Pas de cadeau pour le dixième anniversaire de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. L’agence fait l’objet de vives critiques – tant de la part des ONG que des opérateurs, et même, plus récemment, du Parlement européen – pour son mode de fonctionnement opaque et ses conflits d’intérêt internes.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), créée par le règlement 178/2002 au lendemain de la crise de la vache folle, a pour mission de protéger la santé des consommateurs. Chargée de rendre des avis scientifiques indépendants sur la sécurité des aliments qui entrent dans la chaîne alimentaire, l’Efsa détient depuis lors un certain pouvoir sur le contenu de nos assiettes, mais également sur nos emballages.
L’Efsa se compose notamment d’un conseil d’administration, d’un directeur exécutif, d’un comité scientifique, ainsi que de groupes scientifiques composés d’experts indépendants. En pratique, ce sont les groupes scientifiques permanents, coordonnés par le comité, qui sont chargés, dans leurs domaines de compétence propres, de fournir les avis scientifiques sur, par exemple, les additifs, les OGM, les produits diététiques ou encore les allégations, ces avis étant quasi systématiquement suivis par la Commission. C’est ainsi, de facto, que l’Efsa a largement déterminé la liste des 222 allégations de santé autorisées dans l’Union.
Or, bien que l’Efsa exige chaque année que ses experts lui remettent une « déclaration d’intérêts », cette source scientifique dite « indépendante » n’en finit pas de susciter la polémique en raison de conflits d’intérêt avérés entre ses membres et les industries ou lobbys industriels.
Pour ne citer qu’un exemple, Diana Bánáti a été à la fois présidente du conseil d’administration de l’Efsa et membre du conseil d’administration de l’International Life Sciences Institute (ILSI), une organisation regroupant la plupart des groupes alimentaires et agrochimiques actifs dans les OGM. Elle a, pour faire taire les critiques, quitté l’ILSI en septembre 2008, mais conservé sa position à l’Efsa, avant d’être finalement remerciée par l’agence en mai 2012, et de retrouver… l’ILSI, pour présider son conseil d’administration.
D’autres liens, souvent très étroits, entre l’industrie agroalimentaire et les membres des groupes d’experts, continuent de jeter le discrédit sur les avis délivrés par l’autorité.
La sanction du Parlement européen
Le 10 mai 2012, le Parlement européen a décidé de reporter la décharge budgétaire de l’Efsa au mois d’octobre (lors du second vote du Parlement), ce qui, concrètement, équivaut à ne pas donner le quitus de gestion à l’Efsa et donc à refuser de clore son budget*. Entre-temps, un rapport de la Cour des comptes et des informations complémentaires de la part de l’Efsa sont attendus pour cet été.
Les députés ont ainsi voulu dénoncer les coûts excessifs des expertises de l’Efsa, mais également sanctionner indirectement les nombreux conflits d’intérêt qui ternissent, quasi depuis sa création, ce pilier du dispositif de sécurité alimentaire européen.
Le nombre croissant de demandes d’autorisation d’allégations a amené la Commission européenne à envisager d’imposer aux industriels le paiement de redevances à l’Efsa pour l’analyse de leurs dossiers. L’idée est qu’un système de redevances permettrait de compenser le fait que de l’argent public serve parfois des intérêts privés, certains avis scientifiques de l’Efsa pouvant engendrer des bénéfices directs pour les entreprises qui demandent une autorisation de commercialisation d’un produit.
Ajoutée au coût déjà très lourd de constitution des dossiers de demandes d’autorisation d’allégations, cette nouvelle initiative risque de constituer un frein supplémentaire pour les industriels désireux d’innover en nutrition santé.
* L’Efsa employait fin 2010 460 personnes, avec un budget de 73 millions d’euros entièrement financé par l’Union européenne.