INAO : le projet de René Renou divise les professionnels
Conscient des nuages noirs de la concurrence et de la surproduction qui se profilent à l’horizon, René Renou, le président du Comité vins de l’Institut a décidé de frapper fort. Partant du principe que « l’AOC n’est pas d’une lecture facile et que, dans ce concept, on trouve les plus grands vins, mais les autres aussi…», il propose de rajouter le concept d’excellence à l’AOC, de réviser les décrets sur une ossature commune, de créer les sites et terroirs d’excellence et de renforcer les contrôles. Pour l’instant, le projet n’est qu’au stade de la réflexion et les régions devront se prononcer. Il est certain qu’aujourd’hui, la confusion règne.
D’abord chez les consommateurs qui s’étonnent de trouver à l’intérieur d’une même appellation et à des prix souvent élevés, des produits fortement différents en qualité. Ces mêmes consommateurs ou les associations qui les représentent s’inquiètent de la non-transparence des auto-contrôles réalisés dans la viticulture, alors que les autres signes de qualité sont contrôlés de façon indépendante.
Ensuite, les acheteurs étrangers, fortement sollicités par la concurrence des vins mondiaux reprochent aux AOC françaises leur manque de régularité et de qualité : « Jusqu’à il y a vingt ans, le concept du vin était français» martèle René Renou. « Nous sortons des trente glorieuses. Nous ne connaissions pas la concurrence ni la surproduction. Les temps ont changé, nous devons coller à la demande du consommateur ».
Le CIVB veut aller plus loin
Concernant le CIVB (Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux), la tendance est très forte d’aller le plus loin possible. « La démarche est intéressante à plusieurs niveaux » se réjouit Christian Delpeuch, vice-président du CIVB. « D’abord, cela montre que l’Inao se pose la question de savoir si l’on est dans le vrai. Ensuite, il est certain qu’aujourd’hui, rien ne se fera plus sans la certification et le contrôle par des organismes certificateurs. Enfin, nous ne pouvions pas continuer à nous baser sur des décrets qui datent. Les décrets doivent êtres révisés et comprendre tous les aspects qui font d’une AOC un produit d’exception. Si l’on se donne des règles de base, pourquoi ne pas les faire contrôler par des OC ? »
Passer par des organismes certificateurs conformes à la norme 45 011, c’est aller plus loin que les propositions de René Renou qui prévoyait des contrôles renforcés des syndicats dans lesquels pourraient figurer des personnes extérieures et une brigade indépendante de répression, mais de là à passer aux organismes certificateurs, on assisterait quasiment à une révolution dans le monde des AOC. Malgré tout, selon M. Delpeuch, la nouvelle AOCE ne résoudra pas tous les problèmes des AOC.
La démarche doit être plus globale car il faut aussi régler les problèmes de surproduction. Enfin, dernière inquiétude du vice-président du CIVB : « Attention à ne pas trop compliquer un système qui l’est déjà lui-même. Les sites et terroirs d’exception induisent de nouveaux concepts qui devront être expliqués ». Si cette réforme passe, il faut s’attendre à voir dans le Bordelais des appellations qui ne seront qu’AOC voisiner avec des AOCE. Là aussi, il faudra expliquer.
Les doutes de l’UVB
Si le CIVB semble plutôt favorable à la réforme, côté Union viticole du Beaujolais (UVB), l’attitude est plutôt à l’expectative et à l’interrogation. Les vins du Beaujolais représentent 12 appellations dont 10 crus pour 600 000 hl. « C’est une proposition parmi d’autres, il y a déjà eu le rapport Berthomeau, maintenant il y a les propositions de René Renou », s’interroge Louis Pelletier, directeur de l’UVB. « Les AOCE présentent le risque de renforcer les plus belles appellations de pointe, des petits territoires, mais ce n’est pas cela qui résoudra le problème de la viticulture. Au moins le projet a le mérite d’exister. Mais je ne peux pas présager ce qui va se passer chez nous, compte tenu qu’il faut 75 % de vignerons de l’appellation pour passer en AOCE. Quant aux sites et territoires d’excellence, la formule est bonne, mais cela ne concerne que des exploitations qui pourraient ainsi se différencier. C’est une opportunité ».
Le point sur lequel le directeur de l’Union s’interroge le plus est celui des contrôles : « Il y a déjà la qualification des exploitations et l’on nous propose de rajouter des contrôles. Quels types de contrôles ? Pour le Beaujolais nouveau par exemple, nous avons un mois et demi pour agréer la production. Si l’on rajoute une méthode plus contraignante, cela demandera encore plus de temps. Et qui va payer ? Les contrôles coûtent de plus en plus cher. Maintenant si l’on doit passer par des organismes certificateurs, pourquoi pas, c’est avant tout une question de coûts ».
Si l’Union s’interroge, du moins ne remet-elle pas en question la nécessité de faire quelque chose : « C’est à nous de voir et d’apporter nos critiques, mais le problème de la crise structurelle restera posé » conclut Louis Pelletier.