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Insectes, risques sanitaires et droit européen

Alors que la législation européenne sur la consommation d'insectes est sur le point d'évoluer, l'Anses a publié début avril 2015 un avis très critique, dans lequel elle mène un état des lieux des connaissances scientifiques liées à l'entomophagie.

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) est depuis longtemps en faveur du développement de l'élevage d'insectes à grande échelle, afin de nourrir dans un futur proche la population mondiale croissante. Riches en protéines et en oligoéléments, les insectes possèdent une valeur nutritive intéressante, et leur élevage serait beaucoup plus écologique que ceux des bovins ou des porcs. Alors que le débat européen ne fait que commencer, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a néanmoins jugé utile de souligner les dangers de la consommation d'insectes, qui peuvent être autant liés à des substances chimiques (venins ou produits chimiques utilisés dans l'environnement des insectes par exemple) qu'à des agents physiques (comme les dards) ou biologiques (virus, champignons, etc.). De surcroît, comme pour les autres aliments, une conservation inappropriée pourrait rendre l'insecte impropre à la consommation humaine. Enfin, l'Agence française souligne la découverte d'allergènes communs entre les insectes et certains acariens, mollusques et crustacés, et préconise de fixer des mesures de prévention du risque allergique.

Denrée animale ou novel food

En conclusion, l'Anses recommande d'approfondir les recherches sur les sources poten-tielles de danger et de définir un encadrement spécifique des conditions d'élevage et de production des insectes et de leurs produits afin de garantir la maîtrise des risques sanitaires. De plus, elle propose d'établir une liste européenne des différentes espèces consommables et des stades de développement auxquels les insectes peuvent ou non être dégustés. L'insecte est aussi considéré par l'Anses comme une denrée alimentaire animale à part entière, puisqu'elle pose la question du bien-être animal, aujourd'hui très peu envisagée chez la plupart des invertébrés.

Il convient de rappeler que la consommation d'insectes relève en Europe de la réglementation sur les nouveaux aliments, plus connue sous la dénomination de « novel food », qui impose une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne*, préalablement à toute commercialisation d'aliments pour lesquels la consommation était négligeable avant 1997.

À ce jour, aucune espèce d'insectes n'a réussi à franchir la barrière « novel food », car aucune entreprise ne s'y est risquée étant donné les coûts et les délais importants que représente la procédure d'autorisation. De plus, l'interprétation des dispositions du règlement diverge selon les États membres, notamment au sujet des insectes entiers qui, pour certains, comme la Belgique ou le Royaume-Uni, ne semblent pas stricto sensu relever du champ d'application du règlement.

Aliments traditionnels

Ce manque d'harmonisation à l'échelle européenne explique, entre autres, que dans le cadre de la révision de ce règlement, le statut de l'insecte soit expressément pris en compte suite à deux propositions d'amendement du Parlement européen. En effet, la nouvelle proposition envisage d'introduire une nouvelle sous-catégorie pour les aliments traditionnels en provenance des pays tiers, dont les insectes pourraient relever. La procédure d'autorisation de mise sur le marché serait alors simplifiée, puisqu'il « suffirait » de démontrer l'innocuité d'un insecte consommé dans un pays tiers, dans le cadre d'un régime alimentaire normal, depuis au moins vingt-cinq ans.

Alors que dans certains pays tiers où la consommation d'insectes est « normale » et que les entreprises souhaitent innover dans cette direction, l'avis de l'Anses tombe comme un pavé dans la mare : trop tôt, trop général, trop simpliste a-t-on envie de dire.

*Commission européenne « proposition de règlement du Parlement européen et du conseil relatif aux nouveaux aliments », COM (2013) 894 final, 18 décembre 2013.

LE CABINET KELLER & HECKMAN

Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux, auprès des industries de l'agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l'Union européenne.

Rédaction Réussir

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