L’inule visqueuse fait des émules pour la protection des vignes
Utiliser les propriétés d’une plante indésirable comme ressource contre le mildiou, c’est le projet de l’entreprise Akinao. Elle s’apprête à demander l’autorisation pour son extrait d’inule visqueuse.
Utiliser les propriétés d’une plante indésirable comme ressource contre le mildiou, c’est le projet de l’entreprise Akinao. Elle s’apprête à demander l’autorisation pour son extrait d’inule visqueuse.
Là où l’inule visqueuse est implantée, rien ne pousse. Il n’en fallait pas plus pour aiguiser la curiosité de l’entreprise perpignanaise Akinao, spécialisée dans la chimie écologique. « Nous nous sommes dit qu’il devait y avoir des principes actifs avec des propriétés herbicides », se remémore Annabel Levert, présidente de la société. Après extraction et tests en laboratoire, un composé a bel et bien été identifié, et il possède étonnamment… des propriétés fongicides ! Le mildiou de la vigne et la moniliose du pêcher sont notamment des cibles sensibles à cette substance. Ainsi Akinao travaille depuis dix ans maintenant au développement d’un biopesticide à base d’inule visqueuse.
Au champ, le composé permet de protéger la vigne à lui seul si la pression est faible. Lorsque la pression s’intensifie, l’emploi d’une dose réduite de cuivre est nécessaire pour compléter la protection. « En associant l’extrait d’inule visqueuse avec une demi-dose de cuivre, on garde l’efficacité d’une pleine dose, assure Annabel Levert. Notre produit montre en plus un effet curatif, qui est complémentaire au cuivre. » L’horizon s’est éclairci pour Akinao en 2021, en recevant simultanément des soutiens de l’agence de la transition écologique (Ademe) et du plan France Relance. Un brevet est d’ores et déjà déposé, et le dossier pour obtenir l’homologation de la substance sera déposé sous peu.
Une filière en économie circulaire pour une plante qui ne demande ni eau ni intrant
La formulation du produit en lui-même est encore en train d’être optimisée. « Nous avons déjà fait beaucoup de chemin depuis la première application, où nous avions bouché les pulvérisateurs ! Mais il reste des marges de progrès », estime la gérante. En attendant une autorisation de mise en marché qui pourrait arriver dans quatre à cinq ans, l’entreprise planche sur l’industrialisation du process et la filière d’approvisionnement en matière première. Par chance, l’inule visqueuse est une plante rudérale (colonisatrice) qui pousse sur les friches viticoles, devenues abondantes dans les Pyrénées-Orientales.
L’idée est donc de mettre en place une filière de production locale et bio, pour s’intégrer dans une logique sociale et circulaire. « Nous avons déjà réussi à mécaniser la récolte, 250 tonnes ont été ramassées sur des friches cette année et nous espérons arriver à plus de 1 000 tonnes par an d’ici cinq ans », informe Annabel Levert. Les 200 hectares de friche déjà recensés où l’inule visqueuse est implantée forment un premier vivier. Puis la maîtrise de la culture de cette plante, qui ne nécessite ni eau ni intrant, viendra sécuriser les apports. Akinao vient par ailleurs de déposer un autre brevet, et compte bien valoriser les coproduits du fongicide issus de la plante en un paillage, qui pourra être utilisé en viticulture comme alternative aux herbicides. La boucle est bouclée.
comprendre
L’inule visqueuse (Dittrichia viscosa) est une plante vivace de la famille des Astéracées, pouvant atteindre un mètre de haut. Elle se rencontre fréquemment sur le pourtour méditerranéen, où on lui prêtait autrefois des vertus officinales. L’entreprise Akinao est en train de travailler sur l’identification du mode d’action précis de la molécule extraite, et se base pour l’instant sur des observations. Elle montre au laboratoire un effet fongicide à large spectre. Le produit est un extrait de plante issu du broyage et de la transformation de l’inule. Il sera visiblement utilisable comme un phyto classique à des doses de l’ordre du litre/ha. L’agrément AB sera également demandé.
repères
Akinao
Type de produit extrait d’inule visqueuse
Mode d’action fongicide
Lancement espéré 2026/2027
Découvrez l'intégralité de notre dossier "Mildiou, les alternatives de demain" ici :
Mildiou de la vigne, les alternatives de demain
Le fongicide de biocontrôle à base d’amibe d’Amoéba n’attend que les autorisations
Des algues pour la nouvelle vague de biocontrôle en vigne
L’inule visqueuse fait des émules pour la protection des vignes
Les phytostérols, en embuscade dans la lutte contre le mildiou de la vigne
La recherche lève les verrous techniques pour l’ozone en vigne
Des résultats encore mitigés avec l’eau électrolysée contre le mildiou de la vigne