Provision élevage : Comment les éleveurs peuvent bénéficier de cette mesure fiscale obtenue par le syndicalisme FNSEA-JA ?
La nouvelle provision élevage, déductible du résultat imposable, peut permettre aux éleveurs bovins d’économiser, dans les meilleurs cas, plus de 10 000 euros en 2025 au titre de leurs résultats de l’année 2024. Le président de la Fédération nationale bovine, Patrick Bénézit, revient sur cet acquis syndical et nous vous expliquons en détail toutes les clés pour en bénéficier.
La nouvelle provision élevage, déductible du résultat imposable, peut permettre aux éleveurs bovins d’économiser, dans les meilleurs cas, plus de 10 000 euros en 2025 au titre de leurs résultats de l’année 2024. Le président de la Fédération nationale bovine, Patrick Bénézit, revient sur cet acquis syndical et nous vous expliquons en détail toutes les clés pour en bénéficier.

Pourquoi la mesure fiscale dédiée aux éleveurs, pourtant annoncée dès octobre 2023, n’a abouti que récemment ?
Patrick Bénézit : Lors de l'été 2023, la Fédération nationale bovine avait demandé des dispositions en faveur de l'élevage bovin, et nous avons eu l'opportunité de réfléchir à une mesure fiscale spécifique bovine. Le ministre de l'économie de l'époque Bruno Lemaire avait accédé à notre demande, en annonçant le dispositif en octobre 2023 au Sommet de l'Élevage. Malheureusement, les dispositions prises dans le cadre de la loi de finances 2023 n'ont pas été conformes aux attentes des éleveurs et la mesure n'était pas à la hauteur. Nous n'avons pas lâché l'affaire pour autant. Ainsi, à l'occasion des grandes manifestations FNSEA-JA de 2024, le syndicalisme est revenu vers les pouvoirs publics pour obtenir une mesure plus puissante, efficace, et adaptée aux réalités de terrain. Nous l'avons obtenu.
Dans les faits, n'y-a-t-il pas cependant une volonté du ministère de l'Economie et des finances de restreindre le montant éligible par associé de 15 000 euros ?
P.B. : Oui, effectivement, les services de l'État ont imposé pour 2025, 2026 et 2027 une différenciation liée à la contractualisation, qui pour nous est très inadaptée, y compris pour des gens qui ont des contrats. C'est pour cela que nous œuvrerons dès 2025 pour faire disparaître cette clause. Ne nous y trompons pas, elle a été mise seulement pour diminuer l'engagement financier de Bercy, et certainement pas pour encourager une contractualisation. Néanmoins, nous rappelons en effet que la contractualisation et le respect des coûts de production sont toujours plus que nécessaire surtout en ce moment si on veut conserver de l'engraissement en France et renouveler les générations.
Tous les éleveurs de bovins ont-ils intérêt à actionner cette provision élevage ?
P.B. : Cette disposition fiscale que nous avons obtenue peut permettre à bon nombre d'éleveurs au réel de bénéficier de cette déduction fiscale et sociale non négligeable notamment pour ceux dont les valeurs de stocks sont basses mais également pour ceux qui sont en croît de cheptel même léger.
Pourquoi les éleveurs doivent-ils se rapprocher rapidement de leur comptable ?
Nous incitons les éleveurs intéressés par cette mesure à se rapprocher rapidement de leur comptable. En effet, les délais sont courts avant la prochaine déclaration fiscale du fait du vote tardif de la loi de finances et de la rétroactivité de la mesure des exercices clos 2024 obtenue auprès des ministres Genevard et Montchalin.
Attention, ce dispositif n'est pas le même que la déduction de 150 euros par vache votée l'an dernier
Votée en retard suite à la censure du gouvernement Barnier, cette mesure est issue de la loi de finances pour 2025 du 14 février dernier et dont les ministres de l’agriculture et des comptes publics ont confirmé l’application aux clôtures 2024, par communiqué du 1er avril 2025. Ce mécanisme fiscal suppose de vous rapprocher de votre comptable afin d’intégrer cette provision comptable dans votre résultat clos au cours de l’année 2024 et qui sera déclaré début mai 2025. Il y a donc urgence !
