Expert en packaging, Arnaud Le Berrigaud propose notamment aux industriels de diagnostiquer l’ensemble de leurs emballages, puis chacun d’eux à travers plusieurs critères. Les critères sont choisis en commun, de même que les points à travailler. Il adapte une méthode à ses clients, débouchant sur des pistes d’amélioration très précises.
Déplorez-vous des tendances en matière de verdissement des emballages alimentaires ?
Arnaud Le Berrigaud - Je pense que les industriels devraient davantage se poser la question de ce que le consommateur va faire de l’emballage. Ils ont un devoir d’éducation. Quand le consommateur trie un emballage en carton associé à un liner de polyéthylène indissociable, de la pulpe est récupérée. Mais si la partie plastique est détachable, et que le consommateur ne la détache pas, les deux composants sont perdus pour le recyclage.
La tendance est de
s’échapper du plastique – pour l’instant, c’est le cas de seulement 10 % environ des produits à durée de consommation prolongée. Des produits passent du plastique au verre ou au carton (mais il reste toujours une composante plastique). Passer du plastique au carton peut conduire à doubler ou parfois même tripler le poids de l’emballage. Est-ce souhaitable ? Je pense qu’il faut savoir expliquer pourquoi on a fait ce choix, l’assumer et, surtout, ne pas diffuser d’allégations trompeuses.
L’option de l’emballage réutilisable vous semble-t-elle bonne ?
A. L. - Oui, mais dans quelle proportion l’emballage réutilisable le sera-t-il vraiment ? Il faudrait affiner la définition du mot réutilisable pour les emballages, mentionner le taux de retour. Peut-on considérer qu’un taux de retour de 30 % est acceptable ? Non, il faut viser beaucoup plus haut. Et surtout, développer la consigne, qu’elle soit pour le verre ou même pour le plastique. Pour le verre au moins, l’avenir est indéniablement la consigne. Je vois une certaine standardisation parmi les bouteilles de soupe pour les circuits courts, qui se prête à la consigne. Citeo travaille depuis plus d’un an sur la possibilité de standardiser les bouteilles de verre. Les filières biologiques travaillent aussi sur la consignation des contenants en verre, à travers les bocaux par exemple.
La disponibilité des plastiques recyclés et le prix des cartons resteront-ils des freins dans l’agroalimentaire ?
A. L. - Clairement, les minéraliers monopolisent le PET recyclé et, de ce fait, il sera difficile d’en trouver sur le marché. Quant au prix du carton, je ne sais pas comment il va évoluer, mais aujourd’hui, conditionner de la carotte râpée dans du carton pelliplaqué avec du polypropylène coûte deux à trois fois plus cher ; que fera l’industriel et qui paiera la différence ?
Quelle approche faites-vous des matériaux biosourcés et des matériaux compostables ?
A. L. - Je dois parler de plusieurs cas de figure. Un plastique biosourcé reste un plastique. À partir d’un matériau d’origine végétale, on peut fabriquer du PET et, du coup, il devient recyclable dans une filière PET. A contrario, le PLA ne l’est pas et il n’a pas non plus de filière de compostage, contrairement à certaines allégations. Seule la certification Home Compost garantit une dégradation dans un compost domestique. Le Home Compost présente certains intérêts, par exemple, pour recycler un sachet souillé, à condition que le consommateur composte vraiment cet emballage. On peut aussi avoir des plastiques d’origine fossile qui sont compostables, en filière chimique ou domestique.
Nous avons une responsabilité et nous sommes convoqué par l’environnement. Nous devons toujours chercher à réduire les emballages mis en marché, rechercher les matières les moins impactantes et faire des compromis, car rien n’est ni tout blanc ni tout noir. Et n’oublions jamais les fonctions essentielles des emballages : protéger, transporter, conserver et informer.
Comment faites-vous pour connaître le comportement des consommateurs vis-à-vis de leurs emballages ?
A. L. - Je vais dans les centres de tri. Là je vois par exemple que la plupart des barquettes ont conservé leur opercule. Je constate chez les metteurs en marché lors d’intervention, que même des responsables du comité de direction ne savent pas dire s’ils habitent dans une zone à extension du geste de tri ou non. Il faut vraiment les former au tri, à la collecte et au recyclage pour qu’à leur tour ils puissent informer correctement les consommateurs. En principe, l’extension du geste de tri à tous les plastiques, qu’ils soient propres ou souillés, doit se généraliser en 2023. Ça laisse peu de temps.
Passez-vous pour un lobbyiste auprès des militants anti-plastiques ?
A. L. - Pour être précis et concernant mon rapprochement du plastique, j’explique à quoi il sert, ses intérêts mais aussi ses pièges. Je pense qu’on ne le supprimera pas donc autant savoir quoi faire de l’emballage post-consommation pour le consommateur et quel plastique choisir pour le producteur afin qu’il soit ensuite recyclé. Il n’y a aucune ambiguïté.
Je ne milite pas pour maintenir les emballages en plastique, et je souhaite que l’on revoie notre consommation. Sur le plan sociétal, je pose des questions : a-t-on vraiment besoin de cette confiserie, de tel produit de snacking ? Si oui, comment les proposer autrement ? Pourquoi tant d’eau dans un produit quand le consommateur pourrait lui-même diluer chez lui ? Rares sont les produits à diluer dans les grandes surfaces. Moins d’eau, cela ferait moins d’emballages et moins de volume à transporter. Je vois aussi que les consommateurs qui reçoivent leurs commandes dans du carton ne comprennent pas que le quart du carton collecté sort de France pour être recyclé. Je travaille aussi avec Réseau Vrac, et mon foyer consomme à 80 % en vrac, et je vois bien que ça demande de l’organisation, donc je ne suis pas non plus pour le tout-vrac.
Des conseils pour les conditionneurs de l’agroalimentaire qui veulent verdir leurs emballages et se conformer à la réglementation ?
A. L. - J’ai deux conseils essentiels : mon premier est d’éplucher son emballage et se demander si chaque composant est recyclable ; Penser à la recyclabilité dès le début. Mon second conseil est de se faire accompagner pour se conformer à l’évolution de la réglementation et avoir une veille à jour concernant toutes les expérimentations en cours. Il est compliqué de tout voir et de faire les bons choix dans cette masse d’information et parfois de désinformation.