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Côt d’Amboise et malbec de Cahors, même combat

Le cépage côt ou malbec, un temps mal aimé, est devenu le fer de lance de stratégies visant à mieux valoriser les vins. Il était le héros d’un colloque et d’une dégustation rassemblant des vignerons d’Amboise et de Cahors à Amboise, le 27 juin.

Sous le château d'Amboise, quinze vignerons de l'AOC touraine-amboise et quatorze vignerons venus de Cahors ont présenté des vins 100% côt ou malbec. Une dégustation croisée qui a enthousiasmé les participants, à commencer par les vignerons eux-mêmes.
© Vinconnexion

Elaborer des vins aussi réputés que le patrimoine culturel d’Amboise et monter en gamme collectivement, c’est le double défi que s’est lancé l’appellation touraine-amboise, autour du président du Syndicat des vins d’Amboise, Xavier Frissant.  Pour les rouges, le côt (nom ligérien du malbec) est le pilier de cette stratégie. L’appellation touraine-amboise a inscrit le côt en tant que cépage unique pour ses rouges dans son cahier des charges renouvelé. Ce choix, original en Loire, a occasionné depuis 3 ans des échanges avec le vignoble de Cahors qui mise depuis plus de 10 ans sur la valorisation du malbec, son cépage historique. Organisé le 27 juin, à Amboise, le colloque assorti d’une dégustation de vins présentés par une trentaine de vignerons enthousiastes des deux vignobles, marquait une nouvelle étape dans le chemin choisi par l'AOC touraine-amboise.

Une nouvelle vie pour le cépage

Ironie de l’histoire, dans les deux cas, le cépage n’a pas toujours bénéficié d’une image prestigieuse. Ainsi en Loire, au XVIIIe et XIXe siècles, « le côt ragaillardissait les vins faibles », a rappelé Léonard Laborie historien-chercheur au CNRS.  « Le marché parisien a poussé ce cépage qui correspond à une certaine qualité de couleur, de force et de conservation », a précisé Samuel Leturcq, professeur d’histoire à l’Université François Rabelais de Tours. Entre les mains des cabaretiers parisiens, une barrique de côt se transformait alors très rentablement en cinq barriques à la faveur de coupages !  Un âge d’or que vont interrompre le phylloxera, puis la concurrence des vins du sud et localement, du gamay, du grolleau et des hybrides « C’est l’orientation qualitative récente de la viticulture qui fait ressortir ce cépage patrimonial », a noté Samuel Leturcq.

Un cépage, plusieurs styles

Ce retour par le haut du côt-malbec, le meilleur sommelier d’Europe, Raimonds Tomsons, l’a bien senti. Après avoir dégusté à l'aveugle des vins dans chaque vignoble, il s’est dit « fasciné par la fraîcheur, pureté et acidité » des touraine-amboise. Il a trouvé dans les malbecs de cahors  « une claire définition d’un style et d’un terroir qui n’empêche pas une diversité d’approches ».  Une diversité qu’il a jugé comme un point fort. « Il est important qu’une région puisse avoir différents styles de vins qui s’expriment », a-t’il affirmé. Il a également noté qu’une nouvelle génération de vignerons faisait des cahors avec « moins d’extraction, moins d’alcool, plus d’expression du terroir », correspondant bien aux consommateurs d'aujourd'hui qui « recherchent des vins faciles d’accès, prêts à boire, qui délivrent immédiatement la typicité du terroir ».

Un cépage, deux noms

Aujourd’hui, l’appellation touraine-amboise compte dix fois moins de vignerons que cahors et moins de 200 ha revendiqués sur les 774 ha potentiels. La valorisation est déjà en cours avec des touraine-amboise rouges se vendent en moyenne à 8,21 TTC prix consommateurs mais avec un volume global modeste. A terme, c’est la catégorie des grands vins de terroir entre 10 et 15 euros prix départ cave qui est visée avec l'obtention d'une appellation à part entière, une montée en volume et en qualité. L’idée est bien de jouer la carte du nom côt, preuve de l’implantation locale du cépage, et non pas de s’appuyer sur la notoriété bien supérieure du malbec.  Pour les vignerons de l’appellation ayant misé sur le nom malbec sur leur étiquette, un dilemme est à résoudre.

La priorité n’est pas l’export pour l'instant. « Nous exportons sur place », a souligné Xavier Frissant, en pointant la forte présence de touristes internationaux en val de Loire. Sur ses terres, le touraine-amboise rouge a déjà du pain sur la planche, à commencer par Amboise même où le chinon règne sur les cartes des restaurants.  

Pour monter en notoriété le touraine-amboise compte sur son blanc en 100% chenin. « Le chenin va emmener le côt », pronostique Xavier Frissant.

 

Une abondance de noms

Avoir plusieurs noms est une habitude pour ce cépage ayant pour parents le prunelard et la madeleine noire des Charentes. Il est mentionné au XVIe siècle sous le nom d’auxerrois à Cahors, de plant (ou vigne) de Cahors à Fontainebleau ou de samoireau en île-de-France et en Bourgogne.

Le nom co apparaît en Touraine en 1785. Celui de côt sera popularisé par les ampélographes au XIXe siècle. A la fin du XVIIIe, le nom de malbec s’est institué dans le bordelais, dérivant du patronyme d’une personne ayant diffusé le cépage. D’après, Léonard Laborie, chercheur au CNRS, c’est sous ce nom et donc probablement depuis Bordeaux, qu’il gagne le nouveau monde au XIXe siècle. Au milieu du XVIIIe siècle, il s'appelle aussi noir de Pressac suite à son implantation près de Saint-Emilion, par un riche propriétaire venu du Lot.

Quant à son origine, si elle assurément située dans le Sud-Ouest, le lieu précis reste un mystère.

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