L'agriculture et Mitterrand en 5 faits marquants
10 mai 1981. Il y a quarante ans, François Mitterrand était élu président de la République. Que retenir du volet agricole pendant ses 14 années à la tête de la France ? Un président attaché au monde agricole mais qui préférait se promener dans les champs que dans les allées du salon de l’Agriculture.Une femme ministre qui a essuyé les plâtres. Et des négociations de la PAC et du GATT, avec des sujets qui résonnent encore aujourd’hui.
10 mai 1981. Il y a quarante ans, François Mitterrand était élu président de la République. Que retenir du volet agricole pendant ses 14 années à la tête de la France ? Un président attaché au monde agricole mais qui préférait se promener dans les champs que dans les allées du salon de l’Agriculture.Une femme ministre qui a essuyé les plâtres. Et des négociations de la PAC et du GATT, avec des sujets qui résonnent encore aujourd’hui.
Avant son élection le 10 mai 1981, François Mitterrand souhaitait un volet agricole. Au sein du Parti socialiste dont il était premier secrétaire, une Commission agricole rassemblait régulièrement une centaine de paysans. « Son réalisme et sa connaissance de la France rurale ne lui donnaient pas beaucoup d’illusions sur ses capacités à retourner les tendances lourdes de ce milieu conservateur, » peut-on lire dans la lettre de l’Institut François Mitterrand.
En tant que candidat, le futur président avait montré son attachement au monde agricole. Sur des images de l’Ina, on le voit en costume cravate au milieu des veaux et des vaches dans une ferme de l’Allier. « Il n’est pas possible que les éleveurs soient à la merci de variations telles des cours à la production, » disait le candidat de l’époque. « Il faut avoir une politique intelligente et cohérente à la fois de l’Office de la viande et des importations, » avait dit le candidat, en visite dans une ferme de l’Allier. « C’est quand même anormal que l’on voit des importations qui viennent dans des frigos tandis que l’office de la viande semble ne pas savoir exactement ce qu’il doit faire ».
Le programme de création d’offices par produits a été mis en place pendant le premier septennat, pourtant ces paroles résonnent encore quarante ans après.
1 - Un programme agricole bâti sur 4 piliers
Dans un contexte de perte de la moitié des exploitations depuis les années 60, le programme agricole du candidat Mitterrand comportait 4 points forts :
. la réforme de l’indemnité viagère de départ des agriculteurs âgés
. la création d’offices fonciers ruraux
. la création d’offices par produits pour en garantir le prix
. la création d’un statut des salariés agricoles qui tienne compte de la spécificité du secteur et se rapproche des droits des salariés de l’industrie.
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2 - Une première femme ministre de l’Agriculture
En mai 1981, François Mitterrand, nouveau président, propose le poste de ministre à Edgard Pisani, qui a déjà occupé cette fonction dans les cabinets de Michel Debré en 1961-1962 et de Georges Pompidou de 1962 à 1966. L’homme décline la proposition et c’est finalement une femme, Edith Cresson, qui devient pour la première fois de l’histoire de France ministre de l’Agriculture dans le gouvernement Mauroy. Être femme et de gauche a semé le parcours de la ministre d’embûches. La FNSEA, sous la présidence de François Guillaume et le CNJA lui mènent la vie dure.
Pour décrire la situation, les mots de l’Institut François Mitterrand sont forts.
« Ce fut alors une guerre quotidienne entre François Guillaume, président de la FNSEA, et la ministre Edith Cresson : injures sexistes inadmissibles, manifestations pour un oui ou pour un non, qui sont allés jusqu’à l’agression physique ».
3 - Un président qui n'est pas allé au salon de l’Agriculture
En 14 ans à la tête du pouvoir, et contrairement à ces prédécesseurs François Mitterrand, n’est pas allé à la rencontre des agriculteurs au Salon de l’Agriculture. En 1981, il a arpenté les allées de la porte de Versailles mais en tant que candidat à la présidentielle. François Mitterrand avait une fibre campagnarde mais préférait laisser l’ambiance de la ferme parisienne à ses ministres de l’Agriculture ou à Jacques Chirac devenu Premier ministre de la Première cohabitation en 1986. Henri Nallet, ancien conseiller agricole de François Mitterrand, de 1981 à 1985, avait suggéré au président de s’y rendre. François Mitterrand ne jugeait pas cela utile mais était très attaché au monde agricole et avait conscience de son importance pour la France, assurait l’ancien conseiller sur LCI en 2016. Le président revendiquait d’ailleurs ses origines agricoles. « J’ai été formé dans mon enfance à bon nombre de problèmes de l’agriculture, tout simplement par le fait que je suis issu de ce milieu, » assurait François Mitterrand le 28 septembre 1982, à Rodez lors de sa visite du groupe Sica Centre-Sud.
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4 - Un marché commun agricole « en panne » qu’il faut « réformer »
Lors de son discours de Rodez en septembre 1982, le président parla longuement aux professionnels de l’agriculture. A l’époque, les relations avec la Grande-Bretagne n’étaient déjà pas faciles. « Pour la volaille, c’est la Grande-Bretagne qui tout à coup, ferme ses portes. Plus d’œufs, plus de poulets, plus de dindes. Tout cela arrive comme l’année dernière à la veille de Noël. Subitement, je ne sais pas pourquoi, à six mois de Christmas, tous nos poulets ont la fièvre, ils sont malades ». François Mitterrand notait une forme de « protectionnisme » à l’intérieur du marché commun « CEE ». Le président avait poursuivi : « S'ils ne veulent pas de nos poulets, s'ils ne veulent pas de nos œufs, alors nous ne voulons pas de leurs moutons. Et nous sommes en train de nous enfermer nous-mêmes dans un système qui n'est pas heureux puisque ce sont les protectionnismes qui reprennent le dessus afin de disposer d'une arme capable de faire fléchir la volonté britannique ». En 1982, l’union agricole de l’Europe était déjà un sujet brûlant. « Vous apercevez au travers de ces difficultés combien le marché commun agricole est aujourd'hui en panne. Il faut absolument le réformer, » disait François Mitterrand.
5 - La PAC d'abord, le GATT ensuite
Durant son premier septennat, quatre ministres de l’agriculture se sont succédé : Edith Cresson, Michel Rocard, Henri Nallet et François Guillaume. Durant le second septennat : Henri Nallet revient, puis viennent successivement Louis Mermaz, Jean-Pierre Soisson et Jean Puech. Dans la lettre éditée par l’Institut François Mitterrand, Louis Mermaz se souvient des « difficiles négociations, au sein de la Communauté européenne (PAC) et dans le cadre du GATT ». Le GATT était l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et Louis Mermaz se souvient du cycle d’Uruguay qui a abouti à la création de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. François Mitterrand « ne voulait pas céder aux exigences que formulaient alors les Américains, » se souvenait Louis Mermaz en 2005.
En 1992, l’objectif de la France était de réformer la PAC avant le GATT. « Au final, nous sommes parvenus à un accord qui s’approchait autant que possible du mandat " idéal " que je m’étais fixé en venant à Bruxelles, » témoignait le ministre de l’Agriculture français. « Le rôle joué par le ministre allemand Kiechle s’est montré des plus utiles. C’était là une manifestation des relations étroites nouées entre François Mitterrand et le chancelier Kohl, » précisait-il. « Les agriculteurs qui, tout au long de cette période, avaient manifesté leurs inquiétudes – la base débordant souvent les responsables syndicaux – ont marqué par la suite leur satisfaction, » observait-il. « Le revenu agricole était préservé. »