« L’innovation s’est largement banalisée »
Les Marchés : Il apparaît très clairement dans votre étude une rupture entre la perception de l'innovation côté fabricants, et côté consommateurs. D'où vient-elle ?
Gilles Cohen : Pour 82% des dirigeants, l'innovation produit a eu un impact positif sur leurs ventes en 2006. C'est quasiment devenu une religion, et ils y croient dur comme fer. Du côté des consommateurs, l'innovation n'arrive qu'en huitième position parmi les facteurs de consommation, le premier rang étant occupé par les promotions, devant les premiers prix et le confort et l'agencement des magasins.
Cette réticence s'explique par une banalisation de l'innovation. Les consommateurs ont de plus en plus de mal à payer plus cher pour un nouveau produit. Néanmoins, on observe une différence entre l'entretien proprement dit, et l'attitude en magasin. Les clients restent malgré tout sensibles à l'innovation, car après deux ans de discours violent sur les prix, cela reste un achat plaisir.
LM : Quelle est la solution côté industriels ?
Gilles Cohen : Pour prendre en compte cette différence de perception avec les consommateurs, les fabricants et distributeurs vont devoir renforcer la sélectivité dans les innovations. Car on ne peut pas se passer d'elles. Dans cette hypothèse, cela signifierait qu'on ne fonctionne qu'avec des produits fonds de rayon, qui subissent une déflation depuis deux ans. La solution peut passer par une accélération de la rotation des produits, synonyme d'une durée de vie plus courte.
LM : La pression promotionnelle fonctionne t-elle ?
Gilles Cohen : Dans ce domaine, les dirigeants des entreprises ont estimé qu'il n'y avait pas eu de guerre des prix, au contraire des consommateurs. Ces derniers arrivent à déceler la part d'innovation d'un côté et de promotions de l'autre, mais en synthétisant tout cela ils ont le sentiment d'une hausse généralisée des prix. Le prix de revient des produits explose, compte tenu de la hausse des matières premières, des emballages, du plastique.
Le coût de l'innovation explose aussi. Les distributeurs alimentaires nous parlent d'une hausse du prix des produits de 4 ou 5% de la part des fabricants, qu'il convient de ne pas répercuter sur les consommateurs, qui ont à l'opposé un discours prix.
Le rôle des promotions est important, puisque les préoccupations des consommateurs et dirigeants se rejoignent en la matière (les promotions sont au premier rang des incitations à l'achat pour les clients, et en deuxième position pour les acteurs économiques, ndlr). Mais pour maintenir les prix, 58% des dirigeants se prononçant prévoient une détérioration du climat des négociations commerciales en 2007.