Michel Biero, président de Lidl France : « Pourquoi un éleveur a-t-il le droit de vendre à perte ? »
Reussir.fr a rencontré le seul distributeur présent au salon de l’agriculture ce dimanche 25 février. Après l’avoir interpellé le matin même sur la situation agricole, Michel Biero président de Lidl France, a été reçu jeudi 22 février au soir par Gabriel Attal. Parmi ses propositions l’une a été retenue par Emmanuel Macron : la mise en place de prix planchers pour les agriculteurs.
Reussir.fr a rencontré le seul distributeur présent au salon de l’agriculture ce dimanche 25 février. Après l’avoir interpellé le matin même sur la situation agricole, Michel Biero président de Lidl France, a été reçu jeudi 22 février au soir par Gabriel Attal. Parmi ses propositions l’une a été retenue par Emmanuel Macron : la mise en place de prix planchers pour les agriculteurs.
Comment avez-vous vécu l’ouverture chaotique du salon de l’agriculture hier ?
Michel Biero : On savait depuis des semaines que cela allait être un salon particulier, avec ses moments troublés. L’ouverture du hall 1 a été décalée à 13h30. La matinée a été un peu triste, les salariés attendaient sur notre stand. C’était particulier. En même temps je trouve la colère des agriculteurs très légitime. Il ne faut rien lâcher on n’est pas loin d’avoir quelque chose de concret.
J’étais invité au débat voulu par Emmanuel Macron
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Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Emmanuel Macron durant sa visite au salon ?
Je n’ai même pas essayé. J’étais chez Gabriel Attal jeudi soir, je n’allais pas faire le forcing juste pour une photo avec le président, ce n’était pas le moment. Il faut savoir rester à sa place et laisser le monde agricole exprimer ses revendications.
Etiez-vous invité au débat prévu initialement par le président de la République ?
Oui j’étais invité et très content de l’être mais quand j’ai su que les représentants agricoles ne souhaitaient pas y aller j’ai dit avant que ce soit annulé que ça ne servait à rien d’y aller. Je voulais débattre avec le monde agricole.
Emmanuel Macron a annoncé la mise en place de prix planchers dans les filières agricoles, une demande que vous avez formulée, êtes-vous satisfait ?
Certains vont dire que la mise en place de prix planchers n’est pas possible mais si on ne fait rien, rien ne va bouger. J’ai alerté le Premier ministre sur la gravité de la situation. Pour moi l’annonce de 400 millions d’euros d’aides c’est bien, la simplification aussi, mais pour en discuter avec mon beau-père qui est céréalier dans le Gers, l’important c’est le revenu.
Aujourd’hui la LME écrase Egalim
Pour construire le prix en marche avant, la base de cette construction doit être figée. Aujourd’hui elle est volatile et en plus la LME écrase Egalim. Le distributeur et l’industriel n’ont pas le droit de vendre à perte, pourquoi l’éleveur a-t-il le droit ?
Le président de la FNPL estime que les prix planchers équivalent à des prix plafonds, et y est plutôt hostile, qu’en pensez-vous ?
On peut dire que l’on ne veut rien faire mais dans six mois il y aura encore moins d’agriculteurs. Le premier industriel laitier de France paye 415 euros les 1000 litres de lait. Est-ce que ce n’est pas mieux qu’il paye le lait à un minimum de 470 euros ? Je ne dis pas que c’est la solution mais essayons à titre expérimental.
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Que proposez-vous exactement ?
Dès mars 2018, dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation, j’ai proposé trois amendements aux députés. J’ai proposé d’interdire les opérations promotionnelles sur le lait, le porc et le bœuf, sauf à la demande exclusive des producteurs, comme sur les fruits et légumes. J’ai proposé aussi d’affecter un prix d’achat minimum garanti incluant notamment les coûts des productions pour le lait, le porc et le bœuf. Enfin j’ai proposé un prix de vente minimum pour ces produits. En septembre 2022 sur le salon Terres de Jim j’ai offert à Emmanuel Macron, Marc Fesneau et Christiane Lambert un t-shirt sur lequel il était écrit « les vaches premiers prix n’existent pas ».
J’avais dit à l’époque que je vendais le lait le plus cher de France. Tous les distributeurs vendaient à 80 centimes et moi à 95 centimes à regret. Personne n’a bougé, en septembre 2023 je me suis mis à faire du lait premier prix. La semaine dernière j’ai interpellé Gabriel Attal pour lui dire d’expérimenter ces propositions sur un an.
Vous dites qu’il faut supprimer la LME, expliquez-nous ?
La LME c’est la complexité et l’opacité et un contrat MDD c’est la simplicité et la transparence.
Michel Biero sort une liasse de 400 pages expliquant qu’il s’agit là d’un contrat pour une marque nationale lié à la LME et affirme que pour ses MDD seules 10 pages suffisent.
Que proposez-vous, de supprimer le tarif général de l’industriel ?
Il faut un courage politique pour dépoussiérer en profondeur la LME en supprimant le tarif général de l’industriel ou en demandant la transparence sur sa composition. Je pense que ça permettrait de faire une vraie Egalim.
Il faudrait aussi supprimer l’option 3 d’Egalim
Il faudrait aussi supprimer l’option 3 d’Egalim qui permet de renvoyer à son commissaire au compte pour préciser la constitution du prix. J’en ai parlé au comité de suivi des négociations commerciales la semaine dernière.
Faites-vous partie des 150 cas de non-conformité à la loi Egalim mis en avant par Bruno Le Maire ?
Bruno Le Maire a annoncé que 5 distributeurs allaient être lourdement sanctionnés. Nous n’en faisons pas partie.
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Vous êtes sorti de la FCD il y a un an et demi que pensez-vous de la demande par plusieurs enseignes d’imposer Egalim à la restauration ?
La restauration commerciale a une responsabilité, la restauration collective aussi mais pour moi nous devons d’abord balayer devant notre porte.
Vous êtes le seul distributeur présent sur le salon. Quelles sont vos avec les agriculteurs présents ?
Je ne suis pas à l’abri de me prendre un œuf sur la tête ! Tout le monde ne me connait pas, ne sait pas ce que je fais sur la rémunération des agriculteurs, la décarbonation, la conservation des sols… Mais regardez en bas (Michel Biero regarde en contre-bas de l’espace privé du stand Lidl), ce sont des éleveurs qui distribuent leur lait et leur viande.