Pesticides sur la plaine d’Aunis : la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime demande « une étude scientifiquement reconnue »
Dans un communiqué du 18 octobre, la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime appelle à « une étude scientifiquement reconnue » en réponse à une enquête citoyenne révélant des traces de pesticides dans l’urine et les cheveux d’enfants dans des communes de la plaine d’Aunis, près de La Rochelle.
Dans un communiqué du 18 octobre, la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime appelle à « une étude scientifiquement reconnue » en réponse à une enquête citoyenne révélant des traces de pesticides dans l’urine et les cheveux d’enfants dans des communes de la plaine d’Aunis, près de La Rochelle.
- Une enquête relève des traces de pesticides dans les urines et cheveux de 72 enfants
- Une association créée en 2018, sur fond de cancers pédiatriques
- Quels sont les pesticides retrouvés dans les urines des enfants testés ?
- La Chambre d’agriculture de Charente-Maritime demande le détail de l’enquête
- Les agriculteurs pas « responsables de la dangerosité des produits autorisés qu’ils utilisent », répond l’association
« Pour mettre un terme à ce climat de suspicion qui accentue un peu plus chaque jour le mal-être de la profession agricole, nous souhaiterions avoir les résultats d’une étude scientifiquement reconnue », déclare Cédric Tranquard, président territorial de la Chambre d’agriculture de la Charente-Maritime, dans un communiqué du 18 octobre. Dans un courrier rendu public, l’association à l’origine de l’enquête affirme n’avoir « jamais montré du doigt les agriculteurs » dans ses prises de parole.
Une enquête relève des traces de pesticides dans les urines et cheveux de 72 enfants
Ces réactions font suite aux récentes découvertes, relayées par Franceinfo et le journal Le Monde, de traces de différents pesticides dans les urines et cheveux de 72 enfants. Ces derniers ont été testés dans le cadre d’une enquête citoyenne, réalisée dans les communes de la plaine agricole d’Aunis, près de La Rochelle. L’augmentation des cas de cancers pédiatriques depuis 2008 dans les communes de Périgny et Saint-Rogatien, inquiète les habitants de la région.
En 2018, le service d’oncologie pédiatrique du CHU de Poitiers avait signalé « un nombre anormalement élevé de leucémies infantiles survenues en moins de 10 ans dans la commune de St Rogatien en Charente-Maritime ». Dans ce contexte, l’association locale Avenir Santé Environnement a lancé une enquête citoyenne en février 2024. Les résultats, dont Le Monde et Franceinfo ont eu accès, ont été présentés le 12 octobre lors d’une soirée de restitution.
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Une association créée en 2018, sur fond de cancers pédiatriques
L’association Avenir Santé Environnement est une association située à Périgny en Charente-Maritime. Elle a été créée en 2018 « suite à la déclaration de la maladie de Pauline », une adolescente de la commune de Saint-Rogatien qui décèdera l’année suivante de son cancer. Aussi, depuis l’annonce de la maladie de la jeune, une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le registre des cancers de Poitou-Charentes se penche sur les cas de cancers pédiatriques à Saint-Rogatien et à Périgny. Selon les informations du Monde et de Franceinfo, « le nombre de cas est passé de six lors de la première publication de l'étude, qui couvrait la période 2008-2015, à dix cas pour la période 2008-2020. » Les deux médias ont aussi identifié « au moins cinq autres cas de cancers pédiatriques, dont deux à Périgny ».
Le « projet citoyen de recherche » lancé en février 2024
C’est dans ce contexte qu’Avenir Santé Environnement avait lancé février 2024 son « projet citoyen de recherche » afin de recenser les polluants auxquels les enfants de six communes de l’agglomération de la Rochelle pouvaient être exposés. Les inscriptions avaient été ouvertes à 70 enfants, qui ont dû par la suite transmettre des prélèvements d’urine et de cheveux. D’après Franceinfo, l’association a fait analyser ces échantillons « par le laboratoire public d'un CHU homologué pour ce type d'analyses ». L’analyse des résultats a été confiée à Laurence Huc, toxicologue en santé humaine à l’Inrae. Lors de la présentation de l’enquête en février, les représentants d’Avenir Santé Environnement précisaient qu’ils ne sont « ni scientifiques, ni médecins », et qu’ils « aimeraient que le sujet puisse être repris par chercheurs dans des études scientifiques ».
