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Lanceurs d’alerte : une protection fort encadrée

Bruno Néouze, avocat-associé du cabinet Racine.

La loi Sapin 2, dont certaines dispositions restent actuellement soumises à l’examen du Conseil constitutionnel, confère statut et protection aux lanceurs d’alerte, mais aux entreprises également. Explications.

Peut-on ou non admettre, au motif d’un intérêt général supposé et dont une personne se fait seule juge, la violation des règles du secret qui s’attachent à toute activité commerciale, industrielle, professionnelle ou administrative, au risque de déstabiliser l’entreprise et de lui porter un préjudice indu ? Des affaires judiciaires récentes ont montré l’embarras de la société et de ses juges devant cette question. La loi Sapin 2 tente d’y répondre en accordant aux lanceurs d’alerte une large protection, mais à condition qu’ils respectent strictement un cadre et une procédure qui ménagent les intérêts de la ou des personnes mises en cause.

Le lanceur d’alerte reconnu comme tel et protégé par la loi ne peut être qu’une personne physique désintéressée, ce qui exclut les journalistes (qui répondent à un régime juridique particulier), mais aussi tous ceux qui trouveraient un intérêt personnel quelconque à la dénonciation. Il doit être de bonne foi et avoir eu personnellement connaissance des faits dénoncés : crime, délit, menace ou préjudice graves pour l’intérêt général*.

En cas de danger grave et imminent

Ces conditions étant réunies, le lanceur d’alerte doit se soumettre à une procédure précise : il doit effectuer un signalement auprès de son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de son employeur ou du référent désigné par celui-ci, et ce n’est qu’en l’absence de réaction de la personne ainsi saisie, dans un délai « raisonnable » destiné à permettre à celle-ci de vérifier la recevabilité du signalement, qu’il peut saisir l’autorité judiciaire. En dernier ressort seulement, faute de traitement par la justice de son signalement dans les trois mois, le lanceur d’alerte pourra rendre son signalement public. En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, il pourra cependant sauter la première étape et saisir simultanément le juge et le public.

Procédure de recueil des signalements

S’il est saisi d’une action en responsabilité contre le lanceur d’alerte, le juge devra donc s’assurer – avec il est vrai, une marge d’appréciation découlant de nombreuses imprécisions (désintéressement, bonne foi, intérêt général, délai raisonnable, danger grave ou imminent, dommages irréversibles) – que l’intégralité de ces conditions a bien été réunie.

Les entreprises de plus de cinquante salariés se voient impartir une nouvelle obligation : elles devront mettre en place une procédure de recueil des signalements effectués par leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels, garantissant une stricte confidentialité de l’identité de leurs auteurs. Ceux-ci, quelle que soit la taille de l’entreprise, ne peuvent faire l’objet d’une rétorsion quelconque dans le cadre du droit du travail (recrutement, formation, sanction, licenciement ou mesure discriminatoire, etc.), l’employeur auteur d’une telle mesure devant apporter la preuve qu’elle est sans relation avec la déclaration ou le témoignage du lanceur d’alerte.

Divulguer son identité expose à 30 000 euros d’amende

Par ailleurs, le fait de divulguer (sauf à l’autorité judiciaire) des éléments permettant d’identifier, sans son consentement, un lanceur d’alerte, mais aussi les personnes visées et les informations recueillies avant que ne soit établi le bien-fondé de l’alerte, est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Le législateur a donc tenté de respecter – et de faire respecter – un équilibre entre la protection du lanceur d’alerte et la sécurité des entreprises, qui ne peuvent être exposées à des agissements dangereux et gravement préjudiciables de la part de dénonciateurs de délits imaginaires. Reste à savoir si ce nouveau dispositif assurera une protection ou suscitera des vocations !

*Ne sont évoqués ici que les éléments susceptibles de concerner l’entreprise privée.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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