La FNP définit ses priorités pour l’élevage porcin français
Le « grand rendez-vous de l’élevage de porc français » a été l’occasion pour la fédération nationale porcine (FNP) de mettre en avant les points essentiels qui, selon elle, peuvent permettre de maintenir les volumes de production actuels.
Le constat fait lors du forum organisé à Paris par la FNP, le 21 novembre dernier, sur l’avenir de la production porcine en France est amer : la production est sur une pente descendante depuis deux ans.
Selon Élisa Husson, économiste à l’Ifip, la France est désormais passée sous le seuil de l’autosuffisance en porc, alors qu’au printemps 2021, le taux d’autoapprovisionnement était encore à 110 % !
« Sans sursaut pour installer des éleveurs, accueillir des salariés et moderniser nos élevages, nous risquons de rester durablement dépendants des importations de porc », prévient François Valy, le président de la FNP. « Et ceci, nous ne l’acceptons pas » ! Le syndicat veut être force de proposition. Il a détaillé lors du forum les points forts de la production qui doivent être utilisés et les axes de progrès à développer.
1-Maintenir la performance des éleveurs
Avec 31,2 porcelets sevrés par truie et par an en moyen et un coût de revient compétitif, ils sont au « top » en Europe. Le bâti est favorable à la performance technique et à la maîtrise sanitaire et environnementale. Cette maîtrise a été récemment renforcée par une réglementation stricte sur la biosécurité. Le lien au sol et la FAF sont des atouts majeurs, quoique parfois freinés par la réglementation (voir encadré). Les performances environnementales des élevages sont toujours « plus challengées » (nitrates, GES, ammoniac, décarbonation). Enfin, les éleveurs bénéficient d’un secteur de l’alimentation animale performant et d’un contexte agro-climatique favorable. « La recherche et développement sur les aspects performances technico-économiques et environnementale doit être renforcée pour maintenir notre avance », souligne Yohann Guedon, éleveur en Charente. Pour être toujours dans la course du prix de revient, le lien au sol doit être encouragé et l’industrie de l’alimentation animale doit encore améliorer sa compétitivité. L’éleveur déplore cependant la baisse du nombre des élevages constituant les références de gestion technico-économique (GTE) et de gestion technique des troupeaux de truies (GTTT). « Ces référentiels sont indispensables à l’amélioration des performances d’élevage, au calcul d’indicateurs économiques et aux études d’impact d’une évolution réglementaire. »
2- Sécuriser la commercialisation de porcs charcutiers
89 % de la production est organisée. La commercialisation des porcs de 6 870 éleveurs est assurée par 32 organisations de producteurs (OP). Mais ils affrontent une forte volatilité des prix. Le CRP constate que le prix moyen payé aux éleveurs a varié de 32 % depuis le début de l’année 2022 !
Certaines OP proposent des solutions à leurs adhérents pour atténuer cette volatilité : prix minimum garanti (pour les jeunes essentiellement), paiement garanti de l’écart entre le prix de vente et le coût de revient, caisses de péréquation, contrats tripartites entre les OP, les industriels et les GMS… Cependant, la FNP estime ces mesures insuffisantes. « Des contrats doivent être proposés sur la base d’Egalim en termes de volumes, de prix, de qualité et selon un calendrier bien défini. L’objectif est de sécuriser les installations et les filières. »
3-Favoriser le renouvellement des actifs
Selon les chiffres de la MSA, le nombre d’installation en production porcine est stable, autour de 180 par an depuis 2010. « Cela correspond cependant à une reprise pour trois arrêts d’élevage », déplore Manon Pisani, éleveuse dans le Tarn et Garonne. « Nous assistons à une baisse du nombre d’éleveurs par arrêt des petits sites naisseurs-engraisseurs ou engraisseurs. » Les cheptels ne sont repris que partiellement par l’agrandissement d’autres exploitations qui emploient de plus en plus de salariés. « En 2020, le nombre de salariés dans les élevages porcins est passé devant les actifs non-salariés. »
Dans ce contexte, la FNP demande une meilleure promotion du porc dans les lycées agricoles. « L’élevage porcin doit être une réelle opportunité d’installation, notamment en associé ou sociétaire. L’emploi de salariés doit aussi être conforté par de la formation initiale et continue sur les métiers de l’élevage. »
