« Satisfaire les besoins, pas les attentes »
Les Marchés : Les rencontres avec le ministre ne sont pas courantes pour la CR. Qu’est ce qui a motivé celle-ci ?
François Lucas : L’élément à la base de cette demande d’entretien a été le mémorandum sur la PAC d’après 2013 transmis par le ministère à Mariann Fischer Boel.Nous l’avons lu et nous avons été déçus, ce qui a entraîné la rédaction de notre propre mémorandum, « la PAC du XXIe siècle ». Nous voulons par exemple que la PAC réponde aux besoins et non aux attentes, qui sont différentes selon les citoyens.
L’agriculture doit satisfaire les besoins, c’est-à-dire se nourrir. Par rapport aux années 80 il y a une rupture qui s’est opérée. Il y a raréfaction des terres arables, de l’énergie, couplée à une augmentation de la population. Si l’Europe veut rester ce qu’elle est, il y a une grosse remise en cause des politiques agricoles à faire. C’est le challenge de demain, alors qu’aujourd’hui nous ne sommes même pas autosuffisants !
Le ministre nous a fait comprendre que par ce mémorandum, il a surtout cherché à faire signer le texte à un maximum de pays pour éviter une remise en cause de la PAC en 2009-2010. Nous avons été écoutés quant à nos arguments, mais compte tenu des échéances électorales, le ministre pourrait connaître sa fin de mandat dans moins d’un an. Nous ne sommes pas tout à fait naïfs, mais on peut au moins reconnaître à M. Bussereau de nous avoir écoutés, ce qui n’a pas toujours été le cas pour d’autres.
LM : Votre entretien a été l’occasion de demander le déblocage des DPU dormants ?
F.L. : Effectivement, nous demandons leur activation. Le souci est de régler les problèmes des agriculteurs qui cultivent aujourd’hui des terres admissibles aux aides en 2001 et 2002. D’ailleurs un recensement de ces DPU dormants est en train d’être effectué, nous devrions le connaître dans trois semaines. Nous espérons aussi débloquer les DPU détenus par des propriétaires qui font de la rétention en espérant en tirer profit. Malheureusement Bruxelles a admis que ces terres avaient vocation à être marchandes.
En cas d’activation des DPU dormants, nous avons l’espoir que cela débloque la marchandisation des DPU, car nous avons observé des comportements indignes, notamment de la part du syndicat majoritaire.
LM : Quelle est votre position par rapport à la loi relative aux OGM ?
F.L. : Cette loi qui est en cours d’examen au Parlement est une caricature. Il faut réfléchir au fait qu’elle est destinée à s’appliquer maintenant, mais aussi dans le futur. Aujourd’hui, le nombre de parcelles OGM est faible. Mais demain, en cas de développement de ce type de semences, comment trouvera t-on le producteur fautif parmi la multitude, en cas de contamination d’une parcelle entourée de plusieurs parcelles OGM de propriétaires différents ? Par ailleurs, la loi ne prévient rien en cas de contamination par les transports, si des graines se répandaient accidentellement au bord des routes.
Pour la CR, ce ne sont pas les agriculteurs OGM qui doivent porter une telle responsabilité, c’est celui qui vend la semence. Cela ne ferait que reprendre le principe appliqué aux semences certifiées. Les agriculteurs ne peuvent se tourner vers les semences de ferme, puisqu’il y a une exigence de « qualité » et de garantie qui n’est accordée qu’aux semences certifiées. Le même système devrait être appliqué aux OGM. Je laisse ensuite le soin aux producteurs de telles semences de trouver des assureurs enclins à couvrir le risque de contamination…