Principes, règles d'usage, ...
Le tour de la vaccination en douze questions
Vacciner est loin d’être un acte anodin. Comment le vaccin fonctionne-t-il ? Avec quelle efficacité ? Quels sont les risques potentiels pour l’animal ?… Trois vétérinaires font le point.
Renaud Maillard et Yves Millemann, respectivement maîtres de conférences à l’ENV de Toulouse et à l’ENV d’Alfort, ainsi que Nicolas Roch, vétérinaire et membre du bureau GTV de Bourgogne font le point sur les connaissances actuelles concernant le principe de la vaccination, les types de vaccins existants et futurs, les risques liés à l’acte…
1- QUEL EST LE PRINCIPE DE LA VACCINATION ?
Le principe de la vaccination est de stimuler, en toute innocuité, le système immunitaire contre un ou plusieurs agents pathogènes. Cet apprentissage se réalise par l’administration (injectable le plus souvent) d’un agent pathogène rendu moins virulent. La protection induite est spécifique de l’agent pathogène choisi et fait appel à la mémoire du système immunitaire. Quand le sujet vacciné rencontre le même agent pathogène « sauvage » dans les conditions naturelles, son système immunitaire va répondre vite et fort pour élaborer une réponse protectrice.
2- QUEL EST LE DÉLAI D’APPARITION DE LA PROTECTION APRÈS UNE VACCINATION ?
La réponse vaccinale met du temps à s’installer. Il faut compter quinze jours en moyenne. Mais ce délai peut aller jusqu’à un mois avec des vaccins, le plus souvent inactivés, nécessitant deux injections. C’est par exemple le cas de certains vaccins BVD et de la plupart des vaccins contre les maladies respiratoires. D’où la nécessité de terminer le programme vaccinal suffisamment tôt avant la période à risque.
3- QUELLE EST LA DURÉE DE LA PROTECTION ?
Elle varie de six mois à un an en fonction de l’agent pathogène (protection « courte » pour les vaccins RS par exemple) et du procédé de fabrication. Cette durée de protection conditionne le rythme des rappels et doit être démontrée par le laboratoire. Par exemple, certains vaccins BVD nécessitent un rappel annuel, d’autres tous les six mois.
4- À QUOI SERVENT LES RAPPELS DE VACCINATION ?
L’effet rappel permet au système immunitaire de répondre plus vite et plus fort que si l’organisme rencontrait pour la première fois l’agent pathogène.
5- QUELS SONT LES DIFFÉRENTS TYPES DE VACCINS ?
On distingue les vaccins selon leur mode de conception. On parle de vaccin vivant atténué quand l’agent pathogène peut toujours se multiplier et que sa virulence est diminuée. On parle de vaccin inactivé ou tué quand l’agent pathogène est « mort », incapable de se multiplier. Les vaccins inactivés nécessitent deux injections pour déclencher une réaction immunitaire efficace et durable. En France, on préfère fabriquer des vaccins tués par rapport aux vaccins vivants, parce qu’avec ces derniers le risque que l’agent pathogène redevienne virulent ou que la souche se transmette à d’autres animaux est extrêmement faible mais non nul. D’autres vaccins existent qui ne contiennent qu’une partie du génome de l’agent pathogène. Ils sont pour l’instant au stade expérimental en médecine des ruminants. D’autres distinctions, d’ordre pratique, sont possibles. On parle de vaccin monovalent quand il ne contient qu’un seul antigène (un seul agent pathogène), de vaccin multivalent quand il en contient plusieurs (Ex : RSB + IP3+ BVD). La présentation monodose ne permet la vaccination que d’un seul animal et le flacon multiponctionnable permet de vacciner plusieurs animaux (nombre variable selon le vaccin et le volume du flacon).
6- EXISTE-T-IL DES VACCINS AUTORISÉS À L’ÉTRANGER MAIS PAS EN FRANCE ?
Oui. La présence d’un vaccin sur le marché français dépend d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) qui doit être demandée par la laboratoire fournisseur et accordée par la commission européenne d’évaluation du médicament vétérinaire et/ou son homologue française. Certaines maladies étant réglementées, l’usage de la vaccination n’est possible que dans les pays qui en souffrent.
7- QUELLES SONT LES RÈGLES D’UTILISATION À RESPECTER ?
Vacciner est un acte médical. Pour assurer son efficacité, il faut absolument respecter la prescription du vétérinaire traitant et du laboratoire fournisseur du vaccin : respecter la voie d’administration, le volume de la dose, le rythme des rappels… Précisons que le délai d’attente après une vaccination est toujours nul. Par ailleurs, un vaccin est un produit biologique fragile. Il nécessite donc un stockage continu sous couvert du froid positif (réfrigérateur en bon état de fonctionnement, 4°C environ). Attention à bien lire les indications sur la durée de conservation des flacons après ouverture. L’injection du vaccin doit être réalisée avec des aiguilles à usage unique et une seringue si possible stérile. Il est possible d’associer deux vaccins dans une même seringue s’ils sont conçus pour. Sinon, il ne faut pas le faire car les effets et l’innocuité de la combinaison sont inconnus.
8- FAUT-IL REVOIR SON PLAN DE VACCINATION TOUS LES ANS ?
La plupart des plans de vaccination (diarrhée, respiratoire, BVD…) doivent être jugés à moyen terme (3-5 ans). Sauf absence d’effet, il vaut mieux ne pas changer dès la première année.
