Xylella fastidiosa : restons vigilants
Faut-il craindre une nouvelle crise sanitaire de grande ampleur ? C’est la question qui est dans tous les esprits depuis la découverte de la Xylella fastidiosa en Corse. Cette bactérie, qui a déjà décimé plus de 300 000 hectares d’oliviers en Italie et qui est responsable de la maladie de Pierce aux États-Unis, n’a à ce jour aucune parade. Néanmoins, le risque à court terme de la voir débarquer sur vigne en France semble faible.
Faut-il craindre une nouvelle crise sanitaire de grande ampleur ? C’est la question qui est dans tous les esprits depuis la découverte de la Xylella fastidiosa en Corse. Cette bactérie, qui a déjà décimé plus de 300 000 hectares d’oliviers en Italie et qui est responsable de la maladie de Pierce aux États-Unis, n’a à ce jour aucune parade. Néanmoins, le risque à court terme de la voir débarquer sur vigne en France semble faible.
La Xyllela fastidiosa sera-t-elle le nouveau Phylloxéra de la vigne ? Suite à sa forte médiatisation estivale, nombre de viticulteurs le craignent. Pourtant, à court terme, il semblerait que tout danger soit écarté.
En effet, il n’y a pas une, mais plusieurs Xylella fastidiosa. La bactérie compte de nombreuses sous-espèces, « plus ou moins inféodées à une gamme particulière de plantes hôtes et à une aire de répartition distincte sur le continent américain », détaille l’Inra. À l’heure actuelle, six sous-espèces ont été dénombrées. Ainsi, la Xylella fastidiosa pauca est responsable de l’hécatombe des oliviers en Italie, ainsi que des dégâts sur agrumes et caféiers au Brésil, tandis que la Xylella fastidiosa multiplex est la sous-espèce ayant fait couler de l’encre récemment, suite à son arrivée en Corse sur les polygales à feuille de myrte. Mais a priori, aucune de ces sous-espèces ne s’attaque à la vigne. Trois autres sous-espèces, morus, sandyi, et tashke, n’ont pour le moment été détectées que sur le continent américain. La première affectionne les mûriers nord-américains, la seconde les lauriers roses et caféiers aux États-Unis et en Amérique centrale. Quant à la X. fastidiosa tashke, elle n’a été identifiée que sur un arbuste d’ornement aux États-Unis.
La sous-espèce dangereuse pour la vigne, car responsable de la maladie de Pierce aux États-Unis, est la Xylella fastidiosa fastidiosa. Outre la vigne, elle s’attaque aussi aux amandiers, aux érables et à la luzerne. Mais à ce jour, cette sous-espèce, si elle a également été identifiée en Amérique centrale et à Taïwan, n’a encore jamais été retrouvée en Europe. Pour Marie-Agnès Jacques, bactériologiste et phytopathologiste à l’Inra d’Angers-Nantes, et en charge du sujet, le risque de la voir débarquer en France est minime : « si la sous-espèce qui s’attaque à la vigne n’a pas été introduite jusqu’à présent, il y a peu de chances que cela arrive. Depuis la découverte de la bactérie en Corse, les mesures de contrôle des végétaux aux portes de l’Union Européenne ont été renforcées. La surveillance est efficace. Mais bien sûr, le risque zéro n’existe pas ».
Des plantes porteuses de la bactérie mais sans symptôme
Et ce d’autant plus que les experts de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) évaluent à 309 le nombre d’espèces de plantes hôtes possibles. Or « bon nombre de plantes hôtes sont asymptomatiques, c’est-à-dire porteuses de la bactérie mais ne présentant pas de symptôme », souligne le site de l’Inra. D’où une détection des plantes contaminées des plus ardue. Sans compter que l’on ne peut exclure la possibilité qu’un touriste revienne des États-Unis avec un cep infecté dans sa valise.
