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Les non agricoles s’intéressent aux ovins

À la recherche d’un nouveau projet de vie, les non issus du milieu agricole peuvent permettre le renouvellement des générations. À condition de bien savoir accueillir ces personnes inexpérimentées mais très motivées.

En 2019, la moitié des éleveurs de ruminants étaient âgés de plus de 50 ans. Ce constat souligne l’importance du renouvellement des générations d’éleveurs. Pourtant, les hors cadres familiaux, ou personnes non issues du milieu agricole (Nima), sont de plus en plus nombreux à vouloir s’installer.

L’arrivée de ces personnes n’ayant pas un lien direct avec le milieu agricole o­ffre l’opportunité de redynamiser le monde agricole. « Les personnes non issues du milieu agricole sont une réelle opportunité de développement pour le monde de l’élevage ruminant et pour les territoires ruraux dans lesquels il s’insère », affirme Alizée Chouteau de l’Institut de l’élevage. « Ce qui caractérise ces personnes, c’est leur diversité et leur hétérogénéité dans l’âge, la formation, les origines professionnelles », poursuit la corédactrice d’un rapport d’étude de 82 pages sur le sujet. Contrairement aux idées reçues, ces personnes ne sont pas forcément citadines. Nombre d’entre elles ont déjà été initiées au milieu agricole par le biais d’expériences salariales ou de personnes de leur entourage. Dans la majorité des cas, ceux qui s’installent en élevage le font dans le cadre d’une reconversion professionnelle. En quête de sens ou à la recherche d’un véritable projet de vie, les Nima sont portées par leurs convictions. La liberté induite par un statut individuel, au sein d’une structure qui leur soit propre, les séduit. « En ovin particulièrement, on voit poindre une nouvelle catégorie de porteurs de projet : des personnes proches de la retraite qui pensent gagner plus avec les aides ICHN et PAC et la vente de leurs produits qu’en touchant leur retraite, souvent petite », décrit Alizée Chouteau.

Bâtir un projet atypique, à contre-courant

Plus d’un quart d’entre eux s’installent en couple ou en association, ce qui rend le projet de vie d’autant plus fort. En effet, beaucoup considèrent que le métier d’agriculteur est « un beau métier qu’il faut valoriser ». Quant à leur vie personnelle, ces nouveaux installés souhaitent conserver un équilibre entre vie familiale et travail à la ferme, vecteur de leur épanouissement. Cette notion d’équilibre était moins présente il y a quelques années. La volonté de bâtir un projet atypique, en rupture avec les modèles agricoles existants, peut aussi être un moteur à l’installation.

Quand l’élevage est à l’origine du projet d’installation, le lien homme-animal est la principale motivation. Passionnées par la transformation fromagère, certaines personnes ont à cœur de réaliser leur production fermière et mettent en place un atelier d’élevage. Dans le cas où l’élevage apparaît plus tard dans le projet, une volonté de diversification du système de production est la principale raison qui intègre l’élevage au projet d’installation. S’adapter aux contraintes du territoire est aussi un aspect important, témoignant d’un lien fort qu’ont ces personnes avec le territoire. « Il faut que nous valorisions l’environnement qu’il y a autour de nous », témoigne un jeune installé.

Les Nima manquent de connaissance en élevage ovin

Selon les experts de l’étude, l’installation en élevage reste encore minoritaire par rapport à la production maraîchère. Une réticence liée parfois à la méconnaissance du monde de l’élevage. « Un monde complètement inconnu ». C’est la sensation décrite par un éleveur lors de ses démarches d’installation. Le manque de connaissances techniques, juridiques, économiques et sociales rend difficile l’accès au métier. L’image du métier d’éleveur véhiculée par les médias décourage parfois les personnes à concrétiser leur projet. Les difficultés financières et la charge de travail importante sont aussi des critères qui peuvent être un frein à l’installation. Ainsi, le milieu agricole reste opaque aux personnes extérieures. « C’est la confrontation des néoruraux avec des idées nouvelles sur l’agriculture et des gens en place depuis longtemps­ », remarque un éleveur. Ces projets, souvent à contre-courant des installations classiques, souffrent du manque de références qui gêne l’accompagnement et le suivi technique de l’exploitation.

Les divergences sur des conceptions différentes de l’élevage peuvent être sources de conflits entre les Nima et le monde de l’élevage (voisins, associés…). Souvent, une méfiance de la part des personnes issues du milieu agricole se fait ressentir. « C’est comme si tu salissais, ou en tout cas que tu dégradais le métier. Il y a une sorte de fierté paysanne pour dire que­ ce n’est pas à la portée de n’importe qui ». Les non issus du milieu agricole font parfois l’objet de remarques désagréables comme « elle s’amuse avec ses brebis ­ ». Pour être acceptés, ils doivent souvent faire leurs preuves.

Les professionnels de la filière ovine le reconnaissent désormais, les exploitations à reprendre sont souvent très éloignées techniquement et stratégiquement des objectifs des potentiels repreneurs. Les Nima cherchent, pour certains d’entre eux, des petites troupes, de race plutôt rustique, avec de la vente directe alors que la filière longue demande plutôt des troupes importantes pour faire face à la demande. Face à ce décalage, les responsables professionnels appellent tout de même à la vigilance car beaucoup de projets d’installation n’aboutissent pas à cause d’un mauvais dimensionnement et d’une méconnaissance trop importante du métier. Certains Nima observent que leur voisinage agricole « attend cinq ans pour voir ­ » et recommandent de « ne pas hésiter à aller vers les autres ». D’autres admettent que « ça s’est bien passé mais c’est aussi parce qu’on n’était pas des grandes gueules ».

L’accompagnement technique mais aussi social et humain peut beaucoup aider. Les stages et les espaces-test permettent de se former efficacement en approchant la réalité du terrain. La plateforme Devenir éleveur, mise en place en 2017, est une mine d’informations sur le métier. Un groupe de travail dédié à la communication sur le métier d’éleveur va également être mis en place.

Pas de pression mais peu de soutien

Contrairement aux jeunes éleveurs qui s’installant dans la ferme familiale, les Nima ne subissent pas de pression familiale supplémentaire. Certains témoignent plutôt d’un manque de soutien de la part de leur entourage - « Quand on parle du projet, on nous répond qu’il faut être fou pour aller là-dedans » - ou des organismes auxquels ils font appel. Un éleveur s’étant tourné vers Pôle emploi observait par exemple qu’« ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais changer de métier ». Beaucoup de nouveaux installés déplorent aussi le coût élevé de l’installation comparé aux repreneurs familiaux qui héritent d’un capital. Les femmes évoquent une difficulté supplémentaire pour s’installer. Pour certaines d’entre elles, « c’est la double peine ». Néanmoins, le nombre de cheffes d’exploitation et associées ne cesse d’augmenter de même que la proportion de femmes dans l’enseignement agricole.

Rapport d’étude sur les Nima

L’étude de 82 pages sur Les personnes non issues du milieu agricole : le futur du renouvellement des générations en élevage ? est à télécharger sur idele.fr.

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