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La loi de modernisation de l’économie est-elle illégale ?

Dans un arrêt du 15 octobre, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de savoir si les dispositions de l’article L 442-6, I, 2° du code de commerce, prévoyant le recours à la notion de déséquilibre significatif, sont ou non conformes à la Constitution.
La notion de déséquilibre significatif est la pierre angulaire du dispositif mis en œuvre par la LME. C’est très majoritairement sur ce fondement que, dès l’automne 2009, le gouvernement avait assigné neuf distributeurs devant neuf tribunaux différents.
Ayant statué dans l’urgence, le tribunal de commerce de Lille faisait connaître sa décision dès janvier 2010 et retenait certains comportements constitutifs de déséquilibre significatif à l’égard du groupe Conforama. Puis, en juillet, c’est le tribunal de Bobigny qui examinait les pratiques du groupe Darty. Mais l’affaire fit alors grand bruit et les sociétés Système U centrale nationale et Galec (Leclerc) intervinrent volontairement pour soulever devant ce tribunal la question prioritaire de constitutionnalité.
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, entrée en vigueur le 1er mars 2010, l’article 61-1 de la Constitution permet aux justiciables de saisir indirectement le Conseil constitutionnel, via la Cour de cassation ou le Conseil d'État, sur la validité d'une loi.
Or trois conditions sont requises :
- La disposition législative contestée doit être applicable au litige ou à la procédure ou constituer le fondement des poursuites ;
- Il ne faut pas que la décision en cause ait déjà été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
- La question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux.
Dans le cas présent, il était allégué que les dispositions de l’article L 442-6 du 2° du code de commerce prévoyant que le déséquilibre significatif peut engager la responsabilité de son auteur, mais aussi aboutir au paiement sur l’initiative du ministre d’une amende civile, heurtent le principe de légalité des délits et des peines.
Selon ce principe, la loi doit dire quel est le contenu matériel des crimes et des délits réprimés et fixer les peines applicables.

Une atteinte à la liberté du commerce ?

Or, la notion de déséquilibre significatif ne s’embarrasse pas de telles contraintes puisque, précisément, il s’est agi de laisser au juge saisi le maximum de latitude pour appliquer la notion à des comportements les plus divers.
Et c’est là que le bât blesse ! Pour le juge de Bobigny, ce dispositif « qui attribue à la puissance publique le pouvoir d’intervenir dans des conventions de droit privé en lui donnant la faculté d’en poursuivre l’annulation, et lui reconnaît celui de prononcer ou de solliciter le prononcé de sanction telle qu’une amende civile, est soumis au principe de la légalité des délits et des peines à l’instar de celle qui relève du droit pénal, l’exercice de ces pouvoirs étant susceptible de porter atteinte au principe de la liberté du commerce et d’entreprendre, ainsi qu’au principe de s’engager par contrat qui sont garantis par la Constitution ». Cette position est corroborée par la Cour de cassation qui, dans son arrêt du 15 octobre dernier, confirme que, selon elle, « la question posée présente un caractère sérieux ».
Le risque, en cas d’inconstitutionnalité avérée, serait une abrogation de la disposition législative en cause. L’Ania a déjà fait savoir qu’elle « n’accepterait pas le maintien d’une loi amputée de cette disposition » (voir Les Marchés n° 72, p. 14).
Quelle que soit la décision du juge constitutionnel, la question ne manquera pas de rebondir, car en cas d’inconstitutionnalité, c’est toute l’architecture du système qui pourrait s’en trouver bouleversée. C’est une nouvelle bataille devant le juge constitutionnel à laquelle nous n’étions pas habitués.
Rédaction Réussir

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