Les agneaux de lait valorisés dans les Pyrénées
Le Gaec Etcheberria, à Olaiby dans le Pays basque, valorise les agneaux de ses brebis laitières grâce à l’appellation Agneau de lait des Pyrénées.
Pierre Couillet, 32 ans, a repris il y a dix ans la ferme familiale. Son troupeau de 330 brebis laitières Manech tête rousse répond à deux appellations complémentaires des Pyrénées : l’Appellation d’origine protégée ossau-iraty et l’Indication géographique protégée Agneaux de lait des Pyrénées. Ses parents, encore présents sur l’exploitation de 80 ha, étaient déjà engagés en label rouge. « Après un BTS, j’ai travaillé deux ans au contrôle laitier, ce qui m’a permis de voir d’autres modèles d’exploitation, avant de reprendre la ferme familiale en m’installant en Gaec avec mes parents », situe Pierre Couillet.
L’Agneau de lait des Pyrénées, IGP et label rouge, permet aux éleveurs des Pyrénées-Atlantiques de mieux valoriser les agneaux des brebis laitières. « La particularité de cet agneau, c’est qu’il est nourri exclusivement au lait de sa mère, donc par tétée, atteste Pierre Couillet. C’est un produit de qualité et fin, apprécié par les grands chefs. Une fois les agneaux vendus, le lait de nos brebis est livré pour la fabrication du fromage AOP ossau-iraty ». La production laitière reste la priorité sur l’exploitation. « L’agneau de lait demande moins de travail mais ne représente que 20 à 25 % du revenu des exploitants, clarifie David Carpentier, animateur de l’Areovla (Association régionale des éleveurs ovins viande et lait d’Aquitaine), organisme de défense et de gestion pour l’Agneau de lait des Pyrénées. La priorité pour les éleveurs reste la production laitière ».
Un agneau vendu entre 15 et 45 jours
La mise en reproduction, en insémination artificielle et monte naturelle, débute au mois de juin sur le Gaec. « On fait échographier nos brebis et on laisse les béliers jusqu’à début novembre, détaille Pierre Couillet. Les mises bas commencent à partir du 25 octobre en général ». Juste après leur mise bas les mères sont isolées un temps avec leurs petits en cage individuelle pour s’assurer de la tétée. Comme l’exige le cahier des charges de l’IGP Agneau de lait des Pyrénées, ces derniers ne reçoivent aucun traitement, antibiotique ou autre. Les mères, quant à elles, sont à l’herbe toute l’année. Les brebis sont traites de fin novembre à fin juillet, deux fois par jour en période pleine. « Pour les tarir, on espace les traites de plus en plus, ajoute Pierre Couillet. Et une fois taries, elles restent à l’herbe. Nous ne réalisons pas de transhumance ». Le Gaec Etcheberria consomme au maximum les aliments autoproduits. L’éleveur, qui utilise Isagri pour tout gérer informatiquement de la traçabilité des agneaux à la compta en passant par la gestion de l’assolement, achète seulement des concentrés et du foin de luzerne et du foin de vesce (titaro) pour l’apport en azote.
« Si tout se passe bien, les agneaux de lait sont vendus à quinze jours, établit Pierre Couillet. Le premier lot d’agneaux part quand une trentaine de mères sont prêtes pour la traite ». L’AOP ossau-iraty impose une attente de vingt jours entre l’agnelage et le début de la traite. Donc l’alimentation au pis des agneaux de lait des Pyrénées coïncide bien avec les exigences de l’AOP. « Les agneaux ne sont que du plus pour nous car on est déjà engagé en AOP, explique Pierre Couillet. L’AOP est déjà très contraignante, donc on n’a pas plus d’efforts à fournir. Et moralement, nous ne voulons pas envoyer nos agneaux à l’engraissement à une semaine ». David Carpentier précise d’ailleurs que presque tous les éleveurs de l’IGP Agneau de lait des Pyrénées sont aussi engagés en AOP ossau-iraty, hormis 4 %. « Les deux ensemble sont assez logiques, on a une bonification du prix sur le lait, et une bonification des agneaux sur laquelle on travaille », présente David Carpentier.
