[Coronavirus Covid-19] Légumes primeurs : un marché aux multiples inconnues
Mis à part des débuts très difficiles pour l’asperge et la pomme de terre, le marché des légumes primeurs se porte plutôt bien. Mais beaucoup d’incertitudes demeurent sur les comportements des consommateurs.
Mis à part des débuts très difficiles pour l’asperge et la pomme de terre, le marché des légumes primeurs se porte plutôt bien. Mais beaucoup d’incertitudes demeurent sur les comportements des consommateurs.
Pour l’asperge et la pomme de terre primeur, produits plaisir, assez coûteux en début de saison, la fermeture de la restauration et des marchés et le confinement sont survenus au plus mauvais moment, alors que les volumes d’asperges augmentaient et que la pomme de terre primeur débutait sa campagne. Après deux semaines de crise conjoncturelle en asperge et 2-3 semaines très difficiles en pomme de terre, le retour à une consommation plus normale après les achats de précaution, l’appel du gouvernement et des interprofessions à consommer français et l’engagement de la grande distribution pour soutenir les producteurs français ont toutefois porté leurs fruits et la situation s’est améliorée. Et pour les autres primeurs en production (radis, navets, oignons botte, fenouil…), le marché s’est plutôt bien comporté en avril.
« Depuis le confinement, la demande en navets botte est très forte, constate Damien Gros, directeur général de Val Nantais. Même si les marchés, importants pour les primeurs, sont fermés, le report sur la grande distribution et le fait que les gens mangent chez eux et cuisinent font qu’ils achètent plus de légumes primeurs. D’autant que grâce à la météo, la qualité des produits est très bonne ». Pour Fleuron d’Anjou, qui devrait commercialiser 750-800 t d’asperges et près de 9 millions de bottes de radis, carottes, oignons blancs, navets et échalotes fraîches, la demande et les prix étaient également corrects en début de saison.
« En asperges, nous avions peu de volumes en début de confinement et la demande par la suite a été correcte, malgré la perte de la restauration et des marchés mais avec un très bon niveau qualitatif, précise Brahim El Hasnaoui, directeur commercial maraîchage de Fleuron d’Anjou. Et pour les autres légumes, la demande est également normale. Les habitudes d’achat ont changé, les ventes sont plus étalées sur la semaine, mais les volumes demandés sont globalement les mêmes qu’habituellement ».
Les tendances lourdes persistent
Les tendances observées ces dernières années se confirment également. À Prince de Bretagne, la campagne d’artichauts, commencée mi-avril avec le petit violet, a débuté normalement. « La production et la consommation de petit violet tendent à se développer, indique Pierre Gélébart, chef produit artichaut à Prince de Bretagne. En gros artichauts, le Cardinal, qui se conserve mieux en rayon que le Castel ou le Camus et a un goût plus sucré et plus doux, est de plus en plus apprécié, même si globalement, la consommation d’artichauts n’augmente pas. Le fenouil, le petit pois récolté main sont par contre en hausse ».
Océane, dont la stratégie est d’élargir sa gamme de légumes primeurs, pour des raisons commerciales et agronomiques, constate toujours un bon développement des légumes lancés pour proposer une alternative nationale aux produits importés. « Les enseignes sont réceptives aux produits français, constate Cyril Pogu, producteur, responsable Primeurs à Océane. Le fenouil ou l’oignon blanc, qui offrent une alternative aux produits italiens, continuent de se développer. Les cœurs de sucrine commercialisés en sachets de trois pièces, en alternative aux cœurs de sucrine espagnols, augmentent de 10 % par an, avec 15 millions de têtes prévues en 2020 ». L’offre et la demande pour des produits plus sains et respectueux de l’environnement continuent également de croître. Après avoir lancé l’asperge Zéro résidu de pesticides en 2019, Fleuron d’Anjou lance une offre d’asperges bio en 2020, avec un volume prévu de 50 t d’asperges blanches, 10 à 15 t d’asperges vertes. L’objectif d’atteindre 20-25 % de son offre d’asperges en bio d’ici quelques années.
La tendance à la réduction des emballages plastique se poursuit aussi. Kultive, qui commercialise notamment 20 000 t/an de carottes, 11 000 t/an de betteraves et qui développe ses volumes d’asperges (250 t prévues en 2020, objectif de 500 t rapidement), continue sa politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) avec la réduction des emballages. Fleuron d’Anjou poursuit également son désengagement du plastique, avec en asperges, le développement d’une botte nue avec deux élastiques et une étiquette. Prince de Bretagne travaille sur le remplacement du complexe plastique qui recouvre les colis d’artichauts.
Incertitudes pour les salades
La crainte du coronavirus entraînant de manière générale une augmentation de la demande pour le préemballé, les opérateurs s’interrogent toutefois sur l’évolution de la demande pour des produits souvent vendus nus. Si les feuilles d’épinard Bleu-Blanc-Cœur en sachets de Val Nantais ou les cœurs de sucrine d’Océane se vendent bien cette année, la majorité des légumes primeurs sont en effet vendus en produits nus. L’inquiétude est forte notamment concernant les salades. « La salade n’est pas vraiment un produit essentiel, ne se stocke pas et est vendue nue en Ire gamme, analyse Cyril Pogu. Comment vont réagir les consommateurs ? Vont-ils en acheter ? Vont-ils préférer la IVe gamme ? » Et même pour la IVe gamme, la situation est mitigée. Si la demande en GMS se porte plutôt bien, l’arrêt de la restauration hors domicile et du snacking entraîne des pertes de débouchés de 30 à 100 % selon les entreprises. S’y ajoutent la hausse des coûts de production liée à la mise en place des gestes barrières sur les exploitations et dans les usines et la crainte d’un manque de main-d’œuvre pour la récolte des salades à partir de mai.
L’incertitude est grande aussi pour le poireau primeur ou la carotte primeur, dont une part non négligeable est habituellement exportée. La plupart des pays incitant à privilégier la production nationale, les opérateurs se demandent comment se passeront les exportations. Enfin, les producteurs s’interrogent aussi sur le positionnement des légumes primeurs face à l’évolution des habitudes d’achat, avec moins d’actes d’achat dans la semaine, alors que les légumes primeurs ne se conservent que 2-3 jours, ou encore le développement du drive et de la livraison à domicile qui impliquent des produits préemballés.
Situations variées pour la main-d’œuvre À Noirmoutier, beaucoup de personnes se trouvant privées d’emploi du fait de la fermeture des bars, hôtels et restaurants, ni les producteurs ni la station n’ont actuellement de problèmes de recrutement. La main-d’œuvre ne pose pas non plus de problème en Anjou, la production reposant beaucoup sur de petites fermes fonctionnant surtout avec des permanents et sur quelques exploitations plus importantes ayant davantage recours à la main-d’œuvre étrangère mais ayant plusieurs productions leur permettant de proposer du travail pour presque toute l’année. Quant aux stations, elles emploient en majorité des locaux, Et sur les stations, souvent en groupement d’employeurs avec le secteur vitivinicole. La situation pourrait par contre être plus délicate en région nantaise avec la montée en puissance notamment des productions de salade.