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La banane des Antilles revendique sa « francité »

Après quatre-vingts ans de vente au kilogramme, la banane antillaise tente le pari de la vente à la pièce et arbore un ruban tricolore. Objectif 2017 : commercialiser 55 000 tonnes par an, soit 20 % de la production totale de Martinique et de Guadeloupe.

Pour le Fort Sainte-Marie, l'avant port ouest de Dunkerque est en vue. Le bateau de la compagnie CGA-CGM arrive dans le canal des Dunes avant d'accoster au quai Ouest, juste en face des 28000 m2 de la société Dunfresh dont les entrepôts sous température dirigée sont dédiés à la logistique des fruits et légumes, bananes essentiellement. Dans ses cales, 270 containers de bananes coupées dix à quinze jours plus tôt aux Antilles qui ont fait la traversée à une température constante de 13 °C. Parmi les 5400 palettes qui seront réparties vers toute l'Europe, une partie des fruits sera conditionnée en mains de deux à six « doigts » et cerclées d'un ruban tricolore « inviolable ». Elles seront positionnées très soigneusement dans des alvéoles destinés aux linéaires des GMS et arboreront l'étiquette « banane française ».

Un repère prix

C'est la nouvelle identité « made in France » de la banane antillaise, lancée en test dans le sud de la France dès le mois de mai, et qui entame la phase deux de son développement sur l'ensemble du territoire. « Nous avons commencé à réfléchir à ce nouveau concept dès juillet 2014 au sein de l'UGPBAN », explique Jean-Claude Marraud des Grottes, gérant d'une bananeraie de Martinique implantée au Lamentin. « Valoriser un produit leader en volume, victime de la guerre des prix, mal présenté et mal identifié, nécessitant la pesée de la part des consommateurs et générant des pertes en rayon… », le challenge n'était pas mince. « Notre prix de vente est bien souvent déconnecté de notre réalité. Tous les efforts menés depuis 2008 pour promouvoir une banane durable sont souvent remis en cause dès son arrivée en rayon où règne la confusion la plus complète entre les origines », renchérit Philippe Ruelle. Le directeur général de l'UGPBAN déplore que le marché « ne reconnaisse pas les efforts menés par ses producteurs » et souhaiterait voir une constance dans les prix pratiqués tout au long de l'année permettant « un repère prix pour les consommateurs ». Dénommé « Francité », ce projet ambitieux vise à revaloriser une partie des 270 000 t de fruits des Antilles, commercialisées chaque année par l'UGPBAN.

À la conquête des Français

Nouveau packaging, communication et PLV adaptées, merchandisers entretenant le concept : la banane des Antilles part ainsi à la conquête des consommateurs de l'Hexagone. « On vise 10 % des 560 000 t de bananes consommées chaque année en France dès la fin 2017. Elle doit figurer à côté de la banane bio (50000 t par an, ndlr), du segment vrac et des bananes premier prix… », rajoute Philippe Ruelle.

Présenté au Salon de l'agriculture en février 2015, « Francité » a démarré avec cinq promoteurs des ventes (Marseille, Bordeaux et la région parisienne). Aujourd'hui, ils sont douze à démarcher les 500 hypers et supers d'Intermarché, E.Leclerc, Système U, Casino et Cora pour présenter ce nouveau concept. L'UGPBAN espère bien toucher 4000 magasins à terme avec l'appui de vingt-cinq promoteurs des ventes répartis sur l'ensemble du territoire français. Depuis mai 2015, les entrepôts de Dunfresh abritent le nouvel atelier de conditionnement de 2500 m2 géré par Fruidor* . Vingt-cinq salariés préparent chaque semaine quelque 14 000 colis de 18,5 kg destinés exclusivement aux GMS. Cette première phase a nécessité 650000 € d'investissement de la part de l'UGPBAN. « La deuxième phase nécessitera un nouvel investissement de 1 million d'euros et permettra de passer de 14 à 35000 colis par semaine en doublant l'équipe actuelle. La troisième phase permettra de passer à 70000 colis par semaine avec un nouvel investissement de 1,2 à 1,3 million d'euros », précise François Dalle, directeur industriel de Fruidor.

Un agréage rigoureux

Une fois débarquées, les palettes passent aussitôt à l'agréage. « On travaille avec un panel de producteurs répondant au mieux aux critères que nous nous sommes imposés », explique Sébastien Thafournel, responsable qualité de l'UGPBAN. Les colis de bananes jaunes sont systématiquement écartés. Les quatorze techniciens du service qualité effectuent alors leurs contrôles spécifiques. « Sur 1 000 colis, on en prélève quatre dans lesquels on examine toutes les bananes », poursuit-il. Après avoir identifié le producteur et entré toutes les données sur informatique, le technicien mesure la longueur du fruit, juge de l'aspect visuel et de l'état sanitaire de la « main » et vérifie la présence du sticker… Autant d'indications qui lui permettront de noter l'échantillon. Au-delà de 75 %, la main est considérée comme indemne de défauts et peut poursuivre son cheminement vers l'atelier de conditionnement. Toutes ces informations sont aussitôt relayées par informatique aux producteurs, pour d'éventuelles corrections.

* L'UGPBAN a acquis Fruidor en 2008. Avec un chiffre d'affaires de 200 M€, c'est le 1er réseau français de murisseries commercialisant environ 100 000 t de bananes antillaises.

UNE RÉDUCTION DE MOITIÉ DES PESTICIDES

En 2007, la « crise du chlordécone », un pesticide destiné à lutter contre le charançon, suivie aussitôt par le cyclone Dean, ont créé un véritable choc obligeant les planteurs à changer de mode de production. Rotations culturales, parcelles enherbées, pièges à insectes, arrêt des traitements aériens depuis 2013… Le premier plan « banane durable » a permis de réduire de moitié l'utilisation de pesticides entre 2006 et 2014. La recherche (Cirad et Institut technique Tropical) devrait aboutir à sélectionner une variété autre que la cavendish, beaucoup plus résistante à la cercosporiose.

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