Autre critère d’inquiétude : le nombre élevé de vecteurs potentiels. L’Union Européenne a placé pas moins de 120 espèces sous surveillance, dont 50 sont présentes dans l’Hexagone. Mais heureusement, à ce jour, une seule de ces cinquante est reconnue comme étant vectrice de la bactérie : le Philaenus spumarieux L., ou cercope des prés. Les deux principaux vecteurs américains, à savoir Graphocephala atropounctata et Homalodisca vitripennis, sont pour l’heure introuvables en France.
Enfin, certains, à l’image des pépiniéristes, craignent que la Xylella fastidiosa corse ou italienne ne mute et puisse alors s’attaquer à la vigne. D’après Marie-Agnès Jacques, cette évolution de la bactérie, si elle est possible, est peu probable : « au regard de ce qui a été analysé aux États-Unis et du faible impact de la mutation dans l’évolution de Xylella fastidiosa, on peut penser que le risque de mutation suivi de saut d’hôte est très faible ».
Aucune solution curative actuellement disponible
Si, malgré tout, la Xylella venait à attaquer le vignoble hexagonal, la seule méthode de lutte contre la bactérie serait similaire à celle de la flavescence dorée : arrachage obligatoire des plants contaminés, et contrôle des populations d’insectes vecteurs. Pour la pépinière, le remède serait également le même que celui de la flavescence dorée, à savoir le traitement à l’eau chaude. Mais attention, cette mesure « n’est pas sans conséquence pour le plant », rappelle David Amblevert, président de la fédération française de la pépinière viticole (FFPV). Il n’est donc pas favorable à son introduction en routine et préfère miser sur un renforcement des mesures de prévention et de contrôle du matériel végétal. « Nous présenterons d’ailleurs des mesures allant dans ce sens lors de notre congrès mi-octobre », conclut-il.
Repères
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La Xylella fastidiosa est une bactérie véhiculée par des insectes piqueurs-suceurs, se nourrissant de la sève brute du xylème (principalement des cicadelles et des cercopes, mais aussi des cigales). Une fois introduite dans la plante hôte, la bactérie forme des biofilms et des agrégats qui bouchent peu à peu le xylème et limitent ainsi la circulation de la sève.
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Sur vigne, la présence de la Xylella fastidiosa fastidiosa provoque la maladie de Pierce. Elle se caractérise par des jaunissements et rougissements des feuilles, des défauts de lignification et aoûtement ou encore une persistance des pétioles après la chute des feuilles. Le cep n’est plus alimenté. Il se dessèche puis décède généralement au bout d’un ou deux ans.
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Les symptômes peuvent être confondus avec ceux de la nécrose bactérienne, du stress hydrique, de la sénescence des feuilles, ou encore de certaines carences nutritionnelles en oligo-éléments. Mais en cas de doute, contactez sans tarder votre DRAAF/SRAL (service régional de l’alimentation).
Perspectives de lutte
Selon Marie-Agnès Jacques, de l’Inra, de nombreuses pistes de lutte contre la Xylella fastidiosa sont actuellement explorées, notamment aux États-Unis.
. La prophylaxie : utilisation de plants sains, éloignement des plantations des zones favorables à l’insecte vecteur (zones humides et bord des cours d’eau), traitements insecticides.
. L’amélioration des variétés pour la résistance à Xylella par génétique classique ou transgénèse.
. Une stratégie de confusion basée sur la transgénèse ou l’utilisation d’analogues chimiques à la molécule DSF, impliquée dans la communication entre cellules bactériennes. L’objectif est d’entraîner la confusion chez Xylella en simulant un environnement chimique similaire à celui qu’elle rencontre lorsqu’elle est présente en grandes populations dans une plante et qu’elle est transmissible par insecte. Cette confusion devrait la conduire à limiter sa multiplication et ne pas produire les facteurs responsables de la survenue des symptômes.
. La dégradation des biofilms bactériens par l’application de composés chimiques telle la N-acétylcystéine.
. L’utilisation de bactériophages lytiques.
. L’emploi d’antibiotiques ou de peptides antimicrobiens.