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Elections aux chambres d’agriculture : que retenir du débat entre les syndicats agricoles ?

A quelques heures du lancement des votes pour l’élection aux chambres d’agriculture 2025, Arnaud Rousseau (FNSEA), Pierrick Horel (Jeunes agriculteurs), Véronique Le Floc’h (Coordination rurale) et Laurence Marandola (Confédération paysanne) ont accepté de débattre le 13 janvier sur LCP. Retrouvez les principaux verbatims.

Pierrick Horel, Arnaud Rousseau, Véronique Le Floc'h et Laurence Marandola débattant sur LCP.
Pierrick Horel, président des Jeunes agriculteurs, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, Véronique Le Floc’h, président de la Coordination rurale et Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, lors du débat organisé le 13 janvier sur LCP.
© Capture d'écran LCP

C’est inédit pour la première fois, les représentants nationaux des quatre principaux syndicats agricoles ont accepté de débattre le 13 janvier sur LCP dans le cadre des élections aux Chambres d’agriculture 2025 dont les votent débutent ce 15 janvier. Véronique Le Floc’h, président de la Coordination rurale, Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et Pierrick Horel, président des Jeunes agriculteurs ont ainsi joué le jeu dans cette émission réalisée en partenariat avec les groupes de presse quotidienne régionale Ebra et Ouest France.

A travers les différents thèmes abordés ont pu s’exprimer les similitudes et les différences entre les programmes et positionnements des différents syndicats agricoles, FNSEA et JA s’étant partagé le temps de parole car se présentant sur une liste commune.

Lire aussi : Elections aux chambres d’agriculture 2025 : pourquoi, quand et comment voter ?

 

Avis nuancés suite à la rencontre avec François Bayrou

Qu’ont pensé les syndicats agricoles de leur rencontre le 13 janvier avec François Bayrou ? Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, dit « ne pas avoir entendu grand-chose de nature à répondre aux difficultés profondes du monde agricole ? » si ce n’est la création d’un fonds de soutien pour les agriculteurs mahorais au-delà des 1000 euros par agriculteur déjà évoqué. Pour Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, « le Premier ministre est apparu comme éloigné de la réalité du terrain, avec une ignorance totale par rapport à l’OFB et aux difficultés sanitaires ». Seul point positif, selon elle : « il a donné sa parole pour aller vers un alignement de la réglementation française avec la réglementation européenne ». 

Le Premier ministre est apparu comme éloigné de la réalité du terrain

« On a trouvé un Premier ministre à l’écoute et il y a tout intérêt car le secteur demeure en crise », s’exprime pour sa part Pierrick Horel, président des Jeunes agriculteurs. « Ca fait quatre fois en un an que l’on vient dans ce bureau (de Matignon, ndlr) avec les mêmes demandes », complète Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, qui indique attendre des réponses concrètes avant le salon de l’agriculture.

Lire aussi : Rencontre avec François Bayrou : « On veut des réponses d’ici le salon de l’agriculture » prévient Arnaud Rousseau

 

Un duel FNSEA-Coordination rurale ?

Cette élection aux chambres d’agriculture se présente-t-elle comme un référendum contre la FNSEA ? A cette question posée par la journaliste Myriam Encaoua, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, attaque directement Arnaud Rousseau, le remerciant ironiquement d’avoir permis aux mobilisations d’éclater avec la négociation des hausses de taxes sur le GNR (avec compensations) en 2023. « C’est un référendum car chacun doit choisir s’il veut continuer dans ce modèle au bilan pas réjouissant », poursuit-elle évoquant la disparition de 100 000 exploitations agricoles en dix ans ou encore la fermeture d’un tiers des abattoirs.

La colère n'est pas un projet

« Il n’y a pas un modèle mais des modèles en agriculture. Ce qui nous intéresse c’est de trouver des solutions concrètes, la colère n’est pas un projet », répond Arnaud Rousseau qui rappelle que toutes les productions et territoires sont représentées à la FNSEA. 

