Au bout du monde
Éleveur ovin et seul agriculteur sur une petite île bretonne
Samuel Kergal élève une centaine de moutons à Hoedic, dans le Morbihan. La petite île de 800 mètres de large sur 2 500 mètres de long offre un décor idyllique mais aux contraintes multiples. Rencontre.
Samuel Kergal élève une centaine de moutons à Hoedic, dans le Morbihan. La petite île de 800 mètres de large sur 2 500 mètres de long offre un décor idyllique mais aux contraintes multiples. Rencontre.
« Quand vous mangez mes agneaux, vous mangez une part d’Hoedic ». Samuel Kergal, éleveur sur la petite île bretonne, s’amuse à le répéter aux consommateurs. Et la boutade n’a rien d’un vain mot. L’éleveur est installé depuis 2000 avec sa famille, sur cette île, au large de Quiberon.
Cuisinier au restaurant familial, Samuel Kergal ne connaissait rien à l’élevage lors de son arrivée. Mais il y a quinze ans, il participe au défrichage d’une parcelle organisée par la fédération de chasse du Morbihan et le Conservatoire du littoral. « L’objectif était de favoriser l’habitat du gibier, restaurer la biodiversité et lutter contre la fermeture des paysages. Jusque dans les années soixante, les habitants cultivaient leurs jardins, l’île vivait en quasi-autarcie. Avec les rotations de plus en plus nombreuses de bateaux, les animaux d’élevage ont disparu peu à peu de l’île, et les ronces et prunelliers ont envahi les parcelles ».
De son côté, le restaurateur cherchait une activité complémentaire pour travailler à l’année à Hoedic. Après cette expérience, il décide de se tourner vers la terre. Samuel Kergal se forme, passe son BPREA élevage avec une antenne de la chambre d’agriculture de Pontivy, et multiplie les stages pour apprendre les ficelles du métier.
Un troupeau dehors toute l’année
Dès le départ, il fait le choix d’élever des moutons Landes de Bretagne, une variété très rustique et locale. « On croyait même la race disparue, jusqu’à ce qu’une soixantaine d’entre eux soit observée dans les marais de la Brière au milieu des années quatre-vingt ».
Des contraintes multiples ont dicté le choix l’éleveur, et en particulier les questions foncière et environnementale particulières à l’île. « Les terrains appartiennent pour moitié à la commune et l’autre moitié au Conservatoire du littoral ». Une convention lui permet de faire paître son troupeau sur leurs terrains. Très attachés à cet environnement, Samuel et ses moutons sont devenus des acteurs de premier plan de la bonne santé écologique de Hoedic. Les animaux entretiennent la lande. Et chaque année, le Conservatoire du littoral effectue un suivi botanique de la biodiversité. L’éleveur transmet lui à l’institution, son plan de pâture.
L’ensemble de la petite île est classé zone Natura 2000. Impossible ou très compliqué d’installer une bergerie, en raison des nombreuses autorisations administratives nécessaires pour construire le moindre bâtiment et du coût du foncier. Ces moutons, à la robe, blanche ou noir, restent donc dehors toute l’année.
Aucun traitement vétérinaire
En quinze ans, l’éleveur est passé de quelques moutons à un troupeau d’une centaine de têtes, valorisées pour leur viande. « Les Landes de Bretagne possèdent moins de carcasses que les races conventionnelles mais ils sont plus adaptés à un climat rigoureux. Il s’agit d’un compromis avec les conditions climatiques de l’île ».
D’autant plus qu’Hoedic n’a jamais connu l’agriculture intensive ou l’épandage de pesticide. « J’élève les moutons dans cette continuité, en respectant le territoire. Ils ne reçoivent aucun traitement vétérinaire. Et je ne leur apporte aucun aliment extérieur. Ils se nourrissent uniquement de la pâture sur place. La faune et la flore sont très variées, ils mangent même des petites plantes maritimes, parfois avec des dépôts de sel. Cette diversité botanique est un atout », insiste l’éleveur. Il enregistre d’ailleurs la présence de très peu de piétins et de parasite sur ces bêtes.
Agnelage en pleine tempête de Suroît
L’hiver, l’agnelage se fait dans des conditions parfois rudes. « Je laisse faire la nature, confesse l'éleveur de 50 ans. J’interviens le moins possible. J’enregistre peu de perte. La race est très résistante, les petits naissent avec beaucoup de laine ». L’éleveur se souvient d’ailleurs encore de la naissance de son premier agneau il y a 15 ans. « Il est arrivé en pleine tempête de Suroît (Sud-Ouest), les vents atteignaient les 100 km/h. J’essayais de le mettre à l’abri, en pleine nuit, mais la brebis l’a repris avec elle, et remis dans la pâture. Tout s’est finalement bien passé ».
Au quotidien, son travail d’éleveur l’île implique beaucoup de surveillance de son troupeau. Aucun vétérinaire n’est installé sur l’île. Hoedic peut se retrouver couper du continent pendant plusieurs jours en cas de gros temps.
Un équilibre du troupeau à respecter
Sur ces 30 hectares de parcelles morcelées, Samuel Kergal est aussi confronté à la difficulté de préserver une pâture suffisante pour son troupeau et donc de le réguler. « En général, au printemps, j’évacue beaucoup d’agneaux pour diminuer la taille du troupeau ». Un équilibre qui préserve à la fois le territoire et la bonne santé du troupeau.
Hoedic compte une centaine d’habitants à l’année. L’été, la population peut monter jusqu’à 3 000. L’île importe pourtant par bateau à partir de Quiberon toutes ses denrées alimentaires. Seul agriculteur sur la petite île, Samuel se verrait bien suivre l’exemple de ses voisins, à Belle-Ile-en-mer notamment. « Ils s’en sortent plutôt bien en proposant des produits transformés ».
Jusque-là pour valoriser sa viande, l’éleveur breton prend le bateau avec ses agneaux, direction Quiberon puis l’abattoir de Vannes, le plus proche. La viande est ensuite vendue sur le continent ou aux îliens, « beaucoup par bouche-à-oreille ». À l’avenir, l’éleveur souhaiterait pouvoir vivre de cette activité à l’année et profiter de l’afflux de touristes l’été. « Pour cela, l’idéal serait de pouvoir disposer d’un local à Hoedic, équipé d’une chambre froide, d’un billot, de quelques outils, pour faire un peu de transformations et vendre des saucisses, des merguez par exemple. La demande est là pour les produits bio et authentiques ».
Le saviez-vous
Une île tournée vers le tourisme
L’île de Hoedic est dépendante en grande partie du tourisme et près des trois quarts des logements sont des résidences secondaires. île sans voiture, Hoedic séduit plaisanciers, touristes et campeurs qui arrivent de Quiberon par bateau. En plus de ses plages, l’île abrite des menhirs, des ports, un phare et d’anciennes fortifications militaires.