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En grande distribution, le rayon vins se réinvente

Dans un contexte de baisse de la consommation de vin, de changement des habitudes d’achat, et depuis la loi Egalim, de la limitation des possibilités de promotion, les grandes surfaces voient leur chiffre d’affaires vin reculer, y compris lors des foires aux vins. Si la grande distribution n’a pas encore trouvé la solution, elle la cherche activement.

Pour réagir à l’évolution à la baisse des chiffres d’affaires vin, beaucoup de grandes surfaces réduisent la taille de leurs rayons. Mais certains points de vente résistent et tentent de réinventer leur rayon en le rendant plus attirant. C’est le cas d’Olivier Magré, PDG de l’hypermarché Leclerc de 6 000 m2 de Ville-la-Grand en Haute-Savoie. Pour reconquérir les clients, son espace de 300 m2 de surface de vente magnifie le vin sur 5,5 m de haut derrière 25 m de vitrines de vieillissement à 14°C desservies par une passerelle. Deux cavistes confirmés se relayent pour accompagner les clients dans leur choix parmi 2 790 références. Olivier Magré explique que face au développement numérique, il a voulu reprendre les fondamentaux du métier de commerçant : « être au service du client et lui faire plaisir ». Cyrille Lajus, responsable du rayon liquide, veille à ce que les prix ne dépassent pas ceux proposés sur internet. Même philosophie pour le nouveau Leclerc d’Ajaccio-Baleone. Depuis 2018, cet hyper adopte un toit voûté avec lumière tamisée digne d’une cave d’un château de la renaissance. Les bouteilles reposent sur des supports en verre magnifiant le produit.

Un rayon unique mais des consommateurs divers

Carrefour, prend une option moins coûteuse : remettre en cause le mur de bouteilles en rangs d’oignons imposé par le classique rayonnage métallique blanc. Tout est parti d’une étude réalisée en 2016 par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) pour relancer la vente de ses AOP en magasins. L’étude du comportement des clients, pilotée par Stéphanie Sinoquet, responsable marketing du CIVB, a révélé 4 types de consommateurs : le connaisseur-amateur à la recherche de valeurs sûres, l’explorateur à la recherche de découvertes à qui il faut apporter une solution, le routinier aux habitudes bien campées à la recherche de la promo et du prix, et enfin, les « désimpliqués », ces néophytes acheteurs occasionnels de vin, plutôt intéressés par un accord mets et vins. « Nous avons rapidement compris que le 'rayon cathédrale' adopté par certaines enseignes, n’était pas la solution car il touche essentiellement les connaisseurs-amateurs, explique-t-elle. Ces derniers effectuent peu leurs achats en grande distribution. Les trois autres typologies rechignent à pénétrer dans un espace qui ne leur ressemble pas, où le vin est sacralisé. »

Réorganiser l’offre de façon pédagogique

« À partir de cette étude, nous avons réalisé les nôtres qui confirment qu’un acheteur sur deux estime que l’achat de vin est difficile et que 94 % des consommateurs trouvent le rayon complexe », assure Audrey Sonnendrecker, directrice Vins-champagnes-mousseux chez Carrefour.

« Nous avons 'cassé la gueule' à l’étagère classique qui aligne à l’unisson indifféremment des vins à 8 € et 85 €. Chaque vin dispose de sa propre personnalité. Sa présentation en magasin doit être une main tendue vers le consommateur qui lui ressemble », lance Luc Joubert, un des associés de One Buy One, un cabinet spécialiste de la conception d’espace de vente qui a matérialisé le concept.

