RENCONTRE > Fin gras du Mézenc : une viande courtisée et des éleveurs engagés
Jeudi 23 avril, l'association du Fin gras du Mézenc et les abattoirs municipaux d'Aubenas ont fait le point sur le produit sous appellation et proposé une visite de l'infrastructure.
Le Fin gras du Mézenc, c'est un tout : un terroir, des hommes, leurs bêtes et un savoir-faire ancestral ; une filière aussi. Car des prairies juchées à 1 500 mètres d'altitude à l'assiette du consommateur, éleveurs, chevillards, abatteurs, bouchers et restaurateurs sont engagés dans une démarche de qualité stricte.
Reconnue AOC en 2006 puis AOP en 2013, cette viande de bœuf dite persillée se veut un gage «de typicité, d'authenticité et d'excellence», indique Bernard Bonnefoy, président de l'association Fin gras du Mézenc. Avant d'ajouter : «notre objectif est de faire du Fin gras plus qu'un simple produit carné. Nous avons franchi un pallier : les bouchers le vendent
désormais comme une viande de plaisir, à l'instar d'une bonne bou- teille». Au-delà de la production, l'enjeu est aussi celui du rayonnement du territoire à cheval sur la Haute-Loire et l'Ardèche.
La passion du terroir
À l'origine, il y a une prairie d'une grande diversité, célèbre pour son foin. «L'or du Mézenc», regorge notamment de cistre au goût d'anis très apprécié par les vaches une fois séchée, de trèfle des Alpes, gentiane officinale et autres ornaoudou, typiques des prairies subalpines.
Le premier savoir-faire des professionnels du Fin gras est ainsi de faucher, trier, stocker et identifier avec soin ces foins nécessaires à l'engraissement des bo-vins et au développement des propriétés gustatives de la viande. Bernard Bonnefoy confirme : «Les animaux sont à l'herbe l'été et au foin, l'hiver. C'est du 100% terroir !»
L'engraissement a lieu de novembre à février, une période que la burle rend rude. Roger et Roseline Chapelle, de Freycenet-la-Cuche (Haute-Loire), possèdent environ 140 animaux, dont 14 Fin gras. Ce sont pour la plupart des génisses qu'ils gardent trois ans, et un à deux bœufs castrés avant l'âge de 15 mois, choyés pendant au moins 36. Ceux-ci sont nourris des meilleurs foins, à raison de deux ballots quotidiens d'environ 350 kg chacun. Leur séjour à l'étable s'étend sur 110 à 120 jours. «Nous faisons du Fin gras depuis 1996. Pourquoi ? L'amour du Mézenc», sourit Roger, membre très actif de l'association. «J'aime mon pays, ce qui est local et relève de la tradition même si parfois on doit monter en scooter des neiges car le tracteur, même chaîné, ne passe pas», acquiesce Roselyne, elle-même présidente de la Maison du Fin gras.
Victime de son succès
En 2015, près de 800 animaux (650 en 2014), produits par 83 éleveurs, seront abattus et commercialisés dans la région et au-delà, car sa notoriété porte le Fin gras jusqu'à Paris. Au total, 83 boucheries et 28 restaurateurs sont engagés aux côtés de l'association pour promouvoir «le roi de l'étable».
Mais malgré une hausse de 20% des bêtes prévues à l'abattage, cette année la demande risque d'être plus élevée que l'offre. Les éleveurs attendent beaucoup des jeunes agriculteurs installés en 2014 et qui pourront produire en 2017, une fois leur inscription à l'AOP finalisée. La chambre d'agriculture propose ce type d'élevage à chaque nouvelle implantation et l'association invite les propriétaires actuels à augmenter d'une ou deux têtes leur production.
Roger partant à la retraite, Roselyne conduira prochainement le cheptel avec son gendre. Elle souhaite l'étoffer pour avoir jusqu'à 20 têtes. Si l'engraissement du Fin gras nécessite de l'espace (elle possède actuellement 121 ha), le retour sur investissement n'est pas anodin : «C'est un apport important face au cours du broutard qui n'est pas terrible», admet-elle. D'un bout à l'autre de la chaîne et à l'échelle du territoire, le Fin gras génère un chiffre d'affaires de près de 2 millions d'euros.
Rendez-vous en juin pour la fin de la saison
Le passage de flambeau a son importance pour les détenteurs de la tradition. La fête du Fin gras, symbole de la clôture de la saison chaque premier dimanche de juin, en est l'exemple concret. Organisée, cette année, le 6 juin à Chaudeyrolles (Haute-Loire) et le 7 à Saint-Martial, elle est l'occasion «d'une communion entre les éleveurs, leur famille, entre les générations», estime Bernard Bonnefoy. Temps fort des festivités, la journée du dimanche côté ardéchois avec le défilé des bestiaux. Le public pourra, cette fois, assister à leur préparation sur la place du village, le matin. Et goûter à la spécialité lors du petit-déjeuner campagnard et de souper fin, mais aussi grâce aux bons soins des bouchers et restaurateurs de l'association. Et son président de conclure : «Cela crée des émotions et des passions. La transmission, ce n'est pas que le foncier, c'est aussi le métier.»
Tiphaine Ruppert