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Petite réflexion déambulatoire sur le découplage

Je marchais l’autre jour avec M. dans ce jardin public. Il me dit : « Je réfléchis sur l’application de la PAC, et j’ai l’impression que nous ne l’abordons pas sous le même angle au Nord et au Sud de l’Europe. Au Nord, on se préoccupe plus de la future justification sociale des aides. Et l’on se soucie plus de cette légitimation que d’extensification ou de redistribution des primes. Ce thème est très présent, non seulement en Allemagne, mais aussi au Royaume-Uni, au Danemark, en Suède et en Finlande. Pour eux, la question centrale est : comment justifier dans le futur les primes acquises par la production de taurillons du grand-père ? Une approche prudente et progressive de la prime à l’hectare poursuit aussi cet objectif de re-légitimation des primes. On veut du « découplage + », une meilleure orientation par le marché. La prime unique répond à cette orientation : pour les exploitations intensives, elle joue comme un abaissement des coûts de production, et pour les extensives comme un complément de revenu ».

Je lui dis : « Oui, bien sûr. Mais si la notion de multifonctionnalité de l’agriculture est autre chose qu’une phrase creuse, il faudra bien en passer par une prime à l’hectare et non par une prime couplée au volume produit. On serait donc dans une procédure de redistribution des aides, et les exceptions tolérées dans les décisions de Luxembourg prendraient une ampleur imprévue». Il fit un geste vague, comme pour dire que c’était en effet, peut être, un des enchaînements incontrôlables. Il dit : « On est d’accord : les propositions budgétaires de Prodi pour après 2006 respectent les arbitrages déjà rendus, mais elles font bien comprendre aussi que l’agriculture n’est plus une priorité. Et les contributeurs nets accentueront leur pression de peur des dérapages après l’extension».

Je le relançai : « Ecoutez, pour le moment, le cadre financier agricole est tracé jusqu’en 2013…» Il m’interrompt : « Admettez que cet accord est très lié, trop lié, à l’initiative directe de Chirac et Schröder, des Français et des Allemands. Or les deux personnalités en question ne sont pas au pouvoir pour toujours, et il serait prudent de considérer que les Allemands ne seront pas constamment disposés à sacrifier leurs convictions, voire leurs intérêts, à l’amitié franco-allemande. Si l’on admet cela, on s’aperçoit que cet accord est fragile, qu’il le sera encore plus après l’extension et que, pour tout dire, il ne met pas la PAC définitivement à l’abri ».

« Et alors, que feriez-vous aujourd’hui si vous aviez une décision à prendre?», lui demandais-je. «J e dirais ceci : si l’on souhaite, comme le syndicalisme et le gouvernement français l’affirment, un modèle où les primes sont données d’abord à des exploitations qui produisent, le modèle régional n’est peut-être pas le pire pour la pérennité des aides. Et si l’on s’y prend six ans à l’avance avant de commencer à descendre en palier vers la prime unique à l’hectare, on peut améliorer la lisibilité pour l’exploitation, et stabiliser ses parts de marché». Le bus arrivait, je le quittai brusquement pour m’y engouffrer. Nous reprendrons cette conversation plus tard, mais si vous voulez vous y joindre, retrouvez-nous à l’entrée du parc, vers l’arrêt du bus…

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