon ibérique à 18 euros. Les entrées sont proposées entre 9,50 et 15 euros. Les grillades, entre 17 et 24,50 euros, peuvent être, par exemple, des gambas ou une parillada catalane. Les desserts sont autour de 10 euros, entre boules de glace locale, coulant au chocolat ou pavlova figues-cassis. Le chef propose aussi des plats signatures très appréciés comme le Tigre qui rit (grillade de boeuf) ou le granité au concombre.
repères
Domaine Sol-Payré
Localisation Elne, Passa, vallée de l’Agly
Surface 60 hectares
Dénominations IGP côtes catalanes, AOP côtes du roussillon, côtes du roussillon villages les aspres, rivesaltes grenat, muscat de rivesaltes, rivesaltes hors d’âge
Encépagement Syrah, grenache blanc, gris et noir, carignan, mourvèdre, cinsault, merlot, muscat, roussanne, viognier, macabeu
Effectifs 6 personnes + saisonniers
Production 200 000 à 250 000 cols par an, dont 80 % de rouges
Distribution Vente directe majoritaire