Revenu : « Nous maximisons les produits de l’atelier laitier sur notre élevage de Haute-Loire »
Le Gaec de Saint Denis, en Haute-Loire, a fait le choix de la valeur ajoutée plutôt que du volume, en misant sur les taux et la qualité du lait. À la clé, une bonification de 32 €/1 000 l du prix du lait, en moyenne sur les trois dernières campagnes.
Le Gaec de Saint Denis, en Haute-Loire, a fait le choix de la valeur ajoutée plutôt que du volume, en misant sur les taux et la qualité du lait. À la clé, une bonification de 32 €/1 000 l du prix du lait, en moyenne sur les trois dernières campagnes.
« Depuis notre installation en 1995 sur la ferme familiale, le nombre de vaches laitières est resté inchangé, signale Daniel Guignand, en Gaec avec son frère Joël, en zone de semi-montagne à 850 mètres d’altitude au sud-ouest de Saint-Étienne. Notre bâtiment comporte cinquante logettes et nous n’avons jamais cherché à monter au-delà. »
Bridés par le bâtiment mis aux normes en 2000, les éleveurs ont préféré mettre le cap sur la recherche de valeur ajoutée. « Nous cherchons à valoriser du mieux possible tous les produits qui sortent de la ferme, à commencer par le lait », expose l’éleveur. En moyenne sur les trois exercices précédents, la plus-value liée à l’incidence qualité se chiffre à plus de 32 €/1 000 l en moyenne, avec des prim’Holstein.
Fiche élevage
2 UMO
100 ha de SAU dont 22 ha de triticale, 15 ha de maïs ensilage, 63 ha de prairies
473 863 l
TB-TP 44,8 g/l - 34,4 g/l
51 prim’Holstein à 9 237 l
1,05 UGB/ha
460 porcs engraissés par an
La rentabilité de l’atelier lait du Gaec de Saint Denis | |||
Résultats économiques du 01/01/2023 au 31/12/2023 | |||
Produits | 324 794 € | Charges | 188 412 € |
Recette lait | 218 893 € | Charges opérationnelles | 93 640 € |
Vente d'animaux | 44 728 € | dont alimentation vaches | 43 739 € |
Achats d’animaux | -1 400 € | alimentation génisses | 9 612 € |
Variation inventaire animal | 7 420 € | frais d’élevage | 24 510 € |
SFP | 12 676 € | ||
Aides complémentaires directes (ABL, ICHN...) | 34 382 € | Charges de structure hors amortissements | 94 772 € |
Aides découplées | 20 771 € | dont main-d’œuvre | 17 650 € |
foncier | 7 371 € | ||
mécanisation | 39 978 € | ||
eau - gaz - électricité | 11 845 € | ||
assurances | 10 697 € | ||
frais généraux | 7 231 € | ||
EBE : 136 382 € | |||
Approche comptable | Approche trésorerie | ||
Amortissements | 33 810 € | Annuités | 40 051 € |
Frais financiers | 3 120 € | Frais financiers CT | 0 € |
Résultat courant | 99 452 € | Revenu disponible | 96 331 € |
Source : BTPL |
Avec un TB à 48 g/kg et un TP à 36,9 g/kg, pour une production de 28 l/j à 190 jours de lactation, les derniers résultats mensuels ne démentent pas les performances du Gaec en matière de taux. « Depuis l’ouverture du nouveau silo d’ensilage d’herbe, nous avons retrouvé d’excellents taux », se réjouit Daniel. L’explication tient avant tout à la qualité des fourrages, et plus particulièrement à celle de l’ensilage d’herbe qui affiche une valeur de 0,98 UFL/kg cette année et 15 % de MAT, et s’avère très appétent. Il intègre la ration des laitières à hauteur de 10,5 kg MS, auxquels s’ajoutent 7 kg de maïs ensilage, 2 kg de triticale broyé, 1 kg de maïs grain, 2 kg de tourteau de soja et 1 kg de tourteau de colza. Les vaches reçoivent une complémentation individuelle au DAC.
Des rumens qui fonctionnent bien
Principal fourrage du régime, l’ensilage d’herbe apporte de l’énergie sous forme de sucres et de parois très digestibles, qui fournissent respectivement de l’acide butyrique et acétique, favorables à la synthèse de TB dans la mamelle. En limitant le maïs ensilage à moins de 9 kg MS, la ration ne dépasse pas 14 à 16 % d’amidon, ce qui limite le risque d’acidose et les chutes de TB. Mais encore faut-il disposer d’un ensilage d’herbe de qualité pour ne pas trop déconcentrer la ration. C’est le cas au Gaec de Saint Denis, où les premières coupes d’ensilage d’herbe sortent régulièrement à plus de 0,90 UFL/kg MS, entre 14 et 15 % de MAT, avec une matière sèche de 33-35 %. « Nous fauchons de l’herbe jeune, décrit Daniel. L’avantage, c’est que nous disposons d’une ensileuse en Cuma, une New Holland FX 300 de 25 ans. Comme nous ne sommes plus que deux exploitations à l’utiliser, c’est beaucoup plus souple pour profiter des bons créneaux et favoriser une récolte de qualité. »
Les éleveurs accordent également une grande vigilance au tassage du silo avec en permanence deux tracteurs sur le tas lors de la confection. « Nos silos sont assez longs et pas très hauts. Nous veillons à tout mettre en œuvre pour assurer une qualité homogène d’un bout à l’autre », avance Daniel en précisant qu’un conservateur biologique à base de bactéries lactiques est systématiquement appliqué pour éviter l’inappétence du fourrage.
