Des ingrédients laitiers antifongiques bientôt sur le marché
Une thèse menée dans le cadre du programme Profil montre qu’il est possible de produire des ingrédients laitiers antifongiques en utilisant des microorganismes multipliés sur un substrat laitier.

ingrédients laitiers
antifongiques faciliteront
la mise sur le marché de
produits laitiers clean label. »
Dans le cadre du programme Profil de fonctionnalisation des protéines laitières, Lucille Garnier (Lubem/Inra STLO) a étudié la production d’ingrédients laitiers fonctionnalisés par des microorganismes producteurs de composés antifongiques, le but étant de pouvoir proposer des produits laitiers clean label. La chercheuse a étudié la diversité des contaminants des produits laitiers. 106 isolats de levures et moisissures appartenant à 18 genres et 40 espèces ont été isolés. Quatre ont été retenus pour tester les microorganismes potentiellement antifongiques : Penicillium commune, Mucor racemosus, Galactomyces geotrichum et Yarrowia lipolytica. Lucille Garnier a ensuite sélectionné des microorganismes sur leur capacité à produire des composés antifongiques. 500 souches de bactéries lactiques et propioniques, dont 346 Lactobacillus, et 198 souches de champignons ont été testées. Chaque souche a été cultivée sur du lait low-heat additionné de matière grasse laitière anhydre et sur du perméat d’ultrafiltration complété d’extraits de levure. « Cela représentait 1 200 ingrédients à tester, ce qui nous a amenés à mettre au point une méthode de criblage haut débit », précise la chercheuse. Les ingrédients ont été appliqués en surface d’une matrice fromagère proche de celle présente en industrie (fromage d’ultrafiltration) avant inoculation des champignons. L’activité antifongique a été évaluée visuellement cinq à neuf jours après.
CINQ INGRÉDIENTS VALIDÉS SUR FROMAGE ET CRÈME FRAÎCHE
Le substrat de fermentation a un impact sur l’activité antifongique. Avec le perméat, 2,9 % des isolats ont une activité antifongique, dont 0,3 % avec un fort effet ou une inhibition totale. Avec le lait low-heat, 11,9 % des isolats sont antifongiques, dont 3,7 % avec une inhibition forte ou totale. Les microorganismes à forte activité antifongique sont principalement des Lactobacillus (92,2 %) et des Mucor (3,8 %). « L’effet dépend fortement de l’espèce et de la souche », souligne Lucille Garnier. Au final, cinq ingrédients issus de la culture sur lait low-heat ou perméat de trois souches (Propionibacterium jensenii CIRM-BIA 1774, Lactobacillus rhamnosus CIRM-BIA 1952 et UBOCC-A-109193) ont été retenus. Trois ont été testés comme traitement de surface sur 30 kg de fromage à pâte pressée à croûte morgée : un à base de P. jensenii, le deuxième associant P. jensenii et M. lanceolatus et le troisième associant L. rhamnosus et M. lanceolatus. Les ingrédients ont été appliqués par pulvérisation en surface aux jours 1, 4 et 6 de l’affinage.
DES ESSAIS EN COURS POUR VALIDATION
« Les résultats sont très prometteurs », constate Lucille Garnier. Après réalisation de challenges tests, l’ingrédient à base de P. jensenii entraîne un retard de croissance de 21 jours pour M. racemosus et 14 jours pour P. commune. Celui associant P. jensenii et M. lanceolatus la retarde de 15 jours pour M. racemosus et 7 jours pour P. commune. En conditions naturelles, la contamination après six semaines d’affinage est très inférieure à celle du témoin. Et l’analyse sensorielle montre qu’il n’y a pas d’impact sur les qualités organoleptiques des fromages. Enfin, l’analyse révèle que 70 molécules antifongiques sont présentes dans les trois ingrédients : des acides organiques (acides acétique, citrique, propionique, butyrique, phényllactique...), des acide gras, des composés volatils, un peptide. « Au final, cinq ingrédients issus de ces trois souches ont été validés sur fromage et crème fraîche, résume Lucille Garnier. Les souches sont mises à disposition et des essais sont en cours chez des industriels. » Les études vont se poursuivre sur le rôle de chaque molécule dans l’activité antifongique des ingrédients et les mécanismes d’action.
UTILISER LES BACTÉRIES COMME LEVAIN ADDITIONNEL ANTIFONGIQUE
Une autre thèse menée dans le cadre de Profil par Marcia Leyva Salas porte sur l’utilisation de bactéries comme levain additionnel à activité antifongique. Après criblage sur du yaourt et du rétentat d’ultrafiltration de lait, 13 associations de 5 lactobacilles à activité antifongique ont été testées. Deux associations utilisées comme levain additionnel (L. harbinensis + L. plantarum et L. rhamnosus + L. plantarum) montrent une activité antifongique à l’échelle du pilote dans du fromage à pâte pressée à croûte morgée et encore plus dans la crème fraîche. En présence des cultures sélectionnées, 23 molécules antifongiques sont à des quantités significativement différentes dans au moins une des deux matrices (yaourt ou rétentat) par rapport aux témoins.