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Filière canard gras
Euralis et Maïsadour discutent pour faire émerger un leader du foie gras

À la fin juillet, les groupes coopératifs Euralis et Maïsadour ont confirmé être entrés en discussion sur leurs activités de production et de transformation de palmipèdes à foie gras. En arrière-plan, la nécessité de faire poids en grande distribution et la réduction chronique des approvisionnements en vif.

C’est par un communiqué de presse commun, diffusé le 28 juillet 2021, que les coopératives Euralis et Maïsadour, les deux leaders du foie gras, ont annoncé être « entrées en discussion afin de réfléchir ensemble à l’avenir de leurs filières canards gras et à leurs développements futurs ». Le communiqué ne précise ni périmètre ni intention de rapprochement ou de restructuration.

Michel Fruchet, directeur général de Val de Sèvre, coopérative vendéenne constitutive de la holding MVVH (Maïsadour, Val de Sèvre, Vivadour) a bien voulu donner son avis à la fin août sur l’engagement de ces échanges en tant que président du Comité interprofessionnel du foie gras (Cifog). « La filière foie gras n’a pas de réel leader, alors qu’il y a la Cooperl dans le porc, Bigard dans la viande bovine, Lactalis dans le fromage, remarque-t-il. Si les marques de foie gras peuvent avancer à trois ou quatre dans leurs négociations avec les grandes surfaces au lieu de six ou sept, je dirai bravo parce que ce sera au bénéfice de la filière qui récupérera de la valeur. L’alignement sur le moins-disant, c’est du gâchis pour un produit aussi noble que le foie gras ». Dans l’éventualité où l’initiative de Maïsadour et Euralis inspirerait d’autres opérateurs, Michel Fruchet affirme : « Je n’entends pas de bruit de ce type, mais j’applaudirais. »

Le marché pourrait absorber 28 millions de canards

Des raisons structurelles expliquent aussi les travaux engagés entre les deux groupes : « L’industrie s’était structurée en 2015 pour une production de près de 40 millions de canards, explique Michel Fruchet. On va en faire 26 millions cette année. » Trois épisodes d’influenza aviaire ont mis à mal la production depuis 2016, et les nouvelles mesures de biosécurité mises en place en élevage ont encore réduit le potentiel de production.

Cependant, il n’est pas envisageable de revenir au niveau de 2015. « Le marché pouvait absorber 35 millions de canards en 2015 ; il pourrait aujourd’hui en absorber 28 millions », avance-t-il. Ces estimations tiennent compte de l’assouplissement des restrictions promotionnelles qui avaient affecté les ventes de foies gras en grandes surfaces en 2019. Elles supposent la reprise des ventes en restauration et des exportations après la crise Covid. Entre production réduite en élevage et marché restreint, les usines d’abattage et de transformation ne fonctionnent pas en pleine capacité. « Il faut adapter la voilure », juge l’industriel.

Au coude à coude

En matière de production comme de distribution, Euralis et Maïsadour (en comptant l’ensemble MVVH) sont au coude à coude. Euralis abat en temps ordinaires entre 6 et 7 millions de canards gras et l’ensemble Maïsadour, Val de Sèvre et Vivadour entre 5 et 6 millions. En grandes surfaces (GMS), les marques Maison Montfort (Euralis) et Delpeyrat (MVVH) se disputent les premières parts de marché calculées par Iri, derrière Labeyrie et au côté de Jean Larnaudie. Leurs marques de distributeurs (MDD) rivalisent également. En valeur ou volume, s’agissant du foie gras mi-cuit, en conserve ou cru et surgelé. Dans les circuits de la restauration, Rougié (Euralis) et Sarrade (MVVH) s’affrontent. Et la logistique demande toujours plus d’optimisation.

Passage difficile pour Maïsadour

Selon les derniers résultats économiques communiqués par Euralis, la « business unit » (BU) Maison Montfort a connu pour l’exercice 2019-2020 (couvrant la saison festive de 2019) une légère croissance de chiffre d’affaires (0,9 %). « La marque réaffirme sa position de numéro 2 en GMS », souligne le groupe. La BU Rougié, en revanche, a perdu 18 % de son chiffre d’affaires sur l’exercice en raison de la Covid-19. Mais la marque « s’est bien comportée en sortie de crise, en proposant aux chefs des produits adaptés à leurs nouvelles contraintes (brigades réduites et contraintes sanitaires fortes, NDLR) ».

Les activités en canard gras ont rapporté à Euralis 205 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un volume de 12 000 tonnes de produits, selon le service de communication. Du côté de l’exportation, le groupe entrevoit « de belles perspectives de développement », du fait de l’agrément de son site de Maubourguet (Hautes-Pyrénées) pour exporter ses foies gras en Chine (ayant cessé de produire dans ce pays). Il note que Rougié a réalisé 40 % de son chiffre d’affaires hors Hexagone en 2019-2020.

Quant à Maïsadour, les difficultés de la filière canard gras continuent de se faire sentir à travers MVVH, en dépit des ajustements structurels de 2017 (la fermeture d’une conserverie à Lauzerte (Tarn-et-Garonne) et la reconversion de l’abattoir de Mugron (Landes) en un site dédié à la biosécurité). Le plan stratégique à trois ans « Rebond 2023 » de MVVH prévoit d’adapter à court terme l’outil industriel (ce qui est partiellement fait), de développer la commercialisation et d’adapter les organisations.

En 2020, l’abattoir de Saint-Sever (Landes) a fermé et Delpeyrat Périgord à Gourdon (Lot) a été cédé à Godard-Chambon et Marrel. Des commerciaux se sont spécialisés en foie gras et vendent à la fois la marque Delpeyrat et les MDD. La vente de canard gras, qui comprend la vente directe pour MVVH, a rapporté quelque 190 millions de chiffre d’affaires en 2019-2020 pour 11 800 tonnes commercialisées.

Un semestre encourageant pour la filière du canard gras

Les ventes de foies gras en supermarchés et hypermarchés des six premiers mois de 2021, mesurées par Iri, sont supérieures de 3,7 % à celles du premier semestre de 2020, grâce notamment aux mois de mars et avril. « Le démarrage en restauration est bon ; les restaurateurs n’ont pas oublié nos produits », rassurait le 26 août Michel Fruchet, président de l’interprofession Cifog. Si les ventes de magrets en restauration sont en chute de 30 % sur les cinq premiers mois de 2021, « c’est en raison du manque de production », soulignait-il. L’influenza fait perdre au moins 6 millions de canards gras à la filière, et le peuplement des élevages (mises en place) des dernières semaines est en recul de 11 %. Les importations sont en recul de 6 % sur les cinq premiers mois, note le Cifog.

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