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Quels sont les pesticides retrouvés dans les urines des enfants testés ?
Parmi les substances chimiques retrouvées dans les urines et cheveux des enfants testés, certains pesticides ont été identifiés. C’est le cas du phtalimide, « détecté dans les urines de plus de 15 % des enfants » explique Le Monde. « Cette molécule est le produit de la dégradation du folpel, un fongicide classé cancérogène, mutagène, et reprotoxique possible par l’Agence européenne des produits chimiques ». Dans 20 % des prélèvements capillaires a été retrouvé la pendiméthaline, un « herbicide très utilisé pour les cultures céréalières » que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) « associe à des risques de cancer (pancréas et colorectal) », selon le journal.
Des traces d’atrazine, de dieldrin, et d’acétamipride retrouvés
Les résultats ont aussi mis en évidence la présence de pesticides interdits d’utilisation dans les échantillons. Toujours selon Le Monde, des traces d’atrazine, « herbicide interdit depuis 2004 en raison de son potentiel perturbateur endocrinien et neurotoxique », ont été retrouvées. Tout comme pour le dieldrin, « un insecticide interdit depuis les années 1970 en raison de son potentiel cancérogène mais très persistant dans l’environnement ». Mais certains pesticides moins persistants dans l’environnement ont aussi été identifiés. C’est le cas de l’acétamipride et de son métabolite, retrouvés dans les urines de 17 % des enfants. Ce néonicotinoïde, « dont les effets neurotoxiques pour le développement du cerveau sont signalés depuis 2013 par l’EFSA », indique Le Monde, est interdit d’utilisation depuis 2018 en France.
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La Chambre d’agriculture de Charente-Maritime demande le détail de l’enquête
Dans son communiqué, la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres reproche à l’association de n’avoir toujours pas communiqué « les substances décelées dans les prélèvements […], les modalités de l’étude [et] les taux précisément retrouvés ».
On jette le discrédit sur toute une profession et on lui fait porter la responsabilité écrasante de terribles drames humains
« Cela rend impossible une analyse fine de l’origine de ces substances », explique la Chambre. Son président territorial, Cédric Tranquard, indique « partager l’inquiétude des citoyens quant à la santé des enfants », mais regrette « que le monde agricole soit d’office désigné coupable ». « On jette le discrédit sur toute une profession et on lui fait porter la responsabilité écrasante de terribles drames humains », proteste-t-il.
La Chambre d’agriculture regrette que “le monde agricole soit d’office désigné coupable”
Pour Cédric Tranquard, les agriculteurs de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres « exercent leur métier avec professionnalisme et rigueur, dans un cadre très réglementé, suivi et contrôlé », et sont accompagnés par la Chambre « vers des pratiques intégrant un usage raisonné des produits phytosanitaires ». « Les résultats d’une étude scientifiquement reconnue » sont donc attendus par la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, afin de « mettre un terme à ce climat de suspicion qui accentue un peu plus chaque jour le mal-être de la profession agricole ».
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Les agriculteurs pas « responsables de la dangerosité des produits autorisés qu’ils utilisent », répond l’association
Le 20 octobre, Avenir Santé Environnement a répondu au président Cédric Tranquard dans un courrier rendu public. L’association indique que les résultats de l’enquête seront rendus publics après ses rendez-vous avec l’ARS de Nouvelle-Aquitaine et avec la Préfecture de la Charente-Maritime.
Aucune des prises de paroles n'incrimine la profession agricole contrairement à ce que laissent penser certains médias
Et d’ajouter qu’« aucune des prises de paroles [de l’association] n’incrimine la profession agricole contrairement à ce que laissent penser certains médias ». Les agriculteurs n’ont « jamais [été] tenus responsables de la dangerosité des produits autorisés qu’ils utilisent », déclare Avenir Santé Environnement, qui « reste à disposition pour échanger » avec la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.