Laurence Marandola, de la Confédération paysanne, déplore un « mode de scrutin non démocratique » aux chambres d’agriculture (« 50% des parts sont raflées par celui qui arrive en tête ») et refuse l’idée qu’il y aurait « un gagnant et un challenger ». Dans ces « élections de la dernière chance », la Confédération paysanne espère emporter 10 chambres pour « accompagner tous les modèles d’agriculture ».

Lire aussi : Elections aux Chambres d’agriculture : la Confédération paysanne pense « créer la surprise » et récupérer 10 départements

 

Quel point de vue sur le commerce agricole ?

Pour ou contre les accords de libre-échange ?

La Confédération paysanne estime qu’il faut sortir de tous les accords de libre-échange, et rebâtir du commerce sur d’autres bases. Elle accuse la FNSEA de trouver ces accords acceptables en présence de clauses miroirs. « On a été très clairs, le Mercosur c’est non car pas de traçabilité, ils utilisent des modes de production interdits en Europe et ne respectent pas les accords de Paris. On affirme qu’il faut continuer à commercer mais dans des conditions de réciprocité et de contrôles » répond Arnaud Rousseau qui pointe la chute de la balance commerciale agricole française en 15 ans et met en avant « la nécessité de produire avec des standards élevées ».

Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, accuse, elle aussi, la FNSEA de « double discours insupportable », réclamant d’exclure l’agriculture de l’OMC et prônant une « exception agriculturelle » avec pourquoi pas des barrières aux frontières de l’Europe comme avant 1994.

Lire aussi : Mercosur, Egalim, normes, FCO et MHE : pour l'élevage bovins viande, quelles sont les positions des syndicats agricoles ?

Passe d’armes autour du groupe Avril

Véronique Le Floc’h ne manque pas d’attaquer Arnaud Rousseau sur le groupe Avril qu’il préside évoquant les positions du groupe au Brésil notamment. « Je préside au titre de la FNSEA le groupe Avril car il est détenu par le monde agricole et je le fais dans une entreprise qui ne verse pas de dividendes. Le groupe est présent dans 19 pays et investit en France. On assume le fait de parler de souveraineté alimentaire à l’échelle d’une vision globale », répond l’intéressé.

Lire aussi : Arnaud Rousseau répond aux critiques avant le Salon de l’agriculture

L’Ukraine doit-elle intégrer l’Europe ?

« Pour ou contre l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne », à cette question les représentants des syndicats agricoles peinent à répondre tout en partageant des inquiétudes. « Cela va redessiner la carte de l’agriculture française » répond Laurence Marandola ; « ce sera de la concurrence déloyale », tranche Véronique Le Floc’h quand Arnaud Rousseau répond plutôt oui « mais qui paye et quelle équité de traitement sur l’agriculture ? ».

Lire aussi : Syndicats agricoles : à la rencontre de quatre leaders sur leurs fermes

 

Quelles positions pour améliorer le revenu agricole ?

 

Faut-il des prix planchers ?

Sur la question du revenu agricole, les avis divergent fortement entre les différents syndicats agricoles. Pour Laurence Marandola, de la Confédération paysanne, « Egalim est un échec, et a été incapable de sanctuariser un revenu pour les agriculteurs y compris dans le lait ». Elle prône la mise en place de « prix minimum garantis » comprenant les coûts de production, un revenu équivalent au Smic et les cotisations sociales. 

Egalim est un échec, et a été incapable de sanctuariser un revenu pour les agriculteurs y compris dans le lait

Véronique Le Floc’h, de la Coordination rurale, préfère aux prix planchers (« comment aboutir à un chiffre qui conviendrait à tout le monde ? ») l’idée de mise en place d’un bouclier énergétique pour l’agriculture, d’une exonération totale de la taxe foncière non bâtie et d’une « révision du système social pour alléger le coût du travail ». Elle évoque aussi l’objectif de deux Smic de revenu pour les agriculteurs.