Une sélection génétique de longue date sur les taux
Si l’alimentation constitue le principal levier pour faire des taux, la voie génétique y contribue aussi en partie. Parmi les critères de sélection du Gaec, les taux se partagent le podium aux côtés de la mamelle et des aplombs. Aucun taureau négatif en taux n’est employé et les vaches sont toutes génotypées pour favoriser également la sélection sur la voie femelle. « Au sein de chaque lignée, nous observons une amélioration au niveau des taux. » Le troupeau affiche un index TB à 41,6 et TP à 32,7 pour une moyenne Prim’Holstein France à 40,7 de TB et 32 de TP.
Une année fort pénalisée par les butyriques
La recherche d’un meilleur prix du lait passe évidemment aussi par une exigence forte en termes de qualité sanitaire du lait livré. « Nous faisons de notre mieux pour ne pas nous trouver pénalisés et empocher l’intégralité des primes qualité, argue Daniel. Mais sans pour autant nous imposer une hygiène de traite drastique. »
Le Gaec effectue un moussage en prétrempage, suivi d’un essuyage des trayons à la laine de bois et un post-trempage. « Nous ne tirons pas les premiers jets, sauf si je remarque des grumeaux au niveau du filtre situé entre la pompe à lait et le tank. Je le vérifie après chaque traite, c’est un bon indicateur qui nous permet d’être réactifs à la moindre alerte », considère l’éleveur. Le filtre est lavé dans le bac de lavage à chaque traite et changé toutes les semaines.
Une incidence qualité de 32,4 €/1 000 l - Qualité et prix du lait au Gaec de Saint Denis | |||
2021 | 2022 | 2023 | |
TB (g/l) | 47,1 | 44,8 | 43,7 |
TP (g/l) | 35,4 | 34,4 | 33,9 |
Leucocytes (x 1 000) (/ml) | 172 | 155 | 140 |
Butyriques (/l) | 284 | 189 | 690 |
Germes (x 1 000) (/ml) | 20 | 12 | 10 |
Prix payé (€/1 000 l) | 393,6 | 460,3 | 479,3 |
dont incidence qualité | 38,9 | 30,3 | 28,1 |
incidence TB | 19,1 | 15,6 | 14,4 |
incidence TP | 15,4 | 12 | 10,5 |
incidence leucocytes | 0 | 0 | 0 |
incidence butyriques | 0 | 0 | - 0,7 |
incidence autres qualités | 4,4 | 2,7 | 3,9 |
Total incidence qualité sur volume livré | 17 362 € | 14 345 € | 13 526 € |
dont primes contrôle laitier et Route du lait | 2,2 € | 3,5 € | 3 € |
Source : BTPL |
Les efforts à la traite payent mais la base reste la qualité des fourrages. « D’habitude, nos pratiques nous permettent de bien nous en sortir mais l’an dernier, pour la première fois, nous avons été pénalisés neuf mois sur douze en butyriques », déplore-t-il. En cause : les conditions de récolte exécrables de l’ensilage d’herbe 2023. « À partir du moment où nous avons ouvert ce silo, la sanction est tombée avec une pénalité de 9 €/1 000 l. » Il a fallu venir à bout du silo pour enrayer cette pénalité liée aux butyriques.
Avoir un creux de fin d’été le moins marqué possible
« Côté saisonnalité, la laiterie Sodiaal ne propose pas de dispositif spécifique très incitatif, estime Daniel. Et puis de toute façon, nous ne disposons pas de beaucoup de marge de manœuvre du fait du nombre limité de places en bâtiment. » Le Gaec tâche surtout de limiter le creux de fin d’été en étalant les vêlages et de profiter de prix généralement plus rémunérateurs à cette période de l’année. En 2024 et 2023, 24 % du lait des douze mois glissants a été livré sur août-septembre et octobre, et 26 % en 2022.
Avis d’expert : Michel Deraedt du BTPL
« 10 €/1 000 l de plus que le groupe en qualité »
« Le Gaec se distingue par de très bons taux. Ces derniers sont favorisés par une ration qui associe des ensilages de maïs et d’herbe de qualité, mais aussi par une sélection génétique sur la matière utile du lait depuis de longues années. Associée à l’exigence de qualité sanitaire, cette stratégie porte ses fruits et montre qu’il est possible de produire des taux même avec un niveau de production élevé. L’incidence qualité du Gaec se chiffre à 32 €/1 000 l en moyenne sur trois ans, soit 10 €/1 000 l de mieux que le groupe Ecolait Sodiaal Sud Est, composé de 20 élevages pourtant majoritairement en race montbéliarde alors que le troupeau du Gaec est composé de prim’Holstein. Le Gaec tire aussi son épingle du jeu avec un coproduit viande de 36 € supérieur au groupe, grâce à sa stratégie de croisement, au débouché local et à un taux de mortalité très faible sur les vaches et les veaux, seulement 1,7 % de pertes en moyenne sur 7 ans. »
Le coproduit viande booste aussi le revenu
Le Gaec valorise le coproduit viande issu du troupeau laitier, auprès d’un boucher local. La moitié des vaches sont inséminées en croisement avec de la semence charolaise. élevés à la poudre de lait au DAL, les veaux mâles croisés sont vendus autour de 300 €. Les femelles croisées, sevrées à 55 jours, reçoivent du foin et du concentré à base de triticale, maïs grain et tourteau de colza, puis partent au pâturage jusqu’à 2 ans. Elles sont finies deux mois avec la ration des laitières. « Nous avons vendu 10 génisses grasses l’an dernier à 1 711 € de moyenne », indique Daniel. Le Gaec élève aussi une douzaine de veaux gras par an, valorisés 948 € par tête en 2023, et engraisse les réformes, valorisées 1 318 €.