4-Mieux valoriser la matière organique
La FNP souligne que la matière organique issue des élevages de porcs constitue un atout important pour la profession. C’est un élément fertilisant majeur, aussi bien sur site que pour le voisinage. C’est aussi une ressource majeure pour la méthanisation à la ferme. « La fertilisation organique permise par l’élevage porcin doit être modernisée, au stockage à la ferme (couverture des fosses), et à l’épandage, souligne Sébastien Rigal, éleveur en Aveyron. L’enfouissement doit être généralisé pour diminuer les émissions de méthane et d’ammoniac, en respect de la planification écologique. »
5-Favoriser l’augmentation de la taille des élevages
Selon une projection de la FNP à partir des données de BDPorc, le nombre d’élevage pourrait chuter à 6 400 en 2030, contre 8 500 en 2023 et 9 500 en 2020. Une évolution qui s’explique aisément par le non-remplacement de deux exploitations sur trois « Limiter la baisse du nombre de sites n’est pas le plus important pour maintenir la souveraineté alimentaire de la France », estime cependant Thierry Marchal, éleveur dans le Finistère. « Cette baisse représente au contraire une opportunité pour moderniser les élevages existants afin de renforcer leur compétitivité. Le secteur porcin évolue dans un environnement hostile. Il est impossible de créer de nouveaux sites. Aujourd’hui, il faut être courageux pour se lancer dans de nouveaux projets, qui n’ont aucune garantie de résultat. Cependant, le maintien de la production ne passera que par le développement des sites gérés par des capitaines capables d’investir. »
La loi Sempastous handicape des installations
La loi Sempastous, qui s’applique depuis début 2023, constitue « une catastrophe pour les installations en porcs et volailles », alerte François Valy. Ce texte qui institue la transparence des achats de parts sociales s’applique aux projets d’installation au-delà d’une certaine surface, mais aussi d’un certain nombre d’animaux en vertu d’une règle d’équivalence fixée au niveau régional. « En Bretagne, le seuil est à 90 ha et 125 truies », explique Thierry Marchal. « Sachant que la moyenne des élevages est de 300 truies, 100 % des projets sont considérés comme un agrandissement excessif » et tombent sous le coup de la loi, même pour une reprise à l’identique. Conséquence : « N’importe qui peut se mettre en face et devenir prioritaire » pour l’attribution des terres, explique-t-il. Pour y remédier, la FNP demande la suppression de l’équivalence en nombre d’animaux. François Valy redoute que « si cette loi n’est pas modifiée, elle provoquera l’accélération de la baisse de la production porcine ».
De l’élevage individuel à l’intégration, une évolution inéluctable ?
Invité au forum organisé par la FNP, Antonio Tavares, le président du groupe porcs du syndicat européen Copa-Cogeca(1), a décrit sa vision du modèle de production du futur idéal en Europe qui aboutirait logiquement, selon lui, à l’adaptation des coopératives au système d’intégration des éleveurs. « L’organisation intégrée réduit les coûts de production », soutient-il. « L’investissement dans les élevages est facilité car les banques ont confiance dans ce système qui garantit le paiement des porcs charcutiers. Elle trouve plus facilement des débouchés aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’export. Enfin, elle permet de faire des transferts de marges de la production vers les outils industriels et inversement, selon la conjoncture. » Il cite cependant le principal inconvénient de cette organisation : « le producteur devient un employé de l’entreprise intégratrice car il n’a plus le choix pour se fournir en aliments composés, en médicaments et en équipements et il ne peut plus choisir l’acheteur de ses cochons ». Antonio Tavares met cependant en garde les organisations de production contre la volonté de s’impliquer dans les activités de la viande. « Laissons cela aux professionnels. Beaucoup d’organisations d’éleveurs ont investi dans les outils de l’aval, et la plupart s’y sont cassé les dents. » Il cite notamment les Espagnols de Proinserga, les Portugais d’Agrupmonti et, en France, la coopérative Prestor avec Gad. « Seul Danish Crown a réussi à monter une filière aval performante au Danemark grâce à des professionnels de la viande aux commandes. » Aidés, il est vrai, par une situation de quasi-monopole au niveau national.