9- QUELS PEUVENT ÊTRE LES EFFETS INDÉSIRABLES ?
L’administration d’un vaccin peut entraîner des effets locaux (douleur ou gonflement au point d’injection), des effets généraux (chute d’appétit transitoire, fièvre transitoire, avortement, mort par choc anaphylactique…). Mais attention, ce qui peut poser problème ce n’est pas le vaccin en lui-même mais l’acte de vaccination. Par exemple, si l’animal est stressé au moment de la vaccination et qu’il a été inséminé peu de temps auparavant, le risque de provoquer une mortalité embryonnaire existe parce que le stress augmente la température corporelle. En dehors des effets indésirables mentionnés ci-dessus, la vaccination ne présente aucun risque pour la santé d’un animal.
10- EXISTE-T-IL DES VACCINS EFFICACES À 100 % ?
Il y a toujours moins d’animaux immunisés que de vaccinés. On les appelle les mauvais répondeurs. Le nombre de bons répondeurs dépend du vaccin mais aussi des conditions de son administration et de la santé globale de l’élevage (alimentation, parasitisme, autres maladies…). L’efficacité de la plupart des vaccins est cependant très élevée. Il faut vacciner au moins 70 % des animaux du troupeau pour que la vaccination soit efficace. Par ailleurs, la vaccination n’est pas une assurance tout risque. Son efficacité dépend aussi de la qualité de la conduite d’élevage : hygiène et ambiance dans les bâtiments, distribution du colostrum…
11- EXISTE-T-IL DES DIFFÉRENCES D’EFFICACITÉ SELON LES MALADIES ?
Oui, parce que les agents pathogènes provoquent des réactions immunitaires variables. Par exemple, il n’existe pas de vaccin contre la mycoplasmose bovine parce que ce parasite échappe à la réaction immunitaire. Par ailleurs, un vaccin n’est efficace que sur des valences bien précises. Par exemple, le vaccin contre la salmonellose n’est efficace que sur deux sérotypes (Dublin et Typhimurium). Si la salmonellose est induite par un autre sérotype (Montevideo), la vaccination ne protégera pas l’animal.
12- LES VACCINS NÉCESSITANT UNE SEULE INJECTION SONT-ILS AUSSI EFFICACES QUE LES AUTRES ?
Oui. Le laboratoire producteur de vaccin a fait des tests et s’engage sur l’efficacité de son vaccin. Autrement dit, si l’on respect le protocole de vaccination, il n’y a pas de raison pour que les vaccins avec mono-injection soient moins efficaces que lorsqu’une double injection est nécessaire. L’efficacité d’un vaccin varie plus en fonction du type de maladie concerné par la vaccination.
Dossier : Contre quoi et comment vacciner
Des contrôles qualité à tous les stades p.20
Mono ou pultivalents, des vaccins pour prévenir dix-sept maladies p.22
Raisonner la vaccination contre les grands fléaux de l'élevage p.24
Diarrhées néonatales : vacciner les mères pour protéger les veaux p.26
Troubles respiratoires : la vaccination n'est pas une assurance tous risques p. 28
Dans le Morbihan, "Nous avons sécurisé nos résultats de croissance" p.32
Epizootie, l'exemple de la fièvre aphteuse p.34
Quels vaccins pour demain?
« On peut penser qu’il y aura des progrès technologiques (diminution du nombre de doses, amélioration de l’innocuité ou de l’efficacité) ou scientifiques (vaccins recombinants, vaccins ADN…) mais surtout qu’il sera possible de vacciner efficacement contre des affections pour lesquelles les vaccins n’existent pas encore, comme la mycoplasmose bovine, les parasitoses (strongles, douves…) en incluant les protozoaires comme Cryptosporidium, Neospora et Babesia », souligne Renaud Maillard, maître de conférence à l’ENV de Toulouse.
Vaccins délétés
Des vaccins contre les métrites et la maladie de Mortellaro (dermatite digitée) seraient également les bienvenus. Par ailleurs, « les recherches sur des vaccins contre les mammites sont très actives depuis une vingtaine d’années, mais elles se heurtent à la difficulté d’obtenir une immunostimulation locale forte », explique Yann Viguerie, directeur marketing ruminants de MSD Santé Animale. Lequel ajoute: « avec le changement climatique, on peut aussi s’attendre à l’émergence de maladies vectorielles pour lesquelles il faudra fabriquer de nouveaux vaccins ». Les axes de recherche portent également sur l’efficacité des vaccins. « Nous travaillons sur la mise au point de nouveaux excipients capables de renforcer l’immunostimulation chez les animaux vaccinés », souligne Yann Viguerie.
L’élaboration de nouveaux vaccins « délétés » est une autre voie exploitée pour améliorer l’efficacité d’une vaccination, mais pas seulement. Avec ce type de vaccins, « il est possible de différencier les animaux malades des animaux vaccinés ». Cette caractéristique peut s’avérer très intéressante lors de la commercialisation d’animaux vivants. « Il existe actuellement des vaccins délétés contre l’IBR et la BVD. » Pour une meilleure couverture vaccinale au niveau des troupeaux, « la possibilité de vacciner des animaux au même moment avec différents vaccins est aussi un axe de recherche », précise Yann Viguerie.