En tant que jeune agriculteur je ne veux pas gagner 1 ou 2 smic mais la valeur de mon travail

« En tant que jeune agriculteur je ne veux pas gagner 1 ou 2 smic mais la valeur de mon travail », répond Pierrick Horel qui affirme que la loi Egalim avec la construction du prix en avant a bouleversé 30 ans de techniques de commerce. « Les prix planchers ça ne fonctionne pas dans une économie telle qu’on l’a en Europe. Egalim n’est pas parfait mais ca a fait bouger les choses. Est-ce que c’est suffisant ? non ! », complète Arnaud Rousseau, qui s’oppose à l’idée d’aller vers des « une économie administrée ».
 

 

Opposition sur les coopératives entre la FNSEA et la Coordination rurale

Sur la question du revenu, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, met aussi en avant la nécessité d’obtenir davantage de prix au niveau des coopératives. « On veut une loi de moralisation des coopératives : est-il normal que des filiales de coopératives génèrent des dividendes qui ne redescendent pas au niveau des agriculteurs », lâche-t-elle.

On veut une loi de moralisation des coopératives 

« Je ne vous laisserai pas dire que les administrateurs de coopératives ne sont pas sérieux. On a besoin d’outils économiques. On a envie de dire à ceux qui s’engagent dans ces outils qu’ils ont du sens », s’oppose Arnaud Rousseau.

Lire aussi : Élections chambres d’agriculture 2025 : que proposent les syndicats agricoles pour les éleveurs laitiers ? 

Quelle orientation pour les aides PAC ?

Concernant les aides Pac, la Confédération paysanne défend l’idée d’une meilleure répartition des aides « alors que 30% des agriculteurs n’en touchent pas et d’autres récupèrent des subventions énormes » selon Laurence Marandola. Véronique Le Floc’h réclame quant à elle une « réforme totale de la PAC inscrite sur au moins 10 ans », avec un modèle plus calqué sur les aides contracycliques américaines. « La part des aides sur le revenu va de rien à 250% pour les producteurs ovins ou bovins, ça ne va pas », lâche-t-elle. Elle estime aussi qu’il faudrait une régulation de production et davantage abonder la réserve de crise européenne.

Pour la FNSEA et les Jeunes agriculteurs, il faut maintenir des aides à la production. « La PAC c’est la subvention de ce que les Européens ont dans leur assiette. Après on peut parler de la manière de répartir, par actif ou par hectare, mais il faut être vigilants :  les pays de l’Est ont beaucoup plus d’actifs que nous. Nous on parle de corrélation à la production. A noter que les Américains ont remis la semaine dernière 100 milliards sur l’agriculture », commente Arnaud Rousseau.

Lire aussi : Élections des chambres d’agriculture : quels programmes pour les grandes cultures ?

 

Ecologie : stop ou encore ? Que répondent les syndicats agricoles 

 

Quelle position sur les pesticides ?

Sur la thématique de l’écologie le clivage entre les syndicats agricoles apparait clairement. Pour la Coordination rurale, « les agriculteurs font déjà de l’écologie appliquée et doivent garder un côté rentable ». Elle s’oppose notamment à l’objectif de réduction de 50% des pesticides inscrit dans le Green Deal, prônant la mise en place de limites quantitatives. 

Aujourd’hui, il n’y a pas d’agriculteurs heureux de traiter à outrance

« Pas d’interdiction sans solution » martèlent de leur côté les Jeunes agriculteurs et la FNSEA. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’agriculteurs heureux de traiter à outrance. On doit avoir une vision de planification pour ne pas laisser les agriculteurs dans l’impasse », affirme Pierrick Horel.

 « La Confédération paysanne se montre plus favorable à la baisse de l’utilisation des pesticides : « la France est le deuxième pays qui a le plus d’autorisations de mise en marché en Europe », assène-t-elle, affirmant que la baisse de l’utilisation des molécules les plus dangereuses est liée à leur interdiction dans la loi. 

