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Chronique
Nanomatériaux : l’infiniment petit qui inquiète

Utilisées depuis longtemps dans de nombreux secteurs, comme la construction ou les cosmétiques, les nanoparticules ont, plus récemment, fait leur apparition dans l’industrie agroalimentaire. Leur potentiel a de quoi séduire les opérateurs de la chaîne alimentaire, mais l’Union européenne peine à définir un cadre juridique précis et à déterminer leurs conditions d’utilisation.

Katia Lentz, avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman.
© DR

Le règlement relatif à l’information du consommateur sur les denrées alimentaires, dit Inco, considère qu’un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé, relève de la catégorie « nanomatériau », lorsque la taille de ses particules est comprise entre 1 et 100 nanomètres (nm). Les agglomérats ou les agrégats qui dépassent cette taille, mais qui présentent les mêmes propriétés que les nanoparticules libres, sont également considérés comme des nanomatériaux (1). C’est la seule définition juridique contraignante existant à ce jour. Mais est-ce suffisamment précis pour permettre aux industriels d’identifier ce qui relève, ou pas, des nanomatériaux ?

Il convient de rappeler que lorsqu’ils sont utilisés comme additifs ou comme «novel food», les nanomatériaux font l’objet d’une évaluation scientifique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), avant d’être placés sur le marché européen. C’est à cette occasion que l’Efsa a émis, en janvier, des réserves quant à la sécurité du dioxyde de silicone et, plus généralement, suggéré à la Commission européenne d’adapter la définition des nanomatériaux, afin d’y inclure, entre autres, la répartition de la taille des particules.

Hormis la référence à la taille des particules et le cas des agglomérats, la législation européenne ne fixe aucun seuil et ne détermine pas les paramètres de mesure des nanoparticules, ce qui peut conduire à des ambiguïtés.

Lignes directrices de l’Efsa

L’Efsa vient donc de publier un projet de lignes directrices sur l’évaluation des nanosciences et des nanotechnologies dans l’alimentation humaine et animale (2). Elle va plus loin que la définition existante et fixe des critères quant à l’effet potentiel des nanoparticules, et non plus seulement quant à leur quantité. Sont donc pris en compte les matériaux qui, bien que non produits comme tels, contiennent des particules présentant une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm, même si elles sont en quantité inférieure à 50 % et si la taille moyenne de l’ensemble des particules est supérieure à 100 nm.

Le projet appelle à l’adaptation des méthodes d’essai actuellement disponibles, aux propriétés spécifiques des nanomatériaux. Mais l’Efsa ne va pas jusqu’à développer un schéma d’évaluation spécifique. Elle se contente de faire référence aux procédures d’évaluation applicables aux produits chimiques. Enfin, elle propose l’étiquetage des ingrédients ou additifs dès lors qu’ils comprendraient plus de 10 % de nanoparticules (3).

Une obligation d’étiquetage difficile à respecter

Depuis l’entrée en vigueur du règlement Inco en 2014, tous les ingrédients qui se présentent sous forme de nanomatériaux manufacturés – qu’ils aient fait ou pas l’objet d’une évaluation préalable par l’Efsa – doivent déjà être indiqués clairement (entre crochets) dans la liste des ingrédients.

Pour autant, en raison de la difficulté à identifier précisément ce qui relève du champ de la définition des nanomatériaux, les industriels hésitent à indiquer la présence de nanomatériaux dans leurs produits alimentaires.

Le 16 janvier dernier, la DGCCRF a alarmé les institutions européennes sur les manquements aux règles d’étiquetage concernant les nanomatériaux (4). Ce n’est donc pas tant pour protéger le consommateur, mais également et surtout, pour assurer aux industriels une sécurité juridique adéquate, qu’il conviendrait de clarifier cette notion de nanoparticules.

Ce projet de lignes directrices est soumis à consultation jusqu’au 4 mars 2018, mais il ne relève pas des pouvoirs de l’Efsa d’adopter une réglementation contraignante pour les opérateurs.

Des bruits courent au sujet d’un possible projet en préparation par la Commission européenne…

(1) Règlement (UE) no 1169/2011, complété par la Recommandation 2011/696/UE.

(3) Un seuil déjà proposé par le Parlement européen en 2014.

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.

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