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Résidus de pesticides dans l’eau potable, que dit le rapport de l’Anses ?

La dernière campagne du laboratoire d’hydrologie de l’agence sanitaire révèle la présence d’un métabolite du Chlorothalonil au-dessus d’un seuil de qualité dans un prélèvement d’eau de consommation sur trois en France.

eau du robinet
© Pixabay

[Mis à jour le 7 avril à 10h45 avec la réaction du cabinet de Marc Fesneau]

Un métabolite du Chlorothalonil (le Chlorothalonil R471811) a été retrouvé dans un prélèvement d’eau potable sur deux et dans des quantités dépassant la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois, révèle un rapport de l’Anses publié ce jour.

Ce rapport compile les données de la dernière campagne du laboratoire d’hydrologie de l’Agence sanitaire à Nancy. Une campagne ayant porté sur la recherche de 157 pesticides et métabolites de pesticides, 54 résidus d’explosifs et un solvant (le 1,4-dioxane) dans des prélèvements d’eaux brutes et traitées réalisés sur tout le territoire français.


87 pesticides et résidus détectés dans les eaux brutes

Parmi les 157 pesticides et métabolites de pesticides recherchés, 87 ont été détectés au moins une fois dans les eaux brutes et 77 dans les eaux traitées.

Parmi les 7 composés « émergents » ayant conduit à des dépassements de la limite de qualité de 0,1 µg/litre, un cas a retenu l’attention des scientifiques : le métabolite Chlorothalonil R471811.
 

Le Chlorothalonil recherché depuis qu'il a été retrouvé dans l'eau en Suisse

L’Anses rappelle que ce métabolite (composant issu de la dégradation des produits phytopharmaceutiques) a été considéré comme un métabolite pertinent par précaution en 2021, « par manque de données à l’issue d’un travail d’expertise de l’agence ».

Ce métabolite a été inclus dans cette campagne suite à la publication en 2019 de données suisses indiquant qu’il était fréquemment retrouvé dans les eaux de consommation en Suisse.


Un fongicide interdit depuis 2020

« Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du Chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020 », souligne l’Anses. Ce fongicide était utilisé pour le blé et l’orge, le pois, la pomme de terre ou encore des légumes de plein champ. En 2016, 1710 tonnes de Chlorothalonil avaient été vendues en France.

La Commission européenne n'avait pas renouvelé en 2019 l'autorisation du Chlorothalonil, commercialisé par l'allemand Syngenta, et la France avait accordé un délai de grâce jusqu'en mai 2020 pour l'écoulement des stocks du produit, rappelle l’AFP.  Bruxelles soulignait alors qu'il était « impossible à ce jour d'établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n'aura pas d'effets nocifs sur la santé humaine ». La Commission citait les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), qui estimait que le chlorothalonil "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé". L'Anses avait repris cette argumentation dans une note l'an dernier, rappelant que des études sur le chlorothalonil avaient identifié des "tumeurs rénales chez le rat et la souris".

Les métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années

« Ces résultats attestent qu’en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus », conclut l’Agence dans son rapport indiquant par ailleurs qu’un autre métabolite du chlorothalonil a été retrouvé avec une concentration supérieure à 0,1 µg/litre dans environ 3% des échantillons.

L’Anses souligne aussi qu’un autre métabolite de pesticide, évalué comme non pertinent en 2022, le métolachlore ESA a été retrouvé dans plus de la moitié des échantillons, moins de 2% d’entre eux dépassant la valeur de gestion de 0,9 µg/litre.
 

La Bretagne et les Hauts-de-France, les plus touchées

Les résultats diffèrent selon les régions. La totalité des eaux brutes et eaux traitées prélevées en Bretagne et dans les Hauts de France contiennent au moins un pesticide ou métabolite. Ces deux régions présentent également des fréquences de non-conformités élevées en eaux traitées : 92% en Bretagne et 76% en Hauts de France.

Dans son rapport l’Anses rappelle que la contamination des ressources en eau par les pesticides et leurs métabolites est liée à leur entrainement par ruissellement ou par infiltration vers les eaux de surface et souterraines. Un transfert influencé par leurs propriétés physico-chimiques (solubilité dans l’eau, stabilité), par la nature des sols ou encore par la pluviométrie.

 

Pas de risque sanitaire, tempère le cabinet de Marc Fesneau

« À ce stade, la campagne exploratoire de l’Anses, qui portait sur les années 2020 et 2021, a mis en évidence des concentrations maximales de 2µg/L. La valeur sanitaire transitoire permettant de prévenir d’un risque sanitaire étant de 3µg/L, les eaux prélevées et analysées sont ainsi non conformes mais ne présentent pas de risque sanitaire », réagit le cabinet du ministre de l’Agriculture.

Le cabinet signale que dans ce contexte, le ministère de la Santé va toutefois mettre en place, sous la conduite des ARS, des mesures plus régulières, à partir de 2023, du Chlorothalonil et de ses métabolites.

Se préparer le plus tôt possible à la sortie de l'usage des pesticides

Les résultats de ce rapport « imposent d’intensifier les mesures de protection des zones de captage, de les adapter et les différencier en fonction des spécificités territoriales, comme annoncé par le Président de la République dans le « Plan Eau » », poursuit le cabinet.

« Le travail scientifique mené par l’Anses, y compris dans le présent rapport, invite les acteurs concernés à se préparer le plus tôt possible à la sortie de l’usage des pesticides. Il s’agit de prendre les devants, afin que les agriculteurs ne se retrouvent pas dans des impasses techniques et économiques, à l’instar des situations récentes du S-métolachlore ou des néonicotinoïdes, qui conduisent in fine à devoir augmenter notre dépendance agricole, y compris à des produits issus d’une agriculture écologiquement moins vertueuse », poursuit le cabinet de Marc Fesneau.

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