Pourquoi, comment et où s'implanter à l'étranger

Pour échapper à la pression de la distribution française et trouver de nouveaux relais de croissance, de nombreux industriels de l'agroalimentaire sont tentés par l'étranger. Après l'ouverture d'un bureau commercial et l'exportation, pourquoi ne pas envisager de s'implanter pour pérenniser des marchés. Exit les Bric. Pays voisins, États-Unis et Afrique attisent les convoitises.
En 2015, une centaine d'opérations transfrontalières ont été recensées par Messis Finances, société de conseil en fusions et acquisitions, spécialisée dans l'agroalimentaire. Parmi celles-ci, 60 % ont été réalisées par des entreprises françaises à l'étranger (62). En 2013, ce type d'opérations était estimé au nombre de ” 36 et en 2014 à 51. « De manière générale, il y a un très important appétit des entreprises agroalimentaires françaises pour s'internationaliser, pour faire des croissances externes à l'étranger, surtout dans les pays limi-trophes », estime Éric Lanthiez, directeur général délégué de Messis Finances, « dans un contexte où le savoir-faire français est reconnu à l'étranger, où la pression en France est accrue par la concentration de la distribution, où la croissance dans l'Hexagone est faible, ce phénomène se poursuit et s'accentue ».
“ Il est parfois plus facile d'acheter un partenaire local
Ces opérations sont dans la majorité des cas réalisées par des entreprises privées. « Une coopérative à taille et rentabilité égale sera plus franco-française qu'une entreprise privée », considère Éric Lanthiez. En fonction du pays choisi, les industriels privilégient l'acquisition d'une entreprise locale ou la création d'une unité de production ex nihilo. « Tout dépend du pays. Il est parfois plus facile d'acheter un par-tenaire local avec qui on a testé le marché avant », indique le directeur général délégué de Mes-sis Finances, « cela permet aussi de récupérer son chiffre d'affaires, ses équipes, ses clients. »
Des pays émergents moins attractifsSi les pays émergents, les Bric en particulier, ont attiré pendant de nombreuses années, les pays développés tels que les États-Unis ont davantage le vent en poupe. « Il y a un phénomène nouveau. Les industriels sont plus prudents vers les marchés émergents après une phase successive de déceptions vers des pays comme la Russie, l'Ukraine ou la Turquie. Il n'y a plus un enthousiasme aveugle », estime Éric Lanthiez. Les États-Unis sem-blent à l'inverse intéresser quelques entreprises françaises. Les success stories de Materne, de Yoplait ou de Bridor suscitent des vocations. « Il y a une croissance économique plus rapide que le marché européen. Le changement des modes de consommation y est favorable aux produits de qualité. Certains évoquent une croissance de 10 % par an de ce qu'on appelle les specialty food. La France peut bien se positionner sur ces marchés-là », précise Christophe Monnier, chef du département Agrotech de Business France.
n autre continent commence oucement à attirer les entre-rises : l'Afrique. Selon le direc-eur de Bpifrance Export, Pedro ovo, « globalement, l'agroali-entaire français n'est pas encore totalement au rendez-vous en Chine. Nous sommes convaincus que l'Afrique sera la zone de croissance des vingt prochaines années, il est important que nos industriels s'y investissent résolument ».
Les CCI en France et les CCI françaises à l'étranger ont décidé de regrouper leurs offres pour proposer depuis le début de l'année 2016, « CCI Implantation + ».
« Cette offre est actuellement en phase de déploiement. Elle s'appuie sur notre réseau, nos centres d'affaires dans 83 villes et 63 pays », indique Dominique Brunin, délégué général de CCI France International.
À travers cette nouvelle offre, les CCI françaises en France comme à l'étranger mettent à disposition des entrepreneurs leurs conseillers, les réseaux d'affaires. Elles ont ainsi voulu mettre en place une solution d'accompagnement unique accessible en France ou directement à l'étranger.
Cette offre propose toute une palette de services pratiques, comme la domiciliation, l'hébergement, l'encadrement de Volontaire International en Entreprise (VIE), de commercial à temps partagé.
« La pérennisation d'une entreprise à l'export passe obligatoirement par de l'implantation. Mais il ne faut pas s'en faire une montagne. Il est possible parfois de réaliser une implantation légère comme installer un VIE. Il existe des formules légères pour les entreprises », estime Dominique Brunin.
L'ouverture de bureaux commerciaux est parfois intéressante et suffisante pour commencer vers les pays tiers notamment. « Les IAA ont tendance à installer des responsables commerciaux dans les grandes villes que sont les hubs comme Hong Kong, Singapour, Dubaï, ou dans des grands marchés des pays tiers comme les États-Unis, la Chine ou le Japon. Elles peuvent y avoir un bureau de représentation, très utile pour la veille réglementaire notamment. Quand on choisit d'installer un bureau commercial à Dubaï par exemple, il s'agit davantage de rayonner sur différents marchés de la région », pense pour sa part, Christophe Monnier.
L'exportation, un préalableLe parcours classique d'une internationalisation débute la plupart du temps par le développement d'un courant d'affaires à l'expor-tation vers des pays européens limitrophes pour bien connaître le marché et pour tester les capacités d'adaptation de ses produits à d'autres consommateurs.
« Les industries agroalimentaires françaises font partie du top 5 des exportateurs mondiaux. L'enjeu est donc extrêmement important. Le levier de l'internationalisation des PME-ETI françaises est fondamental, mais il ne faut pas jouer uniquement sur la compétitivité prix. Ce n'est pas une approche gagnante. La France doit travailler sur le haut de gamme, les labels, la qualité », affirme Pedro Novo, directeur Bpifrance Export. Entre 2008 et 2013, les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 et 500 millions d'euros ont vu la part de leurs ventes réalisées à l'export reculer de 20 % à 18 %, selon Bpifrance Export. Les freins principaux sont souvent la peur d'aborder un marché inconnu, le manque de réseau sur place et la complexité de l'installation, auxquels s'ajoute un manque d'information et de clarté sur les aides financières disponibles. « Ce qui manque surtout aux entreprises, c'est d'y croire. Elles doivent inscrire l'international dans leur stratégie de long terme », conclut Pedro Novo.