Attention, ce nouveau dispositif est radicalement différent de la déduction de 150 € par vache votée l’an dernier. Il est beaucoup plus puissant et efficace, pouvant vous faire économiser plus de 10 000 € d’impôt et de cotisations sociales définitivement. Pour les résultats clos en 2024, les deux mécanismes, nouvelle provision et ancienne déduction de 150 €, s’appliquent mais sont exclusifs l’un de l’autre. Mais le choix est évident ! Seule la nouvelle déduction peut vous faire gagner définitivement les économies fiscales et sociales réalisée. Alors mode d’emploi !
Quels sont les éleveurs concernés ?
Les exploitants agricoles soumis au régime réel des bénéfices agricoles peuvent constituer fiscalement cette provision liée à l’augmentation de la valeur de leurs stocks de vaches laitières et/ou de vaches allaitantes. Les exploitants au micro-BA sont exclus de ce mécanisme. De même que ceux qui ont opté pour l’impôt sur les sociétés (rare en pratique). Il ne faut pas non plus avoir opté pour le blocage de la valeur des stocks ou avoir immobilisé les vaches allaitantes.
Comment est calculée la provision ?
Le montant de la provision est égal au montant de la valeur du stock de vaches laitières et allaitantes constatée en fin d’exercice 2024 diminué de la valeur du même stock à l’ouverture de l’exercice.
Attention, seules les vaches laitières et allaitantes sont éligibles au dispositif et sous réserve d’être regroupées en deux stocks distincts dans la comptabilité (un compte pour les vaches allaitantes et un compte pour les vaches laitières).
La hausse de valeur peut avoir été provoquée, à cheptel constant, par la hausse des cours de la viande, mais aussi par l’augmentation du nombre de vaches (ou le fait que des génisses soient devenues des vaches et qu’elles aient changé de catégorie de stocks).
Quel est le montant maximum de la provision en 2024 ?
La provision est plafonnée à 15 000 € par exercice comptable. Pour les GAEC et les EARL, ce plafond est multiplié par le nombre d'associés exploitants, dans la limite de quatre. Pour un GAEC à quatre associés, c’est donc 60 000 € qui peuvent être provisionnés au maximum.
A compter des résultats clos en 2025 (déclarations fiscales de 2026), si l’éleveur n’est pas contractualisé au sens de la loi EGALIM, le montant de la provision calculée, ainsi que le montant du plafond, s’il s’applique, sont minorés : 10 % au titre de l'exercice clos en 2025, de 20 % au titre de l'exercice clos en 2026 et de 25 % au titre des exercices clos à compter du 1er janvier 2027. La FNSEA travaille à la suppression de ces dispositions et aux complexités pratiques qui en résultent.
La provision est assimilée à une aide et soumise aux règles de minimis. Mais le plafond est passé de 20 000 € à 50 000 € (avec transparence pour les GAEC) depuis décembre 2024 : sauf cas exceptionnel, il ne devrait pas être dépassé.
Quelles sont les conséquences fiscales et comptables ?
La provision telle que calculée est qualifiée de provision réglementée en comptabilité. Dès lors, cette provision est déductible du résultat fiscal, mais aussi de l’assiette des cotisations sociales. Il en résulte une économie d’impôt qui sera effective à l’automne 2025. Il en résulte également une économie de cotisations sociales qui sera connue en fin d’année (si option pour l’assiette annuelle) ou sur les trois années 2025 à 2027(en cas d’assiette triennale).
Exemple concret : Un éleveur possède un cheptel de 90 vaches allaitantes et laitières.
A la clôture 2024, son résultat comptable est de 60 000 €. Son taux marginal d’imposition au barème de l’impôt sur le revenu est de 31 % ; il a opté pour une assiette annuelle des cotisations sociales (assiette N-1). Deux hypothèses d’évolution du stock sur 2024 sont envisagées :
Hyp. 1 : Ses valeurs de stocks de vaches sont les suivantes, étant souligné que son nombre de têtes n’a pas bougé sur l’exercice (hausse de valeur de 200 € par vache) : Valeur stock à l’ouverture =1000 X 90= 90 000 € Valeur stock à la clôture = 1200 X 90= 108 000 Variation constatée des stocks= 18 000 €
Hyp. 2 : Ses valeurs de stocks de vaches sont les suivantes, avec un nombre de têtes qui a augmenté de 10 vaches sur l’exercice, en plus de la hausse unitaire de la valeur des vaches de 80 € : Valeur stock à l’ouverture =1000 X 90 = 90 000 € Valeur stock à la clôture = 1080 X 100 = 108 000 Variation constatée des stocks= 18 000 €
Dans les deux hypothèses, cette variation en valeur des stocks de vaches a, comme il se doit, été intégrée au résultat comptable de l’exploitation. L’éleveur pourra pratiquer une déduction correspondant à la variation de valeur de son stock de vaches laitières et allaitantes (somme de la variation de ces deux stocks).
