Commerce
La perspective d’un Brexit dur suscite de fortes inquiétudes
Avec un excédent de 24 milliards d’euros, l’UE à 27 agricole et agroalimentaire craint naturellement un Brexit dur. Elle se souvient de l’embargo russe de 2014, qui est pourtant sans commune mesure au regard de l’intrication des relations commerciales entre l’UE à 27 et le Royaume-Uni.
Avec un excédent de 24 milliards d’euros, l’UE à 27 agricole et agroalimentaire craint naturellement un Brexit dur. Elle se souvient de l’embargo russe de 2014, qui est pourtant sans commune mesure au regard de l’intrication des relations commerciales entre l’UE à 27 et le Royaume-Uni.
Soixante pour cent des exportations de produits agricoles et agroalimentaires du Royaume-Uni sont destinées au reste de l’Union européenne. Et l’UE à 27 fournit 70 à 99 % des importations britanniques d’aliments selon le secteur. Le risque d’un Brexit dur, le fameux « no deal » vers lequel le Royaume-Uni se dirige depuis le refus des députés britanniques de voter l’accord de retrait établi avec l’UE à 27 sous l’égide de Michel Barnier, fait peser l’incertitude sur une part considérable des flux tant l’imbrication commerciale est dense. L’inquiétude face à ces âpres négociations se trouve dans les deux camps : 84 % des agriculteurs britanniques anticipent la hausse des coûts des intrants et nombre d’entre eux craignent la baisse de prix des bovins, selon la dernière enquête du Copa-Cogeca, l’organisation européenne ombrelle des fermiers et des coopératives agricoles, rendue publique le 25 janvier.
Bien pire que l’embargo russe
Le Brexit est incontestablement un divorce, la rupture d’une relation économique agricole et agroalimentaire ambitieuse. Les professionnels agricoles ont peur de revivre les heures sombres de l’après embargo russe, mais ce dernier est sans commune mesure avec les conséquences d’un Brexit sans accord avec l’UE… En 2017, les exportations de l’UE à 27 vers le Royaume-Uni ont atteint 41 milliards d’euros pour des importations de 17 milliards d’euros. Le solde, 24 milliards d’euros, est bien supérieur aux 9 milliards d’euros de solde entre l’UE à 28 et la Russie lors de la fermeture de ses frontières le 6 août 2014. Tous ceux qui l’ont vécu se souviennent de cet embargo russe. Les conséquences ont été violentes : ne serait-ce qu’en octobre 2014, les prix du porc avaient perdu 23 % dans l’UE, faisant entrer la production dans une longue crise. Sans compter les effets à long terme. Depuis 2014, les Russes sont devenus autonomes, voire excédentaires en volailles et en porcs et réaffirment leur place sur les marchés des grains.
Les étapes sont incertaines
Une partie du calendrier est connue puisque le Royaume-Uni est censé sortir de l’UE le 29 mars. Mais les conditions restent plus que floues puisque le climat anglais est plombé par les dissensions politiques nationales, et l’accord de retrait, proposé par la Première ministre britannique, Theresa May, a été refusé le 15 janvier 2019, tant par les « brexiteurs » les plus durs que par les « anti-brexit ».
« La DG agri est l’une des directions de la Commission la plus impliquée, mais ne peut lever les incertitudes qui sont uniquement liées aux décisions des élus et du peuple britannique », a confirmé Johan van Gruijthuijsen, le vendredi 25 janvier, lors de la soirée de l’association belge des journalistes agricoles à Holsbeek (Belgique). Du point de vue de l’UE, le message a été clair : les quelque 600 pages de l’accord de retrait ne sont pas renégociables.
Le texte prévoit notamment une période de transition de 21 mois, jusqu’au 31 décembre 2020, transition durant laquelle les Britanniques continueront d’appliquer les règles européennes et d’en bénéficier, mais sans siéger dans les institutions et, donc, sans participer aux décisions. Cette période est éventuellement renouvelable pour un voire deux ans : la date butoir étant le 31 décembre 2022 pour finaliser un accord commercial si le Royaume-Uni ne part pas dans un Brexit dur.
L’accord de retrait est accompagné d’une déclaration politique d’une trentaine de pages qui prévoit un filet de sécurité. L’idée est notamment que le Royaume-Uni et l’Irlande ne se voient pas de nouveau séparés par des frontières grâce à la création, après la période de transition, d’un territoire douanier unique sans quotas ni droits de douanes pour les biens industriels et agricoles.
Éviter la mise en place de nouveaux obstacles tarifaires
Au Copa-Cogeca, l’inquiétude monte en fonction de cette incertitude. « Il est crucial pour les producteurs que nous puissions éviter la mise en place de nouveaux obstacles tarifaires en matière d’exigences douanières ou frontalières et surtout sous forme de nouvelle procédure réglementaire », disait Pekka Pesonen, le secrétaire général dès le 25 novembre 2018, une position rappelée par ses équipes.
Attention au manque de préparation
Les mesures pour adoucir les effets d’un Brexit dur sont engagées au niveau des États les plus impliqués dans le commerce entre l’UE à 27 et le Royaume-Uni. La Commission européenne veut aussi garantir l’accès aux eaux britanniques dans lesquelles les pêcheurs européens prennent 683 000 tonnes par an sans compter les 110 000 tonnes que les pêcheurs britanniques viennent prendre dans les eaux européennes. La France a de son côté préparé cinq ordonnances pour construire dans l’urgence les infrastructures nécessaires au rétablissement éventuel de contrôles aux frontières afin qu’elles soient opérationnelles au 30 mars. De plus, 580 douaniers et vétérinaires contrôleurs devraient être affectés à ces nouveaux contrôles.