Lire aussi : Elections chambres d’agriculture : quels sont les programmes viticoles des syndicats agricoles ?

 

Faut-il soutenir le bio ?

Faut-il soutenir le bio ? « Je suis agriculteur en bio car je cherchais de la valeur ajoutée. Je réfléchis à la déconversion. Car aujourd’hui on est dans l’impasse », répond Pierrick Horel, président des Jeunes agriculteurs, qui affirme que l’agriculture a besoin du modèle conventionnel et bio.

Je suis agriculteur en bio car je cherchais de la valeur ajoutée. Je réfléchis à la déconversion

« La bio n’a pas été accompagnée et soutenue à la même hauteur que d’autres filières. Il faut faire respecter Egalim qui impose 20% de bio dans la restauration », estime pour sa part Laurence Marandola.

« Il faut respecter la loi Egalim étendre à la restauration collective commerciale et plus de transparence par rapport aux importations. On a perdu le fil depuis 2022 », exprime pour sa part Véronique Le Floc’h

 

Contrôles : la Coordination rurale n’en veut plus !

Sur la question des contrôles, « faites nous confiance, je ne sais pas sur quoi nous pouvons frauder. On a déjà des cahiers des charges liés à nos contrats », affirme Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale qui s’oppose fortement aux contrôles, en particulier de l’OFB. Elle s’emporte aussi contre la charge administrative : « : haies, curage fossés, dossiers installations classées pour bâtiments, la déclaration flux d’azote... On a un calendrier qui nous oblige en permanence à donner des comptes », déplore-t-elle.

Laurence Marandola prévient : « attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, ne jetons pas les normes ». « Il nous faut surtout des interlocuteurs en chair et en os », affirme-t-elle soulignant que c’est par exemple « un chemin de croix pour avoir des interlocuteurs à la MSA ».

 

Bras de fer entre la Confédération paysanne et la FNSEA sur la gestion de l’eau

Face au changement climatique et à la gestion de l’eau tous les syndicats agricoles sont d’accord pour dire « qu’il n’y a pas d’agriculture sans eau ». La Coordination rurale prône pour des réserves collinaires et pourquoi pas « des mégabassines » si cela permet de maintenir les productions, avec un stockage validé par le BRGM.

« Il y a déjà 100 retenues collinaires, la question c’est le partage de l’eau entre agriculteurs » répond Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne qui s’oppose aux bassines et préfère mettre en avant les moyens de garder l’eau dans les sols, avec des pratiques culturales, des couverts, des sols vivants. 

Arnaud Rousseau l’interroge alors sur des projets de retenues d’eau à Charlas notamment la poussant à répondre « oui ou non » au stockage de l’eau. « On fait oui s’il y a une gouvernance territoriale et un vrai partage de l’eau », répond Laurence Marandola aux questions insistantes du président de la FNSEA.
 

 

Quel mot la fin pour les syndicats agricoles ?

Le débat se termine par un mot de la fin pour chaque représentant agricole. Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, met en avant la « question des droits sociaux » : « on subit une protection sociale de misère, on doit améliorer les conditions de travail ».

« On doit accompagner les agriculteurs rentrés dans des procédures collectives qui ne s’en sortent plus car victimes d’aléas climatiques ou sanitaires, on doit leur permettre d’avoir une année blanche », conclut pour sa part Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, qui affirme « n’ayez pas peur : la Coordination rurale est prête : on est prêts à stopper ce plan social ».

Alors que Pierrick Horel, président des Jeunes agriculteurs, veut délivrer « un message d’espoir pour les jeunes de tous profils », Arnaud Rousseau président de la FNSEA clôt le débat : « on a un projet syndical construit de longue date avec les gens du réseau. Très différent de la Confédération paysanne, je ne sais pas quel est le programme de la Coordination rurale. Le choix de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs est le bon ! ».

Lire aussi : Elections professionnelles agricoles 2025 : à quoi servent les chambres d’agriculture ? 

 

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