Cependant, les 18 000 € excédant le plafond de 15 000 €, sa provision sera plafonnée à 15 000 €.
Cette provision vient en déduction de son résultat comptable : 60 000 € - 15 000 € = 45 000 €.
Son taux marginal d’imposition s’établissant, au cas présent, à 31 %, il en résulte un gain d’impôt sur le revenu de 4 650 €.
Son économie de cotisations sociales sur 2025 (option N-1) s’établit, avec un taux arrondi à 40 %, à : 15 000 € x 0,40 = 6 000 €. C’est donc une économie totale de plus de 10 000 € qui sera réalisée sur 2025.
Cette provision devra-t-elle être rapportée au résultat ?
Tant que le nombre de têtes du cheptel de vaches allaitantes ou laitières ne diminue pas, ou que la valeur de ce cheptel ne diminue pas, par rapport au nombre ou à a valeur retenue à la clôture de l’exercice comptable au cours duquel la provision a été déduite, aucune reprise de la provision n’est effectuée (absence de réintégration au résultat).
Dans cette logique, si les vaches sorties (par vente, passage en réforme…) au cours de l’exercice sont remplacées par l’entrée de nouvelles vaches (génisse passant en laitière, achat…) avant la fin de cet exercice comptable ou au plus tard avant le dépôt de la déclaration du résultat imposable de l’exercice concerné (début mai), aucune reprise de la provision n’est réalisée.
C’est seulement au titre du 6ème exercice suivant celui de la déduction que cette provision devra être reprise, venant augmenter le résultat de cet exercice… sauf exonération ! Toutefois, avant les six ans, une réintégration anticipée d’une partie de la provision devra intervenir s’il y a diminution du nombre de vaches ou de la valeur du cheptel. Sauf si la baisse du nombre de têtes ou de la valeur résulte d’un abattage imposé par l’administration (cas de crise sanitaire).
Dans le cas de réintégration partielle, la part de la provision correspondant au nombre d’animaux en moins doit être réintégrée au résultat à la clôture de l’exercice de sortie des vaches (au prorata de la diminution du cheptel comparée au nombre de têtes présentes lors de la déduction de la provision).
Exemple (suite hypothèse 1)
A la clôture 2025, le nombre de vaches laitières et allaitantes, qui était de 90 à la clôture 2024, tombe à 87. Il y a donc réintégration d’une fraction de la provision à ajouter au résultat comptable de 2025. Montant à réintégrer (hyp. 1) : 15 000 € / 90 x (90 – 87) = 500 € A noter également que la provision doit être rapportée au résultat en cas de cessation d’activité (retraite, vente de l’exploitation…). Mais des exceptions sont prévues en cas de 4 transmission à titre gratuit, de mise en société de l’exploitation ou de fusion sous quelques conditions à remplir.
La provision peut-elle être exonérée définitivement ?
Oui, c’est le résultat du combat syndical de la FNSEA. En plus de l’objectif de neutraliser la prise de valeur des stocks après la hausse des cours de la viande ces dernières années, la provision a pour but principal d’aider les éleveurs à recapitaliser dans leur cheptel et de reconquérir notre souveraineté en viande bovine et lait. C’est pourquoi la provision pratiquée, lorsqu’elle est reprise au titre du 6ème exercice comptable suivant sa déduction, est définitivement exonérée d’impôt et de cotisations sociales s’il est constaté une augmentation du nombre total de vaches laitières et allaitantes ou en cas de hausse de la valeur de ces stocks, en comparaison avec le nombre ou la valeur constatés lors de l’exercice de constitution de la provision.
« Il suffit que le cheptel augmente d’une vache ou d’un euro pour que l’exonération soit définitive ! ».