Des pères différents entre agnelles de renouvellement et agneaux de lait
Pierre Couillet est actif dans la filière agneaux de lait. Il livre ses agneaux à la coopérative Lur Berri et préside la section ovine de celle-ci. Il accompagne aussi les voyages jeunes éleveurs de la coopérative. Il réalise avec l’organisme de défense et protection Areola une expérience sur l’intérêt économique pour les éleveurs de pratiquer le croisement entre brebis Manech et béliers de race à viande, Berrichon et Montagne Noire. « On souhaite comparer les agneaux de race pure et ceux croisés sur la croissance, la qualité de la viande, le rendement et ainsi montrer les avantages des croisements », explique David Carpentier. « On voit déjà sur nos petits croisés qui naissent qu’ils sont plus vigoureux et montent plus vite au pis », ajoute Pierre Couillet. Les agnelles de renouvellement, quant à elles, sont de race pure Manech tête rousse, descendantes d’insémination ou de bons béliers de la ferme. « On conserve 80 agnelles de renouvellement, précise Pierre Couillet. Elles sont sevrées autour de quarante jours. Et à six mois on les sépare vers un autre site, où elles apprennent à se gérer seules et à pâturer. »
Mieux valoriser en réorientant le marché
Le groupement ovin de la coopérative Lur Berri (Aicirits, 64) comprend 180 éleveurs engagés en IGP Agneau de lait des Pyrénées et fait abattre autour de 5 000 agneaux sous label par an. Il existe trois autres coopératives sous label : Axuria (Mauléon), Caoso (Idaux Mendy) et AOBB (Oloron Sainte Marie). L’Espagne représente actuellement le principal marché pour l’agneau de lait, avec un pic de vente majeur à l’occasion des fêtes de Noël. Les prix au kilo vif peuvent monter jusqu’à 3,50 € à cette période de l’année. « Le problème, c’est que le marché est très spécifique à Noël en Espagne, soulève David Carpentier. Tous les agneaux nés trop tard sont vendus à des prix cassés autour de deux euros le kilo. En plus, l’Espagne importe les agneaux vifs et ne les certifie pas en IGP, ce qui nous pose un problème de reconnaissance ». Sur les 150 000 agneaux conformes IGP par an, seulement 21 000 sont vendus sous label. 80 % des agneaux du bassin de production partent en Espagne. L’ODG Areovla souhaiterait réorienter les ventes vers le marché français pour étaler les ventes dans l’année et assurer une meilleure valorisation de l’IGP. « Mais on cherche à mieux se faire connaître localement, à démarcher de nouveau clients et étaler la demande », conclut David Carpentier.
Avis d’expert : David Carpentier, animateur de l’Association régionale des éleveurs ovins viande et lait d’Aquitaine
« Nous allons élargir l’appellation en IGP Agneau des Pyrénées »
« Créée en 1983, l’ODG Areovla défend l’Agneau de lait des Pyrénées et l’Agneau du Périgord. Une IGP permet de réserver un nom à un produit spécifique. Pour le moment, les éleveurs d’agneaux lourds dans les Pyrénées n’ont pas le droit d’utiliser le nom Pyrénées sur leur produit. Quand on a commencé les procédures pour le label Agneau de lait des Pyrénées, les éleveurs d’agneaux lourds souhaitaient aussi une IGP. Il a été décidé alors qu’ils seraient intégrés plus tard à l’IGP. Depuis son obtention en 2012, on travaille avec l’INAO pour agrandir l’IGP Agneau de lait des Pyrénées en Agneau des Pyrénées. Ce label rassemblerait deux produits totalement différents sous une même IGP, ce qui pose des difficultés au niveau européen. Le dossier a été très compliqué, avec la difficulté de mettre des règles pour les deux produits et chaque modification du cahier des charges devait être justifiée. On arrive enfin au bout de cette étape, on dépose le dossier définitif en janvier. Après être passée devant les commissions de l’INAO et de Bruxelles, l’IGP s’appellera Agneau des Pyrénées et comprendra un agneau lourd et un agneau de lait. »
L’Agneau de lait des Pyrénées en bref
Label rouge en 1992 et IGP en 2012, l’Agneau de lait des Pyrénées rassemble 720 éleveurs sur le bassin laitier des Pyrénées-Atlantiques. L’agneau est abattu entre 15 et 45 jours, à poids vif de 8 à 10 kg. L’agneau est nourri exclusivement au lait de la mère par tétée au pis. Aucun traitement n’est autorisé sauf homéopathique. Les mères, races Basco-béarnaise, Manech tête noire ou Manech tête rousse, doivent être au pâturage pendant au moins huit mois avec une complémentation alimentaire limitée.