Pêche : la pression s’accentue sur la préservation des ressources
Deux ans de travail ont été nécessaires à l’établissement du rapport de l’Académie des Sciences intitulé « Exploitation et surexploitation des ressources marines vivantes », remis jeudi dernier à Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche. C’est dire que le sujet est complexe ... et hautement sensible.
Les 27 spécialistes ayant participé à la rédaction de l’ouvrage ont souligné l’évolution du secteur, passé progressivement -mais en partie seulement- de la pêche à l’aquaculture. Et la conclusion de ce travail porte principalement sur l’épuisement des ressources, à un moment ou l’ONU fait de la surexploitation des pêches l’une de ses questions émergentes.
Ce constat est basé sur une observation très simple, à savoir que l’augmentation des moyens de pêche ne signifie plus l’augmentation des prises. Cette absence de corrélation marque le début de la surexploitation, et le risque d’effondrement des stocks de certains poissons. Pour Maurice Heral, directeur scientifique de l’IFREMER, le danger est « réel» pour la morue. Il ajoute que « bien que le diagnostic soit fonction de l’espèce de poisson, l’Europe et la France doivent se comporter en gestionnaires, et réduire l’effort de pêche ». Pour arriver à cet objectif de gestion durable des pêches, plusieurs propositions « indispensables» ont été édictées, comme la fixation d’objectifs de production tenant compte des mécanismes naturels et sociaux-économiques, la mise en place d’accords sur le partage de la pêche nationale, et un contrôle plus efficace.
La fixation annuelle des TAC critiquée
Pour appuyer le bien-fondé de leurs conclusions, les scientifiques rappellent leurs actions entreprises en faveur de la pêche. Grâce à leurs recommandations sur l’augmentation de la taille des mailles des dragues (de 70 à 90mm), les pêcheurs ont par exemple « réintroduit » la coquille Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc. Mais les perspectives encourageantes sont rares. L’ouvrage de l’Académie des Sciences insiste notamment sur l’absence de mécanisme de régulation, et considère la fixation annuelle des TAC (Totaux Autorisés de Capture) comme une méthode insuffisante. Le chapitre final du rapport, consacré aux recommandations, aborde les pistes de la régulation de l’accès aux ressources marines.
Des taxations en cas de surpêche?
Il évoque également la création d’instances régionales et nationales pour agir au plus près des côtes. La taxation en cas de surpêche a été soulevée par les scientifiques. « C’est déjà le cas pour le Beaujolais, alors pourquoi pas pour la pêche ?» justifiait Lucien Laubier, directeur de l’Institut océanographique de Paris. Néanmoins, la question de l’impact social de telles mesures n’a pas été étudiée, comme le reconnaissaient les chercheurs présents lors de la remise du rapport. Ce qui n’a toutefois pas modifié leur constat sur la nécessité de se placer dans une évolution à long terme.
Hervé Thomas, conseiller du ministre de l’Agriculture et de la Pêche, apportait quelques éclaircissements sur cette nouvelle ligne de conduite. Il rappelait la mise en place d’un plan de restauration des stocks pour le cabillaud (en décembre 2003), qui devrait être suivi de mesures similaires pour le merlu et la sole, en danger de surexploitation.
Lors des récentes négociations annuelles sur les quotas et les Totaux Autorisés de Capture, le rapport de l’Académie a servi de base à la France pour ajuster l’effort de pêche (nombre de jours passés en mer). Mais la marge de manœuvre est étroite. Pour M. Thomas « l’avenir des pêcheurs est lié à leur responsabilité ».