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Europe
Autosuffisance protéique : l’initiative de Soja du Danube

L’association Donau Soja (Soja du Danube) promeut une production de soja sans OGM en Europe pour réduire le recours aux importations, mais aussi à la fertilisation azotée des sols. Un arrêt récent de la Cour de justice européenne sur la qualification des nouvelles méthodes de sélection inquiète toutefois les producteurs.

Les importations de soja européennes sont passées de 2,7 millions de tonnes (Mt) en 1960 à 43,5 Mt en 2016 et s’établissent actuellement aux environs de 37 Mt par an. Elles représentent environ 12 milliards d’euros, ce qui mobilise 16 millions d’hectares en Amérique du Nord et du Sud. En Amérique latine, cette culture représente plus de 44 % des surfaces cultivées : 40 % au Brésil, 48 % en Argentine et jusqu’à 77 % au Paraguay. Là-bas, cultivé quasiment en monoculture avec les risques agronomiques inhérents, le soja pourrait ici, au contraire, allonger les rotations et enrichir le sol en azote au bénéfice des cultures suivantes.

350 000 tonnes d’ici à 2030

Selon Christian Krumphber, responsable du département productions végétales à la chambre d’agriculture d’Autriche, qui intervenait lors du colloque « la stratégie protéique de Soja du Danube pour l’Europe », le 25 septembre dernier en Autriche, l’Europe est parfaitement capable de produire du soja. « L’Autriche n’est pas particulièrement bien placée pour produire du soja alors qu’elle va en récolter 200 000 tonnes cette année sur 67 000 hectares. Donc, si l’Autriche peut le faire, alors toute l’Europe peut le faire ou presque », selon lui.

Les zones de production sont similaires à celles qui conviennent pour le maïs et la betterave. Il estime que la croissance sera soutenue, d’une part, par l’augmentation des surfaces cultivées et, d’autre part, par la productivité rendue possible par la sélection de nouvelles variétés : « en Autriche, nous sommes à 3 tonnes par hectare environ. Nous devrions atteindre 3,5 tonnes en moyenne et 100 000 hectares en 2030 pour une récolte annuelle de 350 000 tonnes », est-il précisé.

Il ne s’agit pas de remplacer tout le soja importé

La culture arrive déjà en quatrième position en Autriche derrière le maïs, le blé et l’orge mais devant le colza. Les 25 % meilleurs producteurs de soja autrichiens arrivent à récolter jusqu’à 4,2 t/ha pour une marge de 1 134 euros par hectare. L’un des enjeux du développement agricole sera de conduire l’ensemble des producteurs à ce niveau. Les pertes à la récolte, qui peuvent dépasser 10 %, relèvent ainsi purement de l’agronomie (variété, densité de semis, distance interrangs, préparation du sol avant semis…).

Il compte aussi sur les intérêts agronomiques et la valeur ajoutée complémentaire pour motiver plus de producteurs : la rupture des rotations trop courtes (et, donc, une solution pour lutter contre le diabrotica qui attaque le maïs), l’épargne de fertilisation, la valorisation éventuelle sur la ferme elle-même, mais aussi l’ouverture de nouveaux marchés. « Il ne s’agit pas de remplacer tout le soja importé, mais de disposer d’une part croissante dans les utilisations européennes et cela sans réduire les autres productions. À l’horizon 2025, nous espérons que le soja passera de 2 à 5 % de la surface cultivable européenne alors que le maïs en représente le tiers », poursuit Christian Krumphber.

Jusqu’à 2 millions d’hectares en Europe à moyen terme

Il chiffre le potentiel européen à 2 millions d’hectares à moyen terme. Actuellement, la production européenne de soja mobilise 900 000 hectares. L’Italie, avec un tiers de ces surfaces, tient la tête, suivie de la Roumanie (150 000 ha) juste devant la France (145 000 ha), la Croatie (90 000 ha), l’Autriche (67 000 ha) et la Hongrie (65 000 ha). Si les cultures d’OGM sont interdites dans cette dernière, l’Ukraine sèmerait quant à elle 50 à 70 % de graines génétiquement modifiées. D’où l’importance, pour l’association Donau Soja (Soja du Danube) de certifier aussi les usines de trituration sans OGM. Elle en a déjà certifié sept, et sept de plus sont en cours.

« La transition protéique constitue également une occasion pour la distribution agricole », estime Ernst Gauhs, directeur des produits agricoles de la coopérative Raiffeisen (Obersiebenbrunn) et vice-président de l’association Soja du Danube. « La demande croissante en sans OGM des consommateurs européens augmente naturellement le coût de la ségrégation, de la prime sans OGM et de la rentabilité d’un hectare de culture sans OGM en Europe. Depuis quatre ans, l’Union européenne consacre moins d’hectares à la production de céréales, mais plus à la production d’oléoprotéagineux et dispose d’une capacité importante de trituration. Sur les marchés des protéines, nous sommes toutefois très loin de l’autosuffisance, sauf en blé tendre et en tournesol. Nous devrions réduire légèrement notre dépendance en tourteaux de tournesol origine Mer noir l’an prochain, mais nous continuerons à importer des tourteaux de soja puisque les projections de Stratégie Grains sont de 20,18 millions de tonnes en 2018-2019 contre 18,39 millions de tonnes en 2017-2018 », souligne-t-il.

Toutes les nouvelles méthodes de sélection pourraient être considérées comme OGM

L’inquiétude est double : que vont devenir les cultures de colza face au règlement européen sur les biocarburants et quelles conséquences l’arrêt du 25 juillet de la Cour de justice européenne aura sur les nouvelles technologies de sélection ? « Les sélectionneurs doivent proposer de nouvelles semences sans OGM pour répondre aux demandes des consommateurs, mais aussi stabiliser les rendements. Or, suite à la question posée par les Français de la Confédération paysanne, toutes les nouvelles méthodes de sélection pourraient être considérées comme OGM, ce qui sonnerait le glas de toute la production de soja européenne », estime Ernst Gauhs. Rejoint dans son inquiétude par Karl Fisher du groupe de sélection Saatbau.

Une question d’autant plus cruciale que, à l’instar de l’orientation quasi générale de l’agriculture autrichienne, la production de soja est ici à 28 % bio. Elle est également beaucoup plus orientée vers l’alimentation humaine (50 %) que le soja mondial (19 % alimentation humaine, 79 % alimentation animale).

Une association de militants à l’initiative

Créée en 2008, l’Association autrichienne du soja est l’une des structures fondatrices, en 2012, de l’association Donau Soja (Soja du Danube). Elles sont d’ailleurs toutes les deux dirigées par Matthias Krön qui milite pour un approvisionnement européen en soja durable et sans OGM. Avec désormais des bureaux dans huit pays, l’initiative possède deux marques (Donau Soja et Europe Soya) disposant de standards et de guides de bonnes pratiques. Les agriculteurs n’ont par exemple pas le droit d’en produire sur des terres qui n’étaient pas déjà cultivées avant 2008 afin de se conformer au « zéro déforestation ». Soja du Danube est une association qui compte 270 adhérents dans 22 pays, intervenant tout au long de la chaîne : sélection, culture, transformation, alimentation animale, agroalimentaire, distribution, consommation… Elle est située à Vienne où, en 1878, le chercheur Friedrich Haberlandt publiait ses premiers résultats sur le soja et prédisait qu’il deviendrait une culture essentielle pour l’alimentation. L’association vise non seulement à promouvoir la production autrichienne mais, surtout, à améliorer l’indépendance européenne.

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