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Gaec : quand les associés ne font plus société

Le nombre de dissolutions de Gaec pour cause de mésentente est en légère augmentation. S’ils font parler, ces cas restent rares mais la prévention et la communication prévalent. 
 

Trouver sa place dans le Gaec n’est pas toujours évident, or c’est fondamental, explique l’Adasea.
© Adobestock IA

L’alerte a été donnée de façon inattendue le 11 février dernier par la ministre de l’Agriculture elle-même, s’exprimant devant le Sénat lors de l’examen de la LOA (loi d’orientation agricole) : Annie Genevard s’inquiétait de mésententes qui “se multiplient au sein des Gaec”. Des discordes “parfois interminables” qui “font courir de grands risques aux exploitations et déstabilisent les associés”(1). Posé comme tel, on pourrait croire le modèle sociétaire agricole des Gaec, spécificité tricolore, menacé par des conflits internes. 

Dissolutions anticipées : des cas qui se comptent sur les doigts de la main

Un constat que les chiffres relativisent grandement même s’il est vrai que les relations ont davantage tendance à se tendre entre associés. Dans le Cantal, où l’on recensait en 2024 pas moins de 1 186 Gaec (soit près d’un tiers des déclarants Pac), sur une trentaine de transformations ou dissolutions enregistrées en comité d’agrément Gaec, moins de dix sont des dissolutions anticipées, fruits de mésentente. Des statistiques proches de celles issues d’un bilan réalisé en Haute-Loire sur la décennie 2010-2019, où sur 800 Gaec suivis par les centres de gestion, 40 transformations ou dissolutions ont résulté de situations conflictuelles. Soit une moyenne de quatre par an. 
Des ratios certes anecdotiques (moins de 0,03 % dans le Cantal) mais des cas qui font parler et qui, surtout, sont  le reflet d’une “société Kleenex®”, où pour grossir le trait, à chaque contrariété professionnelle, on démissionne, à la moindre mésentente amoureuse, on divorce. 

Auparavant, les associés se supportaient, s’engueulaient,  ne se parlaient plus pendant trois jours et puis ça repartait", Brigitte Troucelier, secrétaire générale de Gaec & sociétés.


“Auparavant, les associés se supportaient, s’engueulaient, ne se parlaient plus pendant trois jours et puis ça repartait”, analyse Brigitte Troucellier, agricultrice dorienne en Gaec entre époux et secrétaire générale nationale de Gaec et Sociétés, organisation qui a d’ailleurs mis le sujet des relations humaines au cœur de son prochain congrès au Puy-en-Velay. “L’histoire familiale, l’enjeu patrimonial l’emportaient, obligeaient à tenir malgré les différends.” Une ère révolue avec une jeune génération qui ne veut plus rester à l’écart des loisirs : “Ils veulent vivre comme les autres corps de métier, avoir des vacances, s’installer comme chef d’exploitation en tant que tel”, bousculant de fait les schémas en vigueur. 

Société(s) Kleenex® 

“Aujourd’hui, quand quelque chose pose problème, on part, on fuit, on se sépare, on n’essaie pas de trouver de solution ; or, une société, par nature, c’est accepter de faire des concessions, si on n’est pas dans cet état d’esprit-là, mieux vaut ne pas s’associer...”, abonde Isabelle Valarcher, juriste à l’Adasea du Cantal, qui accompagne depuis une vingtaine d’années la vie des sociétés agricoles dans le département.
Les sources de conflits ? Elles sont multifactorielles, poursuit Brigitte Troucellier, et pas forcément d’ordre économique. C’est souvent un détail qui va faire office de détonateur à des non-dits, à des divergences de vue non exprimées sur des choix stratégiques, de systèmes, d’investissements, sur des souhaits de temps libre... Le point commun à ces Gaec en sursis : “Soit le nouvel arrivant n’a pas trouvé sa place, soit on ne lui en a pas faite une, et c’est d’autant plus compliqué dans les sociétés familiales”, souligne Isabelle Valarcher. Pas évident en effet pour le fils de 18 ans, à peine sorti du lycée agricole, de s’imposer comme un associé à part entière, ou a contrario, de ne pas être surprotégé par ses parents. “En famille, on se permet des choses, des mots, qu’on ne ferait pas entre tiers”, relève la juriste en martelant qu’un associé n’est pas... “un salarié pas cher”.

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Des conséquences lourdes

Et si elle constate que les “ruptures” de Gaec sont des procédures plus rapides entre tiers, celles au sein d’associés apparentés ont souvent des conséquences directes et indirectes, économiques, patrimoniales et humaines bien plus lourdes et durables. Par exemple quand il s’agit pour les associés restants de racheter les parts sociales du jeune installé, d’honorer les annuités d’un emprunt souscrit ensemble pour un bâtiment... D’où ce message répété lors des formations : “Entrer dans une société, c’est s’engager au moins sur la durée des emprunts qu’on a pris ensemble. C’est un vrai engagement.”
La spécialiste de l’Adasea rappelle en outre qu’on ne sort pas d’un Gaec comme on quitte un emploi salarié : “Dans une société, on ne peut pas partir tant qu’on ne s’est pas mis d’accord sur tout et pendant tout ce temps, il y a exclusivité de travail, ce qui signifie que chacun des associés doit continuer à faire sa part du travail sur 
l’exploitation quand bien même on est en conflit.” Un bras de fer qui peut s’éterniser sauf à trouver un compromis au terme d’une médiation ou de céder... à l’usure morale.

“Le conflit n’a rien d’anormal”

“Mais les médiations peinent à aboutir car pour l’un ou l’autre des associés, c’est reconnaître qu’il s’est trompé, appuie Isabelle Valarcher. À chaque fois qu’on est intervenu en médiation, on a certes fait un peu avancer les choses d’un point de vue relationnel mais c’est compliqué d’arriver à faire faire machine arrière. La médiation peut marcher si chacun accepte de se mettre autour de la table, d’écouter l’autre, d’essayer de le comprendre...”
Comme elle, Brigitte Troucellier fait aussi valoir que décider de se séparer n’est pas forcément un échec, ce peut être une étape de la vie, avant de rebondir. Et Isabelle Valarcher d’ajouter : “Le conflit n’a rien d’anormal dans un groupe, une société, au sein d’une entreprise. Il faut le voir comme une opportunité de lever les problèmes, de passer à autre chose. Or souvent, c’est un jeu de pouvoir...”

(1) Source Agra Presse.
 

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