Aveyron - « Nous avons investi pour travailler 35 heures par semaine dans notre élevage ovin »
Dans l’Aveyron, les trois associés du Gaec de Cuzomes montrent comment ils ont optimisé la productivité du travail et la performance de leur exploitation en réalisant des investissements maîtrisés.
Lorsque Charles Souyris s’installe en 2000 à Requista, dans l’Aveyron, il est rejoint cinq ans plus tard par son frère Florent et leur ami Philippe Galtier. Ils gèrent ensemble le Gaec de Cuzomes, qui élève aujourd’hui 530 brebis lacaunes, 220 agnelles et 25 vaches aubracs.
Avec la mise bas l’été et une durée de traite longue, de septembre à juin, les trois chefs d’exploitation ont très vite voulu retarder la traite et simplifier le système en général. En parallèle, après douze ans de livraison à la laiterie de Saint-Georges, la réforme de Roquefort introduisant les références limitées les pousse en 2021 à changer de laiterie. Ils signent alors avec la laiterie basque Onetik.
Des investissements contrôlés
Dès l’installation des deux autres associés, ils choisissent d’arrêter l’ensilage au profit de l’enrubannage pendant deux ans, avant d’investir dans un séchoir en grange. Avec ses trois ventilateurs, le séchoir permet de rentrer tout le foin en dix jours. Les éleveurs utilisent un andaineur double qui permet une préparation des andains facilitée. L’andaineur et le séchoir offrent une meilleure fenêtre pour la récolte face aux conditions météo. « Nous favorisons le séchage en grange, mais faisons encore de l’enrubannage, en particulier l’année dernière qui a été très humide. »Pour limiter leur temps de travail, les trois exploitants ont investi dans du matériel performant, mais coûteux. Le séchoir en grange, équipé de capteurs solaires thermiques, est associé à une mélangeuse à poste fixe. Celle-ci réunit les différents composants de la ration sans couper les fibres, permettant de conserver la valeur du fourrage.L’acquisition de la mélangeuse a représenté un investissement de 130 000 euros, subventionné à 40 %. La ration est automatiquement complétée par le distributeur automatique de concentrés, sans l’intervention de l’homme. « La mélangeuse équivaut à un robot d’alimentation à moindre coût », compare l’un des associés.
De la mécanisation en autoconstruction
La bergerie est également équipée d’une pailleuse automatique, qui a coûté 41 000 euros, en installant les rails seuls. Car tout le matériel acquis (séchoir en grange, mélangeuse, pailleuse) a été installé par les exploitants eux-mêmes. « Nous avons fait toute la bergerie et la salle de traite, sans l’intervention du maçon, explique Florent. Ça nécessite certaines compétences et un peu de temps, mais ça permet de faire baisser le prix des investissements. »Ces acquisitions, les trois associés ne les regrettent pas. « Ce sont des investissements à regarder sur vingt à vingt-cinq ans, mais au vu de ce qu’ils ont permis en termes d’optimisation de la charge de travail, nous ne reviendrions pas en arrière si on le pouvait. »
Une semaine à 35 heures
La répartition du travail entre les trois hommes est bien définie. Florent s’occupe de la production végétale et des machines, Philippe du troupeau et Charles d’un peu de tout, y compris la partie administrative.
Philippe trait le matin et Charles le soir. L’organisation de la salle de traite de trente-deux postes et l’apprentissage des brebis rendent le bouclage de la traite possible pour une personne en une heure et quart. Ils préfèrent toutefois être deux pendant les deux premiers mois de lactation.Il y a certaines tâches que les chefs d’exploitation préfèrent effectuer tous ensemble. En plus de la semaine d’agnelage, le curage du fumier est à refaire toutes les trois semaines en hiver. Pour cela, l’un dirige le télescopique, l’autre repaille et le dernier apporte le fumier au champ.
« On atteint un temps de travail de 35 heures par semaine en moyenne. Bien sûr, ça peut monter à 70 heures pour les périodes chargées, mais en hiver c’est assez calme », apprécient-ils.
Une période d’agnelage intense
À la reproduction, les brebis sont réparties dans quatre loges contenant chacune cinq parcs de vingt-cinq brebis pendant quatre à six jours. Sont uniquement triées les brebis qui iront à l’insémination animale. Cela facilite la surveillance des mères.
Dix jours après les inséminations animales, les quinze béliers sont introduits pour les retours. « Elles reviennent en chaleur naturellement. Les retours se rattrapent bien sur une semaine. »
La bergerie est équipée de couloirs pour faciliter le passage des animaux pendant la mise bas. « Les brebis lacaunes sont maternelles seulement les premiers jours, donc une fois que les agneaux ont pris le colostrum nous sortons les brebis et mélangeons les agneaux progressivement. »
Les premières échographies sont réalisées quarante-cinq jours après les inséminations animales, et les secondes soixante-dix jours après pour le dénombrement. Ils font adopter les agneaux lorsqu’une brebis a des triplés.
Les agneaux sont séparés des mères uniquement pour la traite deux fois par jour. « Si nous les séparons plus longtemps, les brebis donnent moins de lait et nous constatons des dégâts sur les mamelles car les agneaux se jettent dessus. » Les agneaux sont sevrés à 35 jours avant d’être vendus à l’engraisseur.
« Nous faisons agneler 500 brebis en une semaine. Même si c’est la semaine la plus dense de l’année, nous ne le vivons pas comme une contrainte », confie Charles. « Le fait d’avoir automatisé la paille et l’alimentation nous fait gagner du temps pour être entièrement disponibles pour nos brebis », complète Philippe.
500 litres par brebis
Sur les 120 hectares de terre, l’assolement n’a pas changé. Mais la délégation du labour a également fait gagner en temps de travail. Les 42 hectares de luzerne et fétuque en plus des 20 hectares de ray-grass et trèfle blanc permettent d’atteindre l’autonomie fourragère.
Les 10 hectares d’orge sont vendus plutôt que consommés, à la suite de cas d’acidose. Les exploitants complètent la ration avec du maïs grain, des tourteaux, des drêches de maïs et de la luzerne déshydratée. Cette année, la production a légèrement augmenté, atteignant en moyenne 500 litres par brebis. « Les agnelles produisent un peu moins, mais la meilleure brebis a produit 680 litres cette année. Il n’y a pas de gros écart de production dans le troupeau. »Aujourd’hui, les trois associés sont parvenus à réduire la durée de traite à 240 jours. Ils attendent d’amortir leurs précédents investissements avant de se lancer dans de nouveaux projets.
Chiffres clés
530 brebis et 220 agnelles
120 hectares
500 litres par brebis
240 jours de traite par an
35 heures de travail par semaine en moyenne
Séchage en grange, mélangeuse et pailleuse