À Mérignac, les vins adoptent désormais un classement par couleur, puis par région, puis par appellation avec une carte détaillée de chaque région viticole. « Pour rompre le rythme des linéaires classiques, les bouteilles à plus de 15 € reposent dans des meubles incurvés pour être présentées à l’horizontal, reprend Audrey Sonnendrecker. Un mobilier rouge accueille les opportunités commerciales, équipé de tablettes inclinées pour annoncer les bonnes affaires. Des stops-rayons avec des photos de plats indiquent les accords mets et vins les plus consommés en France. Les bouteilles à découvrir bénéficient d’un mobilier en bois où certaines sont couchées, d’autres debout. Dans les linéaires, chacune des trois couleurs dispose de son type d’éclairage spécifique. Le décroché des BIB, entre deux linéaires, affiche des informations sur tous les avantages du produit, son prix au litre, sa durée de conservation… ».

Une enquête auprès de 300 clients bordelais souligne que le rayon est nettement plus lisible, moins compliqué avec plus de réassurance sur l’achat des produits. En juin, Carrefour a essaimé la formule à la Toison d’Or à Dijon avec des mobiliers plus bas façon caviste et un chai pour toucher les 6 % de consommateurs experts. Antibes a fait de même en juillet avec un chai réfrigéré. Suivi de Flins en septembre, Anglet en novembre, Marseille-Bonneveine en décembre puis Bègles. Après une pause pour réaliser un bilan, le déploiement devrait reprendre en 2020 dans l’enseigne.

Mieux intégrer l’information numérique

Aujourd’hui, Stéphanie Sinoquet du CIVB travaille sur des solutions numériques pour encore mieux rassurer les clients par de l’information sur chaque bouteille. « À ce jour, les systèmes informatiques de ces enseignes ne sont pas conçus à cet effet », déplore-t-elle. Le magasin pilote de Casino à Paris résout cette problématique. La start-up Twil y a installé en septembre 2018 une déclinaison de son application pour smartphone. Une borne installée dans le rayon lit les étiquettes de vins et puise les informations sur le produit dans la base de données Twil qui revendique 500 000 références. « Face au rayon, les consommateurs néophytes à 82 % veulent une information précise et indépendante de celle réalisée par les enseignes, explique Erwan de Barry, fondateur de Twil. Notre application les satisfait avec les avis d’internautes et des pictogrammes facilement compréhensibles (bio, biodynamie, végan, casher…) ». Twil essaime sa formule dans le groupe Casino, dans 10 Monop’, 5 Franprix mais aussi un Super U à Fontenay-le-Fleury, en Ile-de-France.

Un chef de rayon expert

La formation du chef de rayon est un problème de fond. Les Super U de Pouilley-les-Vignes et de Devecey, près de Besançon ont trouvé la parade. Le propriétaire des deux magasins a confié le pilotage de ses rayons vin à Yannick Postal. Ce caviste est installé dans la galerie marchande des deux centres commerciaux, avec son enseigne In Vino. Conflit d’intérêts ? Non, Yannick Postal gère la complémentarité de l’offre. « Le supermarché propose certaines références en double implantation renouvelées très régulièrement à la boucherie, pâtisserie, poissonnerie pour faciliter les accords mets et vins », explique Yannick Postal.

Des vignerons des régions voisines viennent animer régulièrement les rayons pour créer des liens durables avec les clients. Le magasin dispose d’un chai à température dirigée accessible par une porte fermée pour conserver les références entre 10 € et 1 000 €. Un Pétrus exposé sous verre a servi d’attraction pendant des semaines avant de partir pour 2 700 €. Deux linéaires conservent une segmentation classique par région et niveaux de gamme. À chaque printemps et automne, les bouteilles passent d’un rayon à l’autre pour apporter une nouvelle visibilité saisonnière aux clients. Les présentoirs n’affichent pas les régions pour obliger le consommateur à porter son regard sur les étiquettes des bouteilles et découvrir de nouveaux goûts. Pour Yannick Postal, « la grande distribution sauvera son rayon vin quand elle professionnalisera toute la chaîne d’achat de la vigne au présentoir ». Dans cet esprit, Auchan travaille aujourd’hui sur un plan pour confier certains de ses propres rayons à des professionnels d’enseignes spécialisées. Pourquoi pas pour ses rayons vin ?

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