Stratégie
Comment préparer au mieux les négociations 2018-2019
De bonnes négociations commerciales se préparent bien avant l’épreuve des box. Une maxime d’autant plus importante à respecter cette année, estime le binôme Nicolas Genty, associé d'EY Société d'avocats, et Philippe Duvocelle, consultant, qui coachent régulièrement les industries agroalimentaires.
Les négociations commerciales, cela se prépare, même lorsque l’on est une PME et que l’on ne dispose pas d’un service juridique important. Nicolas Genty, associé au sein d’EY Société d’avocats, et Philippe Duvocelle, consultant, qui coachent les entreprises, le répètent chaque année : « la négociation commerciale commence toujours par un bilan, à réaliser le plus proche possible de la fin des négociations commerciales ». « Mais surtout, une négociation commerciale et donc des CGV se préparent en fonction de la politique commerciale que l’on a définie », rappelle Nicolas Genty. Et cette année, plusieurs éléments viennent perturber la donne dont le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, qu’une ordonnance viendra instaurer d’ici quelques semaines (voir page 13).
L’effet des ordonnances peut être direct ou indirect
« Si j’avais un conseil à donner aux fournisseurs, ce serait de réfléchir à la manière dont les projets d’ordonnance peuvent influencer leur stratégie. L’effet peut être direct ou indirect. Quelles réactions auront les distributeurs par rapport à leur politique commerciale suivant les catégories de produits ? Imaginez que dans le café par exemple les ventes en promotions représentent 60 % du chiffre d’affaires de la catégorie », complète pour sa part Philippe Duvocelle. « Il faut s’interroger sur sa situation exacte par rapport à ses concurrents, à la catégorie et à ses clients, dans le cadre de ces évolutions réglementaires qui touchent directement le business », précise Nicolas Genty.
Se rapprocher des clients distributeurs en amont
Pour mieux appréhender ces évolutions, alors que les termes précis de l’ordonnance sont toujours en négociation, il serait bien de rapidement se rapprocher des clients distributeurs pour « discuter sur l’évolution de leurs stratégies », suggère Philippe Duvocelle. Et ce, de manière à proposer dans la négociation des éléments d’attractivité le plus adaptés aux enseignes en dehors du prix. « Il peut s’agir d’innovations, de dégustations, d’animations sur les points de vente », lance le consultant. « Réfléchir aux différents scénarios possibles des textes qui influenceront son business peut permettre d’ajuster son positionnement, de faire émerger des opportunités qui peuvent intéresser le distributeur. Il me semble préférable de se faire violence et de ne pas attendre la publication des ordonnances pour y travailler », commente Nicolas Genty. « J’attendrais le tout dernier moment pour envoyer mes tarifs et CGV », recommande en revanche Philippe Duvocelle. Catégorique, il poursuit : « pour mettre le mot fin aux CGV, il faut attendre la publication des textes ».
Négociateurs des alliances : quel mandat ?
Autre élément venant changer la donne : la redistribution des cartes dans les alliances à l’achat entre enseignes. Pour rappel, fin juin, Auchan Retail, le groupe Casino, Metro et Schiever ont annoncé le lancement d’une alliance à l’achat, à l’étranger et en France, baptisée Horizon. Quelques jours plus tôt, Carrefour et Système U signaient un accord de partenariat à l’achat sur les plus grandes marques nationales et internationales en France et à l’étranger. Ces nouvelles alliances devraient influencer la teneur des discussions, et pour Philippe Duvocelle, le fournisseur a tout intérêt à bien se renseigner sur leur nature et le mandat confié aux négociateurs des alliances. « Il a toute légitimité à demander le contrat écrit », commente le consultant.
Une fois ces préalables établis, comment négocier au mieux dans les box ? Alors que la loi EGA inscrit l’inversion de la formation du prix et l’introduction de la notion d’indicateurs, les fournisseurs ont-ils intérêt à rentrer dans l’explication de leurs tarifs ?
Je ne vois rien qui obligerait à expliquer ses tarifs de A à Z
« C’est une question de stratégie de négociation, mais je ne vois rien dans la loi et dans les projets de modification qui obligerait à expliquer ses tarifs de A à Z », répond Nicolas Genty. Philippe Duvocelle nuance en prenant deux cas de figure : « si je suis sous-traitant de la distribution (un fabricant de MDD, ndlr), j’ai plutôt intérêt à faire montre de transparence, à faire appel à des indicateurs et pourquoi pas à montrer le bilan de mon entreprise. À l’inverse, si je suis une PME avec des marques propres que je veux développer dans le cadre d’une stratégie commerciale et marketing, je vais assumer totalement mes tarifs, en disant : “c’est mon affaire, pour moi le bon prix au consommateur c’est ça, vous prenez ou vous ne prenez pas” », explique-t-il. « Je suis convaincu qu’en 2019, des transformateurs, bien à l’écoute, vont en profiter pour faire bouger les lignes, et ce ne seront pas forcément les